Rochex : Inégalités : Il faudrait traiter les choses en amont 

Pour Jean-Yves Rochex, les inégalités entre établissements sont bien réelles. S'y ajoutent les inégalités d'exigences des enseignants face aux élèves défavorisés. Tout cela est-il encore rattrapable au lycée ?


Que peut-on attendre de cet observatoire comme chercheur ?


L'objectif c'est d'être une interface de dialogue entre action politique et établissements. Cette  interface manque comme beaucoup d'études le montrent. Mais ce peut être aussi un partenaire par exemple pour financer des recherches. J'en attends les deux choses. Je sais aussi que c'est difficile à maintenir dans la durée.


Il y a un tabou en France, c'est les inégalités entre établissements. C'est un point  qui a été soulevé dans le débat mené durant cette réunion. Sont-elles sont vraiment fortes ?


Elles sont méconnues et véritables. C'est lié au fait qu'on a supprimé l'orientation précoce en fin de 5ème et le redoublement. Je ne les regrette pas . Mais ce n'est pas parce qu'on supprime une mesure inefficace qu'on règle le problème. Il faut ajouter qu'on observe ces inégalités entre établissements. Cela ne veut pas dire qu'elles soient produites par les établissements. C'est un point sur lequel il faudrait continuer à débattre. Rien n'autorise à dire que la différence soit née dans l'établissement. Pour une évaluation réelle, il faudrait des études qui prennent en compte les niveaux d'entrée dans le lycée ce qui n'est pas le cas des indicateurs des lycées comme G. Felouzis l'a montré. C'est aussi le problème des universités dont les indicateurs de valeur ajoutée sont faux. Du coup, les politiques d'autonomie, de pouvoir renforcé du chef d'établissement n'ont aucune efficacité démontrée. C'est ce que disent des chercheurs comme N. Mons.


Vous avez évoqué les différences de niveaux d'exigence entre établissements. Ca a pu être chiffré ?


Des travaux de la Depp le montrent comme une étude de Fabrice Murat. On constate en effet des modes d'adaptation a la baisse ou de différenciation mal pensée qui vont différencier le niveau demandé aux élèves de manière peu pertinente en laissant toute sa place aux malentendus et à l'implicite. On sait comment dans une même classe on a des contrats didactiques différentiels qui font qu'entre élèves et enseignants se nouent des formats d'interaction et d'exigence et d'attente qui font que sur une année sans que les gens s'en soient rendus compte deux catégories d'élèves ont fréquenté des univers de taches et de savoirs très inégaux. Et ce sont les plus favorisés qui ont eu les plus stimulants... 


Ces différentiels sont-ils encore compensables au niveau du lycée ?


C'est compliqué. J'ai travaillé sur l'enseignement de la philosophie. Il y a des élèves en terminale qui sont dans un tel rapport a l'écrit que je ne vois pas comment on pourrait compenser la différence de niveau. D'autant qu'on ne les fait même pas lire des textes philosophiques. Il faudrait traiter les choses en amont. A l'entrée en 6eme les niveaux varient de 1 à 3 déjà. On se focalise sur le  collège parce que les inégalités y sont les plus visibles et se traduisent en comportements indésirables.


Entretien François Jarraud


Sur le site du Café
Par fjarraud , le mardi 06 décembre 2011.

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