N Mons : "Déségréguer l'Ecole est une demande forte des milieux populaires" 

L'intérêt des 10% d'élèves les plus favorisés peut-il rester la loi de l'Ecole ? " Je veux faire de la politique éducative une politique publique au service de l’égalité et de la solidarité", affirme N Vallaud-Belkacem. Prenons au mot la ministre ! Puisque, à juste titre, elle dénonce les fortes inégalités d'un système éducatif qui trie et sépare les élèves entre des établissements scolaires que tout oppose, osons parler de mixité sociale. N. Vallaud-Bekacem veut rééquilibrer les moyens entre les établissements ? Et si on rééquilibrait aussi la répartition sociale des élèves ? La région Ile-de-France a entamé une réflexion en ce sens pour lutter contre une ségrégation scolaire qu'on sait encore plus poussée que celle des quartiers.  Le thème de la mixité sociale s'est imposé au premier Forum organisé par le Cnesco, Canopé, France Culture et la Ligue de l'enseignement à Amiens le 6 décembre. Pour Nathalie Mons, sociologue de l'éducation et présidente du Cnesco, Arnaud Tiercelin, responsable national des questions d’éducation à la Ligue de l’enseignement et Louise Tourret, journaliste sur France Culture,  l'intérêt de la majorité doit primer.

 

Vous avez réuni un Forum à Amiens sur la mixité sociale à l'Ecole le 6 décembre. Pourquoi le choix de cette thématique de la mixité sociale ?

 

Nathalie Mons- C’est le premier d’un cycle de forums participatifs qui doivent être un lieu d’échange entre les chercheurs, les praticiens qui innovent sur le terrain et les citoyens. Les quatre partenaires (Cnesco, Canopé, Ligue de l'enseignement et France Culture) veulent élever la qualité du débat public autour de l’éducation, il faut que l’école accède au débat public qu’elle mérite et ne s’embourbe pas dans des débats stériles, superficiels souvent empreints d’idéologie qui font fi des connaissances scientifiques et des expériences réelles de terrain.

 

Vague d’enquête après vague d’enquête, la recherche met en évidence que l’école française est devenue de plus en plus reproductrice socialement. Le politique s’empare de cette thématique, en inaugurant, ces jours-ci une nouvelle carte de l’éducation prioritaire et un modèle d’allocation des ressources au primaire rénové. Mais dans le débat public actuel sur les inégalités à l’école, l’un des facteurs les plus puissants de production et d’auto-entretien de ces disparités scolaires loin d’être un invité de marque de ces échanges publics, bien étrangement demeure tabou : c’est la mixité sociale à l’école. Nous avons donc voulu éclairer une thématique qui reste aujourd’hui dans l’ombre. Par ailleurs, le Cnesco a constitué pour son étude sur le redoublement un panel avec des familles socialement défavorisées. Avec ses parents passionnants et très conscients des inégalités sociales qui les affectent, la discussion est revenue constamment sur le problème de l’absence de  mixité sociale à l’école dans leurs quartiers. Déségréguer l’école est une demande forte des milieux populaires mais qui n’est pas audible dans le débat public, les paroles de familles ne sont pas relayées de façon égale dans l’arène médiatique et donc politique. Ces forums participatifs visent à faire entendre la voix de tous les acteurs de l’école.

 

 

Quels effets peut-on attendre de davantage de mixité sociale dans les établissements ?

 

Nathalie Mons- Les mixités sociale et scolaire et leurs effets ont donné lieu à un champ de recherche très riche depuis les années 60-70. Les recherches convergent historiquement, sur des terrains nationaux très divers (Etats-Unis, France, Belgique, Irlande, Inde…), pour mettre en évidence des liens puissants entre la composition du public des écoles et un ensemble large de dimensions sociétales. Plus les écoles sont ségréguées socialement et scolairement, plus la santé des jeunes, leur consommation de stupéfiants, les maternités précoces, les actes de délinquance, la tolérance vis-à-vis de l’étranger ou plus généralement de l’altérité, la capacité à dialoguer et à travailler avec des jeunes de milieux sociaux différents… sont dégradées.

 

 

Scolairement, la mixité sociale profite-elle à tout le monde ?

 

Nathalie Mons- Les liens entre mixité sociale et scolaire et apprentissages sont plus ambigües. Si les enquêtes internationales et nationales montrent au niveau macro, c’est-à-dire au niveau des systèmes éducatifs, des liens statistiques forts entre ségrégation sociale et scolaire et inégalités sociales à l’école, au niveau individuel, les effets scolaires de la mixité à l’école sont moins univoques.

 

Au jeu de la  ségrégation scolaire, tout le monde n’est pas perdant. En effet, les recherches convergent, d’un côté, pour montrer que les élèves les plus défavorisés socialement bénéficient très fortement en termes d’acquis scolaires du fait d’être intégrés dans un groupe de pairs plus avancés scolairement, et ce plus en France que dans d’autres pays de l’OCDE. A rebours, nombre de recherches se sont intéressées aux effets sur les élèves les plus favorisés de la mixité sociale, sans parvenir longtemps à des conclusions consensuelles. Des études très récentes permettent cependant d’avancer dans le diagnostic. En découpant le public scolaire en tranches fines de niveaux scolaire et social, elles mettent en évidence de nouveau des effets de la mixité très positifs pour les 15% des élèves les plus défavorisés, des effets neutres pour les élèves situés dans la moyenne et, par contre, des effets négatifs, d’amplitude faible, pour les 10% des élèves les plus favorisés et avancés scolairement.

 

 

Arnaud Tiercelin, la mixité sociale à l'Ecole c'est l'intérêt général ?

 

La mixité vécue, et pas seulement promue en principe ou par une approche théorique, est essentielle pour créer un sentiment d’appartenance commune, et ainsi lutter contre les séparatismes sociaux et culturels qui progressent dans notre société en crise. Les quant-à-soi territoriaux et identitaires, qui sont aussi le fait de politiques d’urbanisme et de stratégies résidentielles des plus privilégiés, contribuent à alimenter les stéréotypes et les défiances réciproques qui peuvent nourrir les antagonismes sociaux, voire les dérives extrémistes de tous bords. Pour autant, la mixité concrète en situation d’apprentissage ne vaut que si elle est accompagnée par une solide pratique pédagogique, qui permettent de déconstruire les aprioris de chacun par un travail mêlant esprit critique, travail coopératif et prise de distance par rapport aux évidences du vécu social immédiat des élèves. Une mixité imposée, non préparée et mal accompagnée risque sinon au contraire d’accentuer les rejets réciproques.

 

 

A quels niveaux doit-on veiller à instituer de la mixité sociale et scolaire ?

 

Nathalie Mons- Le personnel politique et les praticiens dans les établissements doivent  être vigilants pour lutter contre les ségrégations entre les établissements mais aussi contre celles davantage tues qui se développent au sein des établissements, entre les classes. Une recherche récente menée par Eric Maurin et son équipe en Ile-de-France a montré que dans les collèges notamment ces différentiations sociales et scolaires prennent appui sur les options et nouvelles classes de niveau qui ne se disent pas leur nom comme les classes européennes ou autre classes bi-langues.  D’autres recherches ont montré que ces créations de classe spéciales se sont accélérées avec l’assouplissement de la carte scolaire, notamment dans les collègues fuis : les chefs d’établissement créent des vraies-fausses filières sous forme de classes européennes pour espérer garder les parents les plus favorisés dans leurs établissements et substituent ainsi à de la ségrégation entre établissements de la ségrégation entre classes, parfois plus nocive psychologiquement pour les élèves relégués.

 

Arnaud Tiercelin - Cette mixité est sans doute essentielle dans le cadre de la scolarité obligatoire, car non seulement on y constitue, pour l’ensemble d’une génération, une culture et des valeurs communes essentielles à notre vie démocratique commune, mais également car c’est une base essentielle d’outillage cognitif et personnel qui doit permettre à chacun d’apprendre toute sa vie pour évoluer et s’adapter à une contexte social, culturel et économique complexe, concurrentiel, très incertain et qui connait une accélération inédite dans l’histoire.

 

Le processus de spécialisation (et donc de sélection) doit donc se déployer le plus tard possible, et bien après le terme de la scolarité obligatoire, car il n’est pas acceptable qu’on exige des plus fragiles, par l’orientation précoce (et par l’échec) et le défaut de passerelles entre filières, qu’ils posent des choix souvent définitifs, qui ferment le champ des possibles, et ce bien plus tôt que les autres. La mixité sociale au lycée est ainsi à concevoir dans le continuum bac -3/bac + 3 dans un souci de démocratisation de l’accès aux études supérieures, tout en respectant un réel droit au choix, à l’erreur, à la réorientation, à la formation « récurrente » et à la reprise d’études. Cela suppose notamment de repenser le système de filières étanches du lycée qui s’alimente d’une sélection qui fatalement s’opère au collège. Avec par exemple l’idée d’un nouveau lycée « polyvalent » permettant des spécialisations de parcours, mais préservant une logique de tronc commun et de passerelles.

 

 

Comment fait-on pour avoir davantage de mixité sociale dans les établissements ? On établit une carte scolaire : ça ne marchait pas.  On la supprime : ça n'a pas marché non plus. On fait des établissements polyvalents ?

 

Nathalie Mons- Des dispositifs de choix de l’école régulé visant à la fois la mixité sociale et scolaire ont été peu  tentés en France. Les dispositifs Affelnet n’ont peu abouti à une réelle mixité sociale, voire ont contrarié la mixité scolaire dans les établissements parce qu’ils ne sont pas paramétrés en ce sens dans la majorité des académies. A l’opposé, en Angleterre, la politique anglaise d’affectation des élèves fondée sur des quotas dans les écoles imposée par Tony Blair - toutes les écoles anglaises depuis Blair doivent accueillir des élèves de milieux sociaux et de scolaires variés - ou les politiques de choix régulé en Belgique francophone ou dans certains districts américains qui laissent un choix de l’école aux parents mais régulent ensuite les affectations pour fabriquer des publics scolaires davantage mixtes. Ces politiques ne sont possibles que si les enseignants sont formés à gérer des classes hétérogènes scolaires, assurant ainsi aux parents les plus favorisés que le contexte d’apprentissage mixte n’est pas un handicap pour leurs enfants. Le forum d’Amiens nous a montré que la confiance entre l’école et les parents est cruciale pour favoriser la mixité sociale. 

 

En lycée, la création de lycées polyvalents, qui mixent lycée d’enseignement général et technologique et lycées professionnels tels que la Région Picardie qui accueillait notre premier forum a osé en créer  sont des exemples très concrets de politiques soutenant efficacement la mixité sociale.

 

Arnaud Tiercelin - Au-delà des réponses de proximité qui ont toutes leurs limites, ne serait-ce qu’à cause de l’étendue parfois importante des zones de ségrégations socio-spatiales dans les grands centres urbains, sans doute faudrait-il relancer une ambitieuse politique de mixité par la mobilité et la rencontre (qui échappe aux fortes limites du « busing » et du déplacement durable des élèves méritants des milieux populaires). Dans ce domaine les expériences sont nombreuses, et parfois délaissées : les classes de découverte, les voyages scolaires, les rencontres sportives scolaires ou les séjours éducatifs de vacances ont sans doute un rôle important à jouer dans ce domaine, pour peu qu’on reconnaisse également leur contribution décisive à cette ambition éducative publique au service de la mixité et de l’éducation à la citoyenneté.

 

 

Vous appelez donc à privilégier l'intérêt de la majorité avant celui de la minorité ? Mais  est-ce juste ? Et ne risque-t-on pas d'assécher ainsi les catégories favorisées dans l'enseignement public ?

 

Nathalie Mons- Il n’y a pas à opposer les intérêts d’une majorité et ceux d’une minorité. C’est l’intérêt de tous les parents d’apprendre à leurs enfants à vivre, échanger, dialoguer avec des enfants de milieux variés parce que c’est ce qui passe dans la vraie vie. De plus en plus internationalisées, certaines de nos grandes écoles à la française, elles-mêmes, l’ont compris qui aux cotés des compétences strictement académiques évaluées à travers la notation classique, valorisent de plus en plus dans les parcours des élèves qu’elles sélectionnent les expériences non scolaires qui témoignent de la capacité à découvrir et à travailler en équipe dans d’autres mondes que l’entre soi scolaire. A l’étranger, dans des pays aussi variés que l’Irlande ou l’Inde des expériences de plus grande mixité sociale ont montré que les élèves d’école d’élite bénéficiaient grandement socialement de ces brassages et perdaient scolairement très marginalement. Ces recherches ont montré que ces progrès dans les échanges sociaux n’étaient pas le fait des enseignants qui auraient pu par exemple chercher à développer de nouvelles activités pédagogiques mixant les publics mais étaient le fait des échanges que les élèves construisent eux-mêmes. Le débat autour d’expériences très concrètes au forum d’Amiens ont montré que les jeunes sont moins réticents au brassage sociale que leurs ainés. 

 

 

Comment éviter dans ce cas la fuite vers le privé ?

 

Arnaud Tiercelin - Il faut avoir conscience que le privé est parfois, même souvent, un recours pour les familles face aux difficultés réelles ou supposées concernant l’école publique et les opportunités qu’elle offre aux enfants. On peut espérer qu’une adaptation (en termes de moyens et surtout de pédagogies) et une déstigmatisation de l’école publique à certains endroits permettrait de limiter voire d’éviter un tel recours. Il est sans doute aussi légitime de se demander pourquoi l’enseignement privé sous contrat (donc reconnu par la puissance publique et doté de moyens) échappe aux contraintes de régulation de l’enseignement publique, notamment en terme de sectorisation, et comment on pourrait repenser une telle situation au bénéfice des enjeux de mixité sociale et scolaire, et donc de cohésion sociale et territoriale.

 

 

Louise Tourret, France Culture est une radio plutôt écoutée par des privilégiés. Pourquoi France Culture s'associe à ce Forum ?

 

Je suis, au nom de "Rue des écoles" et de France Culture, et avec Nathalie Mons, à l'initiative de ces forums (ces, puisqu'il y en aura d'autres). Notre projet est d'y mêler la parole des experts, des professionnels de l'éducation et des usagers de l'école pour faire avancer le débat public. Pourquoi parler de mixité sociale à l'école? Déjà, je ne suis pas d'accord avec votre postulat, le sujet touche énormément de monde : ceux qui subissent la ségrégation bien sûr mais aussi ceux qui pratiquent l'évitement scolaire, ils sont de plus en plus nombreux. Ensuite, il est toujours intéressant d'aller "gratter" là où ça fait mal : l'institution tient un discours très ambivalent sur la question : d'un côté la mixité sociale est promue par le Ministère et fait partie des objectif promus par la loi de Refondation de l'école, d'autre part, les systèmes d'options, de filières, de classes de niveau parfois, permettent d'organiser la séparation des classes sociales entre et à l'intérieur des établissements. Cette contradiction mérite d'être examinée. La presse évoque volontiers les pédagogues naïfs (cf le dossier de Marianne cette semaine) qui pensent régler les problèmes de l'école avec des méthodes douces (moins de notes ou de redoublement), je crois surtout qu'il est temps d'interroger le tropisme petit bourgeois et normatif de l'institution qui exclut trop rapidement, radicalement et massivement les enfants des milieux populaires (et pas seulement).

 

Bref, nous le savons tous grâce à de nombreux travaux scientifiques, et surtout grâce à l'enquête Pisa, l'école française est particulièrement à la peine pour emmener les enfants des classes populaires vers la réussite scolaire. C'est une question absolument fondamentale, centrale. Il ne s'agit en aucun cas de transiger sur le niveau et les attendus de la scolarité. Il faut également sortir des logiques stériles qui oppose l'intérêt à particulier (en fait, un infime avantage pour les excellents élèves à rester entre eux) et le bien commun : une école plus mixte socialement c'est tout un système scolaire qui réussit mieux. Il nous faut inventer la mixité sociale de demain : au delà des injonctions à l'école unique, trouver avec les chefs d'établissement, les enseignants, les familles une manière de faire vivre le projet scolaire qui permettent à chacun de s'y retrouver, une école ambitieuse et incluante qui s'adresse à tous. Un sujet de réflexion qui, j'en suis certaine, intéresse beaucoup les auditeurs de France Culture!

 

Propos recueillis par François Jarraud

 

Le dossier « Mixité sociale à l’école » du Forum en région

 

Sur le Café pédagogique :

Quelles politiques éducatives contre la ségrégation ?

Comment la ségrégation se construit dans les établissements ?

Ségrégation et conditions d'apprentissage (A Van Zanten)

Pour en finir avec la ségrégation scolaire P Merle

Comment l'Education nationale fabrique de la ségrégation

Affelnet un outil contre la ségrégation

Merle : Les effets contestés d'Affelnet

Felouzis : Pisa et l'apartheid scolaire

 

 

Par fjarraud , le mercredi 17 décembre 2014.

Commentaires

  • Bernard Girard, le 17/12/2014 à 12:31
    L'article est riche d'enseignements mais il est regrettable de continuer à obscurcir le débat avec cette prétendue "fuite vers le privé" qui n'existe pas, qu'on ne retrouve pas dans les statistiques de fréquentation. L'enseignement privé sous contrat regroupe environ 19 % du total des élèves, chiffre stable d'années en années : d'une rentrée sur l'autre, les effectifs varient à la marge et les variations se font dans les deux sens, du public vers le privé mais également en sens inverse (c'est souvent le cas en primaire). Sur le long terme, on peut aussi rappeler qu'en 1959, avant la loi Debré, le privé scolarisait 20 % des élèves, donc davantage qu'aujourd'hui.
    • Franck059, le 17/12/2014 à 13:51
      Sortez-les les statistiques, qu'on en discute !

      Et sortez-moi une enquête sérieuse qui montre que le privé ne concentre pas les élèves les plus favorisés.

      Et favorisés au sens large : entendez par là même les enfants dont les parents sont issus de milieux modestes mais qui sont près à payer pour un enseignement de qualité, c'est-à-dire dans un environnement serein
      • Bernard Girard, le 17/12/2014 à 15:08
        Sur le nombre d'élèves inscrits chaque année, indépendamment du milieu social, les statistiques, ce n'est pas difficile : 

        - les très nombreuses publications statistiques du MEN, notamment la collection "Repères et références statistiques" : http://www.education.gouv.fr/pid25496/statistiques.html ;
        - la Direction de l'enseignement catholique publie également les siennes (voir le site en question) ; 
        - ponctuellement, un certain nombre d'études de l'INSEE.

        Pour ce qui est des chiffres d'avant la loi Debré, il existe de nombreuses études historiques; notamment celles d'Antoine Prost, un peu anciennes mais pas du tout dépassées : 
        - "L'enseignement en France, 1800-1967", 
        - "Histoire de l'enseignement et de l'éducation en France", tome 4.

        "Enseignement de qualité ... environnement serein" : même l'Enseignement catholique nuance ces affirmations, que, par ailleurs, aucune enquête ne vient corroborer.

        Enfin, que le recrutement de l'Enseignement catholique soit socialement plus sélectif est une chose globalement vraie mais régionalement à nuancer (voir, par ex. les académies de l'ouest de la France où le recrutement du privé ne diffère guère de celui du public). De toutes façons, ce dernier point ne justifie pas l'expression  de "fuite vers le privé" que rien ne vient attester.
         
  • Franck059, le 17/12/2014 à 12:06
    Le débat est faussé.

    Il y a effectivement en priorité la composition des territoires.

    Oui, il y a de la ségrégation interne aux établissements (latin, bilangues, classes euro, sections scientifiques, sportives, etc...)

    Mais c'est pour faire face à la fuite dans le PRIVE !

    On ne peut pas tenir un discours sur l'enseignement public en laissant de côté l'enseignement privé, par nature extrêmement ségrégatif.

    C'est de l'hypocrisie pure et simple, de la perte de temps.

    Un exemple ?

    Dans une classe de 4ème où l'on retrouve des euros latinistes germanistes (!) en très grande majorité, on y a introduit 3 zozos qui refusent de travailler mais qui, de surcroît, cherchent à perturber les cours, tentent d'empêcher les autres de travailler et ont recours pour cela au harcèlement et à la provocation.

    Face à la réaction molle de l'administration (heures de retenues, exclusion temporaire mais guère plus) et à la démission des parents, la réaction des parents de ceux qui veulent bosser dans une ambiance sereine commence sérieusement à se faire sentir.

    On peut parier que si le problème persiste, certains d'entre eux inscriront leurs enfants dans le privé où ils ne trouveront pas des fainéants perturbateurs de cours et empêcheurs de travailler.

    La réalité c'est cela. Et les beaux discours n'y changeront rien. Dans la mesure où l'on a fini par faire accepter en France l'inacceptable dans tous les établissement publics (non travail, retards, absences injustifiées, incivilités), alors on a fait le jeu du privé. 

    C'est un choix à mon avis délibéré.
    Faut-il de nouveau une enquête pour montrer le nombre d'enfants de nos politiques scolarisés dans le privé ?


    • eplantier, le 17/12/2014 à 12:58
      Franck-Chti,

      Vous illustrez, à votre corps défendant, la schizophrénie française. 

      En effet, vous regrettez d'abord :
      "Oui, il y a de la ségrégation interne aux établissements (latin, bilangues, classes euro, sections scientifiques, sportives, etc...)"
      En justifiant :
      "Mais c'est pour faire face à la fuite dans le PRIVE !"

      Puis, vous croyez observer :
      "Dans une classe de 4ème où l'on retrouve des euros latinistes germanistes (!) en très grande majorité, on y a introduit 3 zozos qui refusent de travailler mais qui, de surcroît, cherchent à perturber les cours, tentent d'empêcher les autres de travailler et ont recours pour cela au harcèlement et à la provocation."

      Donc, vous constatez une ségrégation, justifiée selon vous par un fait extérieur, et la soutenez en regrettant qu'on mette dans cette "bonne classe" des zozos... :-O

      Quelques instants de réflexion...

      Vous voyez bien qu'il faut prendre un peu de hauteur pour affronter la question éducative, en France, en 2015.

      -----

      S'agissant des options censées répondre à la fuite vers le privé, c'est une mauvaise solution de mon point de vue, puisqu'elle renforce la séparation. Bernard Girard nous montre bien, ci-dessus, qu'il n'y a pas à chercher à contraindre cette fuite qui n'existe que dans certains esprits.
      Passer du collège unique au collège pour tous, voilà le défi actuel.
      • Franck059, le 17/12/2014 à 14:07
        Collège unique, 

        Collège pour tous ....

        De grands mots ! Jolis sur le papier, loins de la réalité.

        Un collège pour tous, mais un collège privé pour certains, s'il vous plaît....

        Laissez-moi rire.
  • eplantier, le 17/12/2014 à 10:29
    Oui, bien entendu, au brassage social.

    Mais prendre la question par la lorgnette de l'école est une mauvaise entrée ce me semble. Pourquoi ?

    L'examen du paysage "urbain" (je parle de l'habitat en général) nous montre que, jusqu'aux années 70 - 80, un brassage social se faisait sur le terrain. Les zones pavillonnaires voyaient se côtoyer des maisons fort diverses suivant les moyens des habitants ; les immeubles abritaient ouvriers, employés, contremaîtres, "petits" cadres.
    Et tout le monde allait à l'école du village - du quartier.

    Qu'en est-il maintenant ? Les lotissements affichent une grande homogénéité de constructions qui s'adressent à la même catégorie sociale. Quant aux grands ensembles, on sait ce qu'il en est advenu : seuls y demeurent ceux qui n'ont pas les moyens de se loger ailleurs / autrement.
    Sans parler de la grande spécificité française de séparer les zones dédiées à l'habitat de celles consacrées au travail. Et ensuite on dit que les parents ne s'occupent pas suffisamment des enfants...

    Donc, lorsque les catégories sociales sont séparées "sur le terrain", vouloir brasser les élèves semble relever d'un artifice et on voit bien que ce n'est pas tenable, puisque, comme justement signalé, "la recherche met en évidence que l’école française est devenue de plus en plus reproductrice socialement." M. Tiercelin le voit bien d'ailleurs : "Une mixité imposée, non préparée et mal accompagnée risque sinon au contraire d’accentuer les rejets réciproques."


    C'est tout le paradoxe du système éducatif français qui cherche à corriger par petites touches de grossières erreurs de conception globale, qui n'y parvient donc pas et a laissé la situation ci-dessus se développer.
    Il y a du boulot...
  • Viviane Micaud, le 17/12/2014 à 10:22
    J'ai un peu d'inquiétude avec cette phrase dans les propos d' Arnaud Thiercelin.
    "Avec par exemple l’idée d’un nouveau lycée « polyvalent » permettant des spécialisations de parcours, mais préservant une logique de tronc commun et de passerelles."

    En effet, le tronc commun tel qu'il est pensé au lycée général d'aujourd'hui, ne fonctionne pas et ne peut pas fonctionner car il est basé sur une analyse fonctionnelle fausse. Encore en avril 2014, les cadres supérieurs de l'éducation à l'origine de ce fiasco, imposait une "langue de bois" à ce sujet pour couvrir leur erreur.
    Le moteur de cette erreur est une intolérance de ceux qui ont fait des études supérieures littéraires, qui n'ont pas conscience que "questionner la question" n'est pas naturel chez tout les élèves, et qu'il n'y a aucune justification à voler l'avenir à ceux qui savent s'exprimer correctement, mais n'ont pas cette compétence particulière. Il s'agissait d'un choix délibéré, peu admissible moralement, d'un groupe de personnes qui ont une compétence (inutile pour la vie de tous les jours) de discriminer ceux qui n'ont pas cette compétence. Par ailleurs, la compétence littéraire a des biais sociaux beaucoup plus importants (accès à l'informations) que la compétence mathématiques. 
    Cependant, mon inquiétude est peut-être injustifiée. Il y a plusieurs manières de mettre en place des logiques de "tronc commun" et de "passerelles".  Le pragmatisme aboutit à refuser la vision du lycée générale d'aujourd'hui. 
    • eplantier, le 17/12/2014 à 10:24
      "Le pragmatisme aboutit à refuser la vision du lycée général d'aujourd'hui."

      Vous tournez dans votre rond, Mme Micaud.
      Oui à un lycée polyvalent pour les raisons indiquées dans l'article.
      • Viviane Micaud, le 17/12/2014 à 10:44
        SVP, répondez à l'argumentation sur la discrimination par la compétence littéraire. Le refus de voir de celle-ci est, à mon avis, un des principaux blocages pour la définition de solutions viables pour le lycée et l'admission en université. 
        Par ailleurs, je suis favorable à un lycée polyvalent donnant des vrais passerelles (pas des passerelles ne pouvant pas fonctionner), prenant en compte les besoins en compétences des études supérieures, la diversité des acquis des jeunes, leurs envies et les débouchés du marché du travail pour les formations courtes. 
        Il est fort possible que nous soyons d'accord sur les bases de la solution à adopter. L'analyse qui semble sous-jacente à ce que dit Arnaud Thiercelin est proche de la mienne.
        • eplantier, le 17/12/2014 à 13:03
          La compétence littéraire ?
          ... :-O

          Je vois plutôt une fracture entre l'implicite et l'explicite. Le système éducatif français est fondé sur l'implicite, qui mène à des emplois de conception.
          L'explicite, menant à l'exécution, est laissé de côté. Conséquences : les emplois d'exécution sont pourvus par des personnes peu à même de conceptualiser tandis que les emplois de conception sont tenus par des gens qui sont bien souvent des manches (sans mains efficaces). Beau résultat !

          Vous aimez bien séparer ;  je préfère réunir.
          • Viviane Micaud, le 18/12/2014 à 18:26
            Visiblement vous confondez la capacité de faire des belles phrases avec peu de sens avec la capacité de conceptualiser de manière à permettre l'explicite et aider la compréhension et la structuration. Je n'ai pas la première compétence. Mais, j'ai une expertise reconnue sur la deuxième. (C'est prouvable). J'ai rencontré déjà 4 personnes qui étaient avec la même différence cognitif que moi. 
            A part sur l'attaque personnelle déplacée, je suis d'accord avec le fond de votre texte.

  • Viviane Micaud, le 17/12/2014 à 10:32
    Je suis tout à fait d'accord avec deux points : 
    - le premier est qu'il faut arrêter les débats superficiels et idéologiques.
    - la mixité sociale apporte beaucoup au pays: en compréhension entre les personnes de "culture sociale" différente, en efficacité globale du système éducatif.

    Cependant,
    - pour le premier point  : L'Education nationale est un système social complexe. Il faut l'analyser en utilisant à la fois des données établies par des méthodes scientifiques et la prise en compte des mécanismes humains. Dans certains études de la Cnesco, la prise en compte des mécanismes humains chez les adultes qui font des macros et des micros décisions à l'intérieur de l'Education nationale, est faible. Sur certains dossiers, je la qualifierais de très faible. Par exemple, ils ont émis dans plusieurs dossiers l'hypothèse que les enseignants ne prennent en compte que les notes pour leur avis sur les capacités de réussir une formation d'un élève : ce qui est bien sur faux. La posture de l'élève devant les apprentissages, sa capacité de réussir quand il le veut vraiment, le fait que l'élève a parfois des analyses très pertinentes et que l'on sent un blocage, sont des non-écrits parfois pas complètement conscients mais pris en compte. En un mot, la compétence collective du Cnesco pour avoir un avis éclairé est insuffisante. Lisez "l'acteur et le système" de Crozier et Friedberg pour comprendre ce que je veux dire.

    - pour le deuxième point. Pour la mixité, il faut réfléchir à un fonctionnement pérenne, socialement admissible à Droite et à Gauche. L'affectation ne doit pas s'appuyer sur des systèmes informatiques qui ont des effets pervers rédhibitoires. Nous ne ferons pas avancer le sujet, en imposant une solution qui conduirait à une révolte des parents informés et un rétablissement de l'ancien système à la première alternance politique.
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