Classes sans notes au collège Montgolfier, épisode 2 

Peut-on déjà tirer des enseignements d'une évaluation plus bienveillante ? Au collège Montgolfier qui s'engage dans la classe sans notes, Frédéric Jovi le tente. Pour lui, " l’attitude des élèves a changé". Il reste à changer les pratiques des enseignants et les attentes des parents. Ce n'est pas mince...

 

Dans l’article précédent, la rentrée de deux classes de 6ème se faisait avec l’annonce que les élèves n’auront pas de notes cette année. Le problème du système d’évaluation se pose donc.

 

Pas de notes oui, mais quel sera alors leur bulletin ?

 

Lors de formations effectuées en cours d’année précédente, le nouveau “futur bulletin” avait été évoqué. Mais au delà de sa forme il faut choisir l’outil numérique pour pouvoir l’éditer, le publier. En effet, L’ENT parisien n’est pas encore équipé d’un module de validation de compétences. Il faut donc trouver une solution rapide en interne. Un tableur et un professeur de Technologie feront l’affaire… Mais comment se fait il que l’éducation nationale qui évoque aujourd’hui un nouveau système d’évaluation, ne propose pas une solution unique personnalisable de saisie et de validation de compétences ?

 

Du point de vue de l’élève

 

Quel est l’impact direct d’une absence de notes sur les élèves ? Dès ce début d’année, j’ai pu observer un net changement d’attitude: l’élève ne se compare plus à son camarade, il lit les appréciations et les conseils écrits par le professeur. “Tu as eu combien ?”... “Monsieur c’est classé dans quel ordre ?”... Ou encore le fameux “Monsieur, c’est noté ?” n’existent plus. Je ne referai pas les analyses multiples qui ont été faites depuis plusieurs années concernant ce dispositif, mais j’observe que l’attitude des élèves a donc changé. Sur ce point, l’évaluation est devenue personnelle et non plus un outil de classement ou de comparaison pour l'apprenant.

 

L’évaluation par compétences permet de se tester dans différentes situations. Le principe même de cette évaluation en plusieurs temps est évoqué dans le projet de socle commun de connaissances, de compétences et de culture. L’élève est évalué une première fois, il fait le constat de son niveau, puis se remet au travail. Il est une nouvelle fois évalué sur les mêmes items plus tard et observe sa progression. Cela prend du temps mais le jeu en vaut la chandelle. Finie donc la note du contrôle N°1 sur le chapitre 1, ratée ou pas, puis contrôle N°2 sur le chapitre N°2...etc.

 

De mon point de vue d’enseignant

 

L’enseignant doit remettre en cause tout son système d’évaluation. C’est à ce moment là que l’on comprend tout l’enjeu d’une refondation de l’éducation nationale, du socle commun et de l’évaluation des élèves. Il ne suffit pas de créer des “grilles de compétences” pour dire que l’on évalue par compétences. La réflexion doit être plus profonde que ça. Le problème se pose ainsi: Que dois-je évaluer en priorité ? Quelles sont les compétences indispensables que l’élève doit acquérir ? Comment évaluer plusieurs fois la même compétence ? Quelles méthodes existe-t-il pour mettre en oeuvre le suivi de l’élève ? La recherche pour accorder les programmes, sa programmation, la progression de l’élève par niveaux de difficultés et la synthèse de fin de trimestre relève alors de l’exploit ! On (re)découvre sous bien des aspects le métier d’ingénieur en pédagogie.

 

Les parents ?

 

Les contenus devront être adaptés, les objectifs clairs et simples, lisibles par tous. Les parents, quant à eux, n'espéreront plus un “15/20”  ou un symbolique “10/20” synonyme d’un passage (!)... Le suivi sera bien plus aisé et bien moins contestable. Les  compétences seront acquises ou non, à retravailler ou à renforcer. La part de subjectivité des barèmes de notes disparaît. Terminée aussi la moyenne qui lisse tous les écarts et surtout ne rend pas compte de la progression.

 

Une chose est sûre, ce dispositif invite à la plus grande remise en question de l’enseignant dans sa carrière. Ce ne sont pas les programmes seuls qui vont changer, ce sont les pratiques. Au lendemain de la demi-journée de concertation autour du socle apparaît déjà la prochaine conférence nationale sur l’évaluation des élèves ou encore la consultation prévue sur ce même sujet en février-mars 2015. Quand toutes les réformes seront en vigueur, il faudra accompagner les enseignants, leur proposer des outils et surtout leur laisser du temps.

 

Frédéric Jovi

Enseignant de Technologie au collège Montgolfier (Paris, 3e)

 

Quand le collège passe au sans notes épisode 1

Ces collèges qui ont abandonné les notes

Le collège Montgolfier

Frédéric Jovi

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 23 octobre 2014.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 24/10/2014 à 15:47
    Les comparaisons internationales montrent qu'à partir de la classe de 4ème, les notes sont remise. Elles servent au premier pas d'orientation qui se fait toujours après l'école des fondamentaux (c'est-à-dire la fin du collège).
    L'absence de note sur la totalité du parcours en Finlande est un gros mensonge, car l'admission en lycée, très sélective, se fait sur les notes de 3ème.
    L'Allemagne a remis les notes au collège après les avoir supprimées. Pour ces raisons, ce type d'expérimentation (qui fonctionne bien comme toute les expérimentations grâce à l'effet Hawthorne) n'est pas vouée à être généralisée. 
    • fjovi, le 28/10/2014 à 10:15
      Ce n'est pas que le collège qui est à revoir mais bien l'ensemble du système.
      Peut-être faut il aussi réfléchir à ce que peut devenir le Bac... Après tout aujourd'hui qu'on ait 10 (voire moins) ou 18 on a le même Bac !
      Finalement ne sert qu'à envoyer les élèves excellent en classes préparatoires, les autres iront à l'université ou dans des dispositifs universitaires.
      On réserve de plus en plus les débouchés dits courts (Bac+2) aux bacs pro ou bac techno de faible niveau...

      J'aurai aimé dans ma scolarité savoir exactement qu'elles étaient mes compétences et me rendre compte des possibilités réelles que j'avais. Finalement on est tous entrés dans un système de notation qui n'avait comme rôle de nous "ranger", de nous classer. Quel intérêt au final puisque nous devons obtenir un métier qui correspond à des compétences ?

      Moi je suis pour la poursuite d'un tel dispositif et j'en perçois les bénéfices. Bien sûr rien ne sera jamais parfait mais qui peut affirmer aujourd'hui, même au regard de ce que font les autres pays, que cela est voué à l'échec ? cette refondation est avant tout culturelle.
      L'expérimentation est plus que louable, je la défends et rendrais compte de ses bons comme de ses mauvais aspects.
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