"La vocation de la région n'est pas de participer à un marché de l'école" 

Par François Jarraud


"Comment contribuer à davantage d'égalité et de réussite scolaire ? " Pour Henriette Zoughebi, vice-présidente du Conseil régional d'Ile-de-France en charge des lycées, l'action régionale doit s'appuyer sur les acteurs de l'éducation. Après une série de débats dans des lycées d'un bout à l'autre de la région l'an dernier, elle installe le 5 décembre "l'Observatoire de la réussite scolaire et de la mixité sociale" francilien. Pour ses membres elle fixe trois objectifs : aider la région à définir sa politique pour la décennie à venir, affiner la connaissance de l'éducation en Ile-de-France, alimenter le débat sur les politiques éducatives. Trois moments forts de la journée.

 

"Même si je connais bien la diversité des établissements en Ile-de-France, j'ai été frappée par les écarts considérables entre établissements. J'ai vu comment l'école accentue les inégalités territoriales et sociales dans la région. J'ai été frappée aussi par le désir de réussite de tous les lycéens et par l'énergie des adultes qui les encadrent", explique Henriette Zoughebi en ouverture de cette journée d'installation de l'Observatoire. Il y a là une centaine d'élus (Alain Desmarest vice-président du Conseil général du 94 par exemple), de nombreux chefs d'établissement, des syndicalistes, des chercheurs, des experts. "La région peut et doit jouer un rôle dans la construction d'une nouvelle étape (de la démocratisation scolaire) voire d'une nouvelle école. C'est pourquoi l'éducation est, avec les transports, une priorité régionale", continue H. Zoughebi. "L'action du gouvernement qui fonde la réussite sur la compétition entre les individus et la concurrence entre les établissements a creusé les écarts. L'assouplissement de la carte scolaire a eu des effets dévastateurs. L'entre soi se développe. Tous les lycées perdent en mixité sociale et scolaire. Or les deux marchent ensemble. La vocation de la région n'est pas de participer à ce marché de l'école". Elle appelle les membres de l'observatoire à "élaborer un diagnostic, évaluer les effets des politiques publiques et préparer de nouvelles actions". Ariane Azéma, DG de l'unité Lycées, décline ce dernier point. La région attend de l'Observatoire qu'il l'aide à penser sa politique vers les établissements prioritaires ou de lutte contre le décrochage. Avec des points sensibles précis comme le devenir de la dotation de solidarité versée aux lycées ou la localisation des internats de proximité.



La région la plus inégalitaire de France


Pour éclairer la discussion, l'IAURIF (Institut d'aménagement et d'urbanisme de la région) a présenté quelques données sur les inégalités régionales. Inégalités sociales : la région la plus riche de France compte 18% d'habitants "bénéficiaires" du RSA, avec des poches de pauvreté bien localisées et des écarts qui vont croissants. Inégalités scolaires également. Les départements comptent des populations d'enseignants très hétérogènes. Le taux de jeunes en difficultés de lecture passe du simple au double du 78 au 93. Le taux de réussite au bac est très variable d'une académie francilienne à l'autre, mais il est partout inférieur à la moyenne , même dans les académies socialement privilégiées comme Paris. Enfin l'Ile-de-France se signale comme la région qui a la plus forte hétérogénéité scolaire.


" La massification ne s'est pas accompagnée d'une réduction des inégalités" , explique Son Thierry Ly, doctorant, qui fait le point sur la recherche en éducation sur les inégalités scolaires pour l'Observatoire. L'allongement général des études s'est accompagné d'une inégalité entre les filières et de la montée de la ségrégation entre établissements voire intra établissement.



Seule la mixité compte...


C'est lancer le débat sur les attentes  de la région. Impossible de restituer une après-midi d'atelier. Citons Jean-Yves Rochex qui intervient pour rappeler les inégalités de niveau entre établissements. Dans les établissements populaires les exigences professorales sont souvent diminuées ce qui aggrave les inégalités scolaires. La preuve en est faite quand on compare les notes au brevet en épreuve finale et au contrôle continu.


Catherine Moisan, inspectrice générale, rappelle que l'offre de filières dans chaque établissement est déterminante pour l'orientation des élèves. C'est favoriser les lycées polyvalents, malgré leur difficulté à créer une identité collective mise en valeur dans l'intervention d'un proviseur.


Jean-Pierre Obin, inspecteur général, rappelle que "l'égalité des chances , ce n'est pas l'équité". Pour lui, la mixité scolaire dans es établissements est la clé qui permettra d'améliorer les résultats des plus faibles tout en poussant les forts. "Quitte à donner des moyens, il faut qu'ils soient attribués en fonction du degré de mixité des lycées", propose-t-il. En même temps, il faut prévoir dans les lycées "mixtes" des structures d'aide pour accueillir les élèves défavorisés.



Rendre les débats publics


Au terme de la journée, Ariane Azéma signale les points qui restent à approfondir : l'effet établissement, le rôle des différents acteurs, l'effet d'offre, comment il oriente les parcours d'élèves, la question de la dotation de solidarité.


"Il faut rendre le débat public", explique Henriette Zoughebi. "On a besoin de continuer à travailler et à croiser les points de vue". Elle annonce le lancement d'un programme d'audition de chercheurs. Avant d'inviter la salle à réfléchir aussi au statut lycéen. "La manière dont on les traite influe sur les résultats. Il ne faut pas écarter la voix des lycéens". L'Observatoire est parti pour des rendez-vous réguliers. Mais dans un an le conseil régional devra transcrire ses décisions en termes budgétaires. L'Observatoire aura peut-être éclairé le paysage éducatif et contribué à faire reculer les inégalités en Ile-de-France. A suivre...


François Jarraud



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Par fjarraud , le mardi 06 décembre 2011.

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