Tacit : Un outil pour savoir mieux lire  

« Relis ! la réponse est dans le texte ! » : encore faut-il savoir la trouver, mettre en relation les informations, comprendre ce qui n’est qu’entre les lignes … Les difficultés de lecture, on le sait, sont importantes et constituent un grave handicap pour la réussite scolaire. Pour aider les enseignants à affronter ce problème, des enseignants-chercheurs de l’Université Rennes 2 ont développé le logiciel Tacit : l’outil permet d'évaluer les difficultés de compréhension en lecture et d’aider à la remédiation. De plus en plus de classes (écoles, collèges, voire lycées) l’utilisent en France et à l’étranger tant il semble capable d’aider à gérer, en pédagogie différenciée, l’hétérogénéité des niveaux de compréhension des élèves.

 

Origine et fonctionnement

 

Tacit (« Testing Adaptatif de la Compréhension Implicite de Textes ») a été conçu par une équipe de quatre chercheurs au sein du Centre de Recherche en Psychologie, Cognition et Communication (CRPCC) de l’Université Rennes 2 : Fanny De La Haye, spécialisée dans l’apprentissage scolaire et l’acquisition du langage ; Olivier Le Bohec,  spécialisé dans l’apprentissage par le biais des nouvelles technologies ; Yvonnick Noel, spécialisé dans les modèles statistiques d'analyse des réponses aux tests et questionnaires psychologiques ; Christophe Quaireau, spécialisé dans les mécanismes attentionnels mis en œuvre dans des environnements numériques. L'outil a été élaboré, pendant six années, grâce au soutien des universités Rennes 1 et Rennes 2, de Bretagne-Valorisation, de la région Bretagne, des fonds FEDER européens et de Rennes Métropole. Le logiciel n’appartient pas à une entreprise privée : c’est une plateforme hébergée par une université. Cependant des avances sont à rembourser, il y a des frais de fonctionnement, l’équipe cherche à pérenniser le poste de l’informaticien Jérémie Nogues pour assurer la maintenance et l’évolution du logiciel, il est envisagé de  le développer dans d’autres domaines que la lecture (orthographe, vocabulaire, calcul…) : d’où le choix a dû être fait de le rendre payant. Son coût, modique, est de  35,01 euros par classe de 40 élèves (maximum).

 

Un enseignant peut faire acheter le logiciel pour une classe particulière ou bien un chef d’établissement peut le faire pour plusieurs classes, ce qui permet aux différents professeurs de partager leurs élèves et de décloisonner les groupes. Les élèves peuvent être inscrits un par un ou importés sous formes de listes. Les classes sont utilisables jusqu’au 15 juillet de l’année en cours.

 

Evaluer et améliorer la compréhension de l’implicite

 

Tacit s’intéresse à la compréhension de l’implicite, aspect qui pose souvent problème chez les élèves : au-delà des difficultés à maîtriser le code de la langue, c’est cette compétence à construire le sens d’un texte avec une somme d’informations implicites qui est déterminante dans l’acte de lecture. 1000 exercices (textes suivis de questions de compréhension) ont été créés, puis testés par plus de 2300 élèves, puis classés en 10 niveaux, de A à J, du plus facile au plus difficile. L’enseignant utilisateur commence par situer ses élèves sur cette échelle de difficultés. Dans un second temps, il les répartit selon leur niveau : ils vont pouvoir travailler par groupes ou individuellement, réaliser en ligne une série d’exercices pour développer leur capacité de compréhension.

 

Quelques exemples (de niveau assez facile) :

« Cléo est agréablement surpris. Il pensait que son oubli des dates principales à l’examen d’histoire l’aurait desservi, bien qu’il eût répondu au reste. »

Cléo a-t-il eu une bonne note à son examen ?

o          Oui

o          Le texte ne permet pas de répondre

o          Non

o          Je ne sais pas

Ou encore :

« Après un long voyage en voiture, durant lequel nous avons traversé la France et une partie de l’Espagne, toute la famille arrive chez mamie.  Pendant le trajet, papa et maman ne nous ont parlé qu’en portugais, pour nous réhabituer peu à peu à la langue. »

Après ce long voyage, dans quel pays sommes-nous arrivés ?

o          Au Portugal

o          En France

o          En Espagne

o          Je ne sais pas

 

 

 

Des usages intéressants

 


Le logiciel Tacit apparaît particulièrement intéressant parce qu’il s’attaque aux difficultés de lecture des élèves qu’on rencontre régulièrement à l’école, au collège, voire au lycée : il peut même participer à la continuité et à la progressivité des apprentissages, l’utilisation d’un même outil favorisant par exemple le lien CM2-6eme. Il permet d’ajuster le travail non au niveau scolaire en général, mais aux compétences et difficultés réelles des élèves en lecture, autrement dit de mener une vraie pédagogie différenciée.

 

L’entrainement se fait en classe, soit en autonomie, soit de façon tutorée. Diverses possibilités sont offertes au professeur pour adapter son dispositif de travail et paramétrer les exercices : afficher les propositions de réponse ou bien ne montrer que la question et faire émerger des réponses possibles que l’on note au tableau, refaire passer l’exercice en cas d’erreur ou passer à l’exercice suivant, utiliser une vue vidéoprojecteur et/ou les postes individuels, ménager s’il le souhaite des moments de négociation et d’analyse entre élèves … Des graphiques permettent de suivre les progrès, éventuellement de les partager avec l’élève et de négocier alors un changement de niveau.

 

L’aspect ludique pour les élèves, la souplesse d’utilisation pour l’enseignant, mais aussi l’efficacité du dispositif expliquent sans doute le succès rencontré par Tacit. Les premiers résultats publiés montrent effectivement une progression - notamment des plus fragiles - dans la gestion de l'implicite. Soulignons que l’interaction entre les enseignants et les concepteurs est encouragée,  ce qui permet un bon accompagnement et  une amélioration du logiciel : certains professeurs mettent même à contribution leurs élèves pour la création de nouveaux exercices. Bilan : 270 classes et 6000 élèves ont utilisé Tacit en 2012-2013, 639 classes et plus de 13 000 élèves sont d’ores et déjà inscrits en 2013-2014. L’outil se diffuse dans toutes les académies et à l’étranger, du Québec à la Corée du Sud, concerne aussi le Français Langue Etrangère, intéresse des associations de primoarrivants…

 

Le logiciel Tacit relève de la recherche appliquée. C’est un exemple assurément original de collaboration fructueuse entre le supérieur, le secondaire et le primaire. On aurait tort de s’en priver.

 

Jean-Michel Le Baut

 

Tacit en ligne


Par fjarraud , le jeudi 16 janvier 2014.

Commentaires

  • Philippe Blanchet, le 07/01/2015 à 21:52
    Un commentaire juste pour relativiser un peu le regard que l'on peut porter sur cet outil. Le problème c'est qu'il fonctionne à la fois sur des implicites cotextuels (qui fonctionnent assez bien) et des implicites contextuels stéréotypés (dont certains fonctionnent mal) car on y attend (et donc on y inculque) une vision monolithique idéologique du monde, qui ne respecte ni ne prépare une prise en compte de la diversité des points de vue et des situations. En donnant des réponses possibles mais non stéréotypées d'interprétation de l'implicite contextuel, je n'ai obtenu que 25% de réussite (ce qui signifie que les réponses non stéréotypées sont refusées et considérées comme fausses). Prenons l'exemple ci-dessus: 

    « Après un long voyage en voiture, durant lequel nous avons traversé la France et une partie de l’Espagne, toute la famille arrive chez mamie.  Pendant le trajet, papa et maman ne nous ont parlé qu’en portugais, pour nous réhabituer peu à peu à la langue. »
    Après ce long voyage, dans quel pays sommes-nous arrivés ?
    o          Au Portugal
    o          En France
    o          En Espagne
    o          Je ne sais pas

    On peut en fait arriver aussi bien en Espagne, qu'au Maroc, qu'au Portugal.... car il n'y a pas qu'au Portugal qu'on parle portugais et on ne parle pas que portugais au Portugal: ça dépend des histoires familiales et des parcours individuels de vie (surtout pour des populations fortement migrantes...). Mais c'est contraire à l'idéologie de l'Etat-nation monolingue qu'inculque ou renforce ici le test.
    Et on peut tout aussi bien avoir traversé la moitié, de l’Espagne, puis la France et enfin arriver... en Belgique, en Suisse, au Luxembourg où le portugais est parlé par beaucoup de gens... (car on peut très bien ne pas se représenter le voyage dans son déroulement chronologique mais selon d’autres critères d’organisation de la pensée).

    Et il en va ainsi de plusieurs implicites contextuels des questions de TACIT qui méritent d'être travaillés non pas selon test en faisant confiance à ses résultats mais en dialogue avec les élèves dont les justifications de leurs réponses inattendues sont d'autant plus significatives et formatrices.


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