Changer la dictée pour mieux apprendre l'orthographe ? 

Peut-on faire évoluer un exercice qui traverse les niveaux et s'impose à tous ? C'est ce que tente l'inspecteur général Olivier Barbarant.  Il propose une nouvelle évaluation de la dictée basée sur un barème graduel qui facilite le repérage des erreurs pour mieux y remédier. Ce n'est pas la fin de la dictée mais son renouveau que cherche, avec lui, l'inspection. Alors que le niveau d'orthographe a chuté ces dix dernières années, il y a aussi la volonté d'une remobilisation des enseignants vers la remédiation et non l'évaluation et la sanction. Des évolutions profondes que le ministère veut pousser en avant doucement, en prenant garde de heurter les enseignants...

 

Actuellement, "la dictée fait le plus souvent l'objet d'une évaluation descendante : par rapport au texte source, l'enseignant décompte, en négatif, les erreurs commises. Cette pratique, décourageante pour l'élève, ne permet pas pour autant de bien cerner quelles sont ses difficultés orthographiques et quels remèdes y apporter", écrit le site ministériel Eduscol. C'est un vrai changement qu'espère le ministère. Mais si le ministère condamne l'exercice traditionnel, il se garde bien de paraitre l'interdire. Il "propose" un barème graduel, utilisant une feuille Excel, permettant une évaluation fine de ce que sait faire l'élève. La comparaison des évaluations faites entre méthode traditionnelle et nouvelle montre que l'objectif n'est pas d'accorder des points aux examens aux élèves. Mais d'aider les enseignants à préparer leurs remédiations ne repérant mieux les erreurs ou en ciblant les acquisitions. Olivier Barbarant, inspecteur général et créateur de cette nouvelle évaluation, explique ses objectifs.

 

Qu'apporte la nouvelle évaluation que vous proposez ?

 

Ce nouveau mode d'évaluation c'est essayer d'inventer, en s'appuyant sur la réflexion ancienne de collègues qui depuis des années font de la dictée aménagée mais se heurtent à des difficultés pratiques. On essaye de trouver quelque chose de maniable. L'idée première c'est de ne pas sanctionner seulement les défaillances car l'enseignement n'est possible que si l'on part de ce que les élèves savent. La notation descendante est une sorte d'emblème d'une manière de se comporter vis a vis de la langue et des taches scolaires qui ne voit que les défaillances et jamais les compétences. Il s'agit d'équilibrer entre ce que les élèves savant graphier et ce qu'ils ne savent pas.

 

La notation descendante n'est pas fine. Deux copies peuvent avoir des notes décourageantes alors qu'une a un souci de cohérence entre le son et la lettre, et donc correspondre à quelqu'un qui n'est pas entré dans l'écriture, et l'autre des défaillances sur tel point de grammaire comme les accords verbaux. L'idée c'est de calibrer des profils d'élèves qui montrent ce qui n'est pas encore automatisé  et ce qui l'est déjà. Le principe c'est noter non pas seulement les défaillances des élèves mais au regard de ce qui a été bien orthographié avec trois catégories : l'accord sujet verbe, l'accord groupe nominal et l'orthographe lexicale. On profile ainsi ce qui est en cour de construction dans l'automatisation.

 

Mais est-ce possible déplacer des frontières dans un exercice qui semble immuable ?

 

C'est possible si l'outil est l'occasion d 'une réflexion sur l'enseignement de l'écriture. Ce n'est pas possible si on tente de l'imposer. Chacun sait que les modalités d'évaluation ne permettent pas de construire une progression. A noter des élèves que avec des zéros en permanence on décourage la progression et on n'aide pas le professeur à  voir ce sur quoi il doit porter l'accent. Le temps est venu d'essayer  de faire une évaluation qui soit une aide à l'enseignement. L'enjeu essentiel c'est mois d'imposer une mise en place que d'inviter a une réflexion sur la construction d'une évaluation de l'orthographe qui reste globale. C'est un retour sur l'évaluation qui s'inscrit dans la logique de la loi d'orientation. On ne cherche pas à casser un thermomètre. Mais à aider les professeurs à s'approprier un diagnostic.

 

Vous ne condamnez pas la dictée ?

 

La dictée existe. Elle a des adversaires et des limites. Elle n'est pas un enseignement et, notée de façon disqualifiante, elle ne peut pas remédier au niveau constaté. Mais elle a un intérêt. Avec elle l'élève se concentre uniquement sur la bonne graphie. Il n'est pas en surcharge cognitive a la différence de ce qui se passe quand on essaye une invention de texte. Il ne faut pas supprimer la dictée mais en faire un outil pour la progression des élèves.

 

Comment utiliser votre outil ?

 

Notre outil peut changer le regard de l'enseignant. Il a un barème amendable. On ne doit pas l'appliquer tel quel. Les trois catégories permettent de n'intervenir que sur un niveau de catégorie. Par exemple on peut ne pas évaluer l'orthographe lexicale au primaire et ne travailler que l'accord sujet verbe. Les collègues doivent s'approprier l'outil et l'adapter. C'est une porte d'entrée vers une nouvelle manière d'enseigner l'orthographe en sériant les difficultés. Ce qui ne marche pas aujourd'hui c'est qu'on refait toujours  un retour sur la totalité des erreurs surtout au collège. A partir de notre outil on doit inventer et se poser la question des attendus et de la pédagogie à mettre en place sur telle ou telle défaillance.

 

Comment allez vous soutenir cette inititaive ?

 

Elle sera présentée aux inspecteurs (IEN et IPR). Des formations sont prévues . Au lieu de déplorer notre niveau on proposera cet outil comme un déclencheur en formation.

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Le nouvel outil


Par fjarraud , le vendredi 11 avril 2014.

Commentaires

  • Spartacus, le 12/04/2014 à 17:57
    Cela fait une vingtaine d'année que j'enseigne au primaire et c'est la sempiternelle même question qui revient...... Comme si  s'interroger sur la couleur de la voile pouvait mieux faire avancer le bateau. Tant que nos beaux parleurs continuent de pérorer, le bateau Education Nationale coule normalement et tout le monde regarde!!
  • Viviane Micaud, le 11/04/2014 à 10:42
    Cette phrase me gène beaucoup à cause de son côté infantilisant : "Alors que le niveau d'orthographe a chuté ces dix dernières années, il y a aussi la volonté d'une remobilisation des enseignants vers la remédiation et non l'évaluation et la sanction."
    Aujourd'hui, le diagnostic est fait, les deux principaux problèmes de l'école sont :
    - la négation des violences entre élèves, en particulier vers ceux qui s'investissent dans la réussite scolaire,
    - les programmes infaisables, incohérents, inadaptés aux classe hétérogènes, et incomplets pour permettre une progressivité des apprentissages. (les familles éduquées refaisaient l'apprentissage des fondamentaux en achetant les méthodes vendues dans les rayons du parascolaire de tous les supermarchés).
    N'oublions pas que dans les années 2000, une circulaire avait fleuri interdisant les cours structurés de grammaire. La baisse de niveau a été consécutive. 

    Autrement, sur le fond de l'article je suis d'accord. Les contrôles et exercices ne doivent pas sanctionner mais montrer, ce qui n'est pas acquis et les points où il convient de progresser.

    Pourtant, tant qu'on n'a pas changé les programmes et mode de contrôles imposés en 4ème et en 3ème, les enfants qui maîtrisent insuffisamment la lecture et l'expression écrite, se retrouveront devant des contrôles qu'ils seront incapables de réussir quelle que soit leur connaissance du sujet, et condamner à la spirale de l'échec. 

    Ce qui me gène n'est pas ce qui est conseillé mais sa présentation. De nombreux enseignants n'ont pas attendu les inspecteurs pour avoir une attitude bienveillante envers l'erreur, et ce n'est pas du tout ce qui handicape le plus l'école. Or pendant de nombreuses années, le "manque de bienveillance de l'enseignant" a été présenté comme la principale cause de dysfonctionnement de l'école, entraînant un repli sur soi de ces derniers et rendant impossibles de résoudre les principaux problèmes.

  • JPSIMON38, le 11/04/2014 à 09:07
    Voici la réponse que donnait Nina Catach, en 1997, à la question : Que pensez-vous de la dictée ? 
    « Pourquoi s’en priver ? Elle permet d’écrire, d’utiliser sa main, plaît à beaucoup d’enfants et à beaucoup de maîtres. Mais elle mérite quelques précautions, qu’on ne prend pas toujours. (…) ce n’est pas la panacée, et pas vraiment un exercice d’apprentissage. (…) Parmi les précautions à prendre, il faut savoir que l’enfant peut difficilement centrer son attention sur plusieurs choses à la fois, et faire plusieurs efforts en même temps. (…) Il faut donc le préparer au mieux à la dictée (…)  l’habituer à la consultation des dictionnaires et sur ordinateur des logiciels d’orthographe, comme nous le faisons nous-mêmes. (...) De plus, l’échec ne fait pas et ne peut pas faire partie de la panoplie de l’éducation. (…)  Enfin, faisons pour la dictée comme pour les questions, ou les diverses parties d’un problème : comptons non les mots erronés, mais ce qui est bon. Une dictée de cent mots qui a cinq mots erronés est non seulement une dictée normale (c’est la Performance adulte moyenne) mais vaut 95 points sur 100. » 
    Il aura fallu près de 20 ans pour que cela "percole" au niveau de l'inspection, heureusement que beacoup d'enseignants ont depuis longtemps adapté cet exercice : auto-dictée, dictée dialoguée, atelier de négociation graphique ...   


  • David, le 11/04/2014 à 08:11

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