Les activités symboliques en PS : un enjeu décisif pour toute la maternelle ?  

Universitaire, Mireille Brigaudiot est bien connue de l'Université d'automne du Snuipp. Elle a mené des recherches dans le thème de l’acquisition du langage et avec l’arrivée annoncée des nouveaux programmes, il lui semble essentiel de réinterroger les pratiques de maternelle mises à mal cette année par un processus d’élémentarisation. Pour cela, elle propose une refonte des activités de la maternelle selon trois axes, dont un en particulier qu’elle développe ici, autour des activités symboliques.

 

Vygotski et la zone proximale de développement

 

Partant de ce qu’elle a l’impression de ressentir lorsqu’elle va dans les maternelles, Mireille Brigaudiot essaie de donner des réponses aux enseignants dans la « tempête » : tempête de vent qui souffle en apportant à la maternelle des listes de mots à apprendre, des étiquettes à découper, coller, reconstruire, décoller, de la phonétique à ne plus savoir qu’en faire, pratiques qui amènent les enfants à ne plus réfléchir par la pensée… Et tempête de vent inverse qui développe un regain d’intérêt pour le montessorisme et la renaissance du discours de l’enfant libre, qui découvre seul en jouant seul à des exercices sensori-moteurs autonomes.

A tous ces courants, Mireille Brigaudiot préfère la voie vygotskienne, qui mêle à la fois une nécessité de développement harmonieux des enfants de deux à six ans avec des apprentissages scolaires incontournables. De là, elle se pose la question de savoir si les jeux spontanés des enfants de deux ans jouent un rôle dans l’appropriation progressive de l’écrit qu’ils vont faire entre cinq et six ans. Elle essaie dès lors de démontrer la relation de continuité qui existe entre l’activité de jeux chez le très jeune enfant et son utilisation du langage écrit plus tar, dynamique perpétuellement jalonnée de ce que l’enfant sait et qu’il reconfigure chaque fois ; c’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle conseille de toujours travailler dans la zone proximale de développement : être un professionnel de l’enseignement, c’est justement être capable de faire travailler un enfant dans la zone à peine plus dure, à peine plus au-dessus que ce qu’ils savent déjà.

 

Des compétences langagières exceptionnelles dont l’école devrait s’emparer

 

L’exposé de Mireille Brigaudiot est passionnant. Elle montre toutes les étapes de la construction du langage écrit, dès les premiers jeux symboliques à l’âge de deux ans, en s’aidant des jalons d’observation de Vigostky, chez l’enfant de deux à six ans, et le cheminement qui le fait passer à la décontextualisation et à l’abstraction. Dans ces jeux, force est de constater que tous les enfants parlent. Vient alors le passage à l’écriture, le dessin étant la zone proximale de développement, aidé par la parole de l’adulte qui va nommer. En résumé, pour un enfant de deux à trois ans, les jeux permettent la création d’un monde de « semi-fiction » et dans les dessins, on passe des gestes aux significations car les enfants laissent des « traces-papier » qui « disent » quelque chose à un adulte. Plus tard, entre trois et quatre ans, dans les jeux de rôle, avec ou sans accessoire, voire avec un accessoire détourné de sa fonction première, les performances langagières des enfants sont complètement au-delà de leurs performances langagières dans leur vie courante : sur ces jeux de rôle qui interviennent plus tard, les états internes et les objets et personnages sont symbolisés, les enfants sont donc amenés spontanément à construire des discours et des constructions grammaticales de qualité. Après cinq ans, les performances langagières sont encore plus grandes car les enfants rentrent véritablement et définitivement dans la culture d’adulte (par exemple, ils écrivent des lettres en voulant reproduire l’écriture de leurs parents). Dans leurs jeux, les enfants progressent encore cognitivement et langagièrement. Il est évident que la littérature de jeunesse est décisive dans tout cela mais elle ne fait pas tout ! Quant à l’école, elle doit renforcer ce qui est fait à la maison voire pallier les manques de la maison. Tout cela, et surtout tous ces jeux symboliques sont en effet absolument décisifs pour l’apprentissage de la lecture, il n’y a pas que le code.

 

Au final, Mireille Brigaudiot s’insurge de trouver encore des classes qui fonctionnent sans coins jeux ou avec des coins jeux inaccessibles et vides de tout matériel. Elle affirme et insiste sur l’idée que les jeux spontanés des enfants de deux ans jouent un rôle dans l’appropriation de la lecture  car ces jeux spontanés des petits jouent un rôle essentiel pour la symbolique et toutes les activités langagières de très haut niveau ( ce qui fait par exemple l’essence même du métier de l’écrivain de fiction). Les activités intellectuelles durant ces jeux sont analogues à celles que les enfants feront lorsqu’ils liront sans autre aide que leur tête qui fabrique des images mentales. Ainsi, Mireille croit qu’il n’est pas impossible qu’une sorte de symbolique attitude, une habitude intellectuelle qui permette aux enfants très tôt « de prendre des vessies pour les lanternes et donc de dessiner des lanternes par des vessies » devienne une grand habitude, qui va faciliter à certains la découverte du signe écrit plus tard. L’école doit encourager cela et notamment, les nouveaux programmes devraient permettre de tourner le dos aux activités de discrimination visuelle de bas étage.

 

Alexandra Mazzilli

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 24 octobre 2013.

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