La Cour des Comptes en campagne pour l'annualisation des enseignants 

La solution aux problèmes des élèves se trouve-t-elle dans le temps de travail des enseignants ? C'est ce que donne à penser le rapport de la Cour des Comptes sur le suivi individualisé des élèves publié le 4 mars. La Cour des comptes renoue avec ses recommandations de 2013 en demandant l'annualisation du temps de service des enseignants. Elle analyse aussi avec sévérité les dispositifs d'aide individualisée mis en place par le ministère de l'école au lycée sur les 20 dernières années. Elle n'a pas de mal à en montrer les limites. Elle pense que seule une nouvelle gestion des enseignants résoudrait le problème. Est ce si sur ?

 

Présenté par Didier Migaud, président de la Cour des comptes, Sophie Moati, présidente de la 3ème chambre, Henri Paul, rapporteur général et Caroline Régis, conseillère référendaire, le 4 mars le rapport repose sur une enquête minutieuse menée dans 6 académies et 21 établissements. S'y ajoute une étude portant sur pas moins de 880 écoles et établissements.

 

Didier Migaud souligne, en premier lieu, les mauvais résultats du système éducatif. "La France compte beaucoup plus d’élèves en difficulté, la part d’élèves en échec scolaire progressant selon l’OCDE de 17 % en 2003 à 22 % en 2012. En outre, les 10 % d’élèves les moins performants ont vu leurs résultats aux tests PISA se dégrader de 23 points sur la même

Période". C'est lié au paradoxe de l’école française : s’attacher à la réussite de chaque élève individuellement alors que le système est organisé selon un modèle uniforme d’enseignement.

 

Ainsi, la Cour relève les "hésitations" du ministère à propos des dispositifs d'aide. On est passé de l'aide aux élèves en difficulté à l'accompagnement de tous les élèves, note-elle. Tout cela s'est fait à travers un catalogue "hétéroclite" de mesures  bien connues des enseignants : PPRE, accompagnement personnalisé, accompagnement éducatif, APC, tutorat etc. La Cour relève que les professeurs y perdent leur latin, d'autant que ces dispositifs se succèdent rapidement sans que les enseignants aient vraiment le temps de se les approprier. Le pourraient-ils . Le rapport souligne la faiblesse de la formation. Ainsi dans la moitié de collèges, aucun enseignant n'a été formé à "accompagner" les élèves. La Cour montre  d'autres carences. Il n'y a pas de continuité entre école, collège et lycée. Il n'y a rien pour les élèves de CAP alors que les besoins sont importants. "Le collège apparaît comme le parent pauvre des dispositifs d’individualisation développés dans les années récentes, qui ont surtout concerné le primaire et le lycée. Cette situation est d’autant plus paradoxale que le besoin d’individualisation se fait particulièrement ressentir au collège et que les toutes premières tentatives d’individualisation se sont manifestées au niveau du collège", note la cour.

 

La Cour pose aussi la question de l'individualisation des apprentissages dans l'école. "Les dispositifs conçus spécifiquement à des fins d’individualisation, même lorsqu’ils sont intégrés au temps d’enseignement commun comme l’accompagnement personnalisé, constituent une séquence non notée, qui n’est de ce fait pas forcément prise au sérieux par les élèves, voire par certains enseignants. Il en résulte un risque d’absentéisme des élèves – ou d’engagement inégal des  enseignants. Les inspections générales l’avaient souligné dans leur rapport précité d’octobre 2010 consacré à l’ensemble des dispositifs d’aide et d’accompagnement des élèves. De manière plus générale, il paraît illusoire d’attendre des bénéfices de dispositifs d’individualisation si le paradigme général de l’enseignement demeure celui de l’uniformité". Elle soulève enfin le coût des dispositifs. Même s'il n'est pas calculé officiellement, la Cour l'évalue à environ 2 milliards.

 

Comme remède, la Cour recommande l'"annualisation du temps de travail des enseignants du secondaire de façon à intégrer le suivi aux obligations de service. Pour la cour, "revoir la définition du temps de service des enseignants du second degré (permettrait de) l’élargir à des plages obligatoires dédiées aux autres missions de l’enseignant et notamment aux dispositifs d’individualisation (suivi individuel des élèves, temps de concertation, évaluation des besoins des élèves, etc.) (recommandation réitérée). Cela aurait aussi l'avantage de   "donner aux directeurs d’école et aux chefs d’établissement la possibilité de moduler la répartition du temps de service des enseignants et des emplois du temps des élèves en fonction des besoins des élèves, notamment en prévoyant la mise en place sur l’année scolaire de plages horaires variables de soutien et d’accompagnement (recommandation réitérée)". Interrogé par le Café pédagogique, Didier Migaud explique que "les besoins des élèves ne sont pas hebdomadaires. Dans les obligations de service et le temps de travail des enseignants, tels que définis dans le décret d’aout 2014, on ne va pas jusqu’au bout de la logique". S'ajoute à ces recommandations la demande d'un effort de formation.

 

En fait la Cour des comptes reprend des recommandations déjà posées en 2013. L'annualisation consiste à passer d'obligations hebdomadaires (18 heures de cours par exemple) à un nombre d'heures dues annuellement.  Pour la Cour cela permettrait de reconnaitre des tâches qui ne sont pas rémunérées aujourd'hui. Par exemple pour le fonctionnement de l'équipe pédagogique. La Cour relève justement qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans le fait de parler d'équipe sans lui donner les moyens d'exister. Mais l'annualisation sert surtout à récupérer un nombre important d'heures perdues. Les gains les plus importants peuvent être attendus dans le technologique et le professionnel où les élèves partent en stage en entreprise. Tout ce temps serait récupéré pour l'enseignement. "L'annualisation du temps de service conduirait à dégager d'importantes économies de postes. Cela faciliterait grandement l'organisation des activités scolaires en particulier les remplacements", reconnaissait le rapport de 2013. Comment faire travailler plus pour le même salaire les enseignants ? Didier Migaud, en réponse à une question du Café pédagogique, interroge : ". Faut-il aller dans le sens des enseignants ou vaincre les résistances et atteindre les objectifs de réussite ?" Mais le travail renforcé des profs se traduira-t-il automatiquement  en gains scolaires pour les élèves ? Cela reste à démontrer.

 

Des syndicats surfent sur le rapport

 

Le Snuipp Fsu et le Snpden Unsa ont réagi à la publication du rapport de la Cour des Comptes. Le Snpden, un syndicat de personnels de direction, "espère que la réforme du collège prendra en considération les recommandations de la Cour des comptes". Le syndicat estime que "les organisations pertinentes seraient plus sûrement imaginées par les communautés éducatives elles-mêmes". Il dénonce l'abandon de l'accompagnement éducatif au collège et "la soulante valse des sigles et les "mobilisations" incessantes et sans lendemain (qui) ne feront jamais la politique éducative stable".

 

Le Snuipp utilise lui aussi le rapport en accord avec ses objectifs.  Le SNUipp-FSU "souhaite que la ministre ouvre une discussion afin de revoir les obligations de service des enseignants. Ce serait l’occasion de transformer les APC en temps de travail en équipe pour les enseignants". "Pouvoir porter une attention à chacun, une aide avant que les difficultés ne s’enkystent nécessite alors de réduire la taille des classes en maternelle comme en élémentaire", ajoute le syndicat qui demande aussi l'accélération du "plus de maitres que de classes".

 

François Jarraud - Samra Bonvoisin

 

Cour ds comptes

Le rapport de 2013

 

 

Par fjarraud , le jeudi 05 mars 2015.

Commentaires

  • eplantier, le 05/03/2015 à 14:10
    "La Cour relève justement qu'il y a beaucoup d'hypocrisie dans le fait de parler d'équipe sans lui donner les moyens d'exister. Mais l'annualisation sert surtout à récupérer un nombre important d'heures perdues. Les gains les plus importants peuvent être attendus dans le technologique et le professionnel où les élèves partent en stage en entreprise. "

    Un prof de lycée professionnel est le roi du monde. Du temps pour se faire sa maison soi-même, équivalent d'une rémunération supplémentaire. Du temps pour soi, les loisirs, s'occuper des enfants. Des avantages en nature immenses donc.

    Oui à l'annualisation, comme c'est le cas pour tous les salariés, y compris du public.
    • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:40
      "Un prof de lycée professionnel est le roi du monde. Du temps pour se faire sa maison soi-même, équivalent d'une rémunération supplémentaire. Du temps pour soi, les loisirs, s'occuper des enfants. Des avantages en nature immenses donc."

      C'est de l'argumentation, ça.
      • eplantier, le 05/03/2015 à 14:43
        Argumentation ? Vous présentez un déficit de compréhension, dirait-on : il s'agit d'un constat.
        • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:51
          Oui. Pour moi aussi, c'est un constat : votre argumentaire est inexistant. Et ma remarque était bien entendu ironique, comme vous ne l'avez pas compris.
  • Delafontorse, le 05/03/2015 à 11:36
    Que Migaud persiste et les enseignants dégaineront

    1) l'exigence de la POINTEUSE,

    2) l'exigence de lieux de travail aménagés pour leur station dans les établissements

    3) l'exigence d'ordinateurs individuels fournis par l'administration et

    4) last but not least, l'EXIGENCE DES 35 HEURES en alignement avec ce qui est supposé se faire dans la fonction publique (alors que le MEN reconnaît lui-même jusqu'à plus de 40 heures de travail hebdomadaire de fait pour la plupart des catégories d'enseignants). 

    Voilà qui risque de coûter fort cher à l'Etat néolibéral, qui exploite le corps enseignant éhontément et trouve apparemment que ce n'est pas encore assez. Quant à savoir si la Cour des Comptes sait compter sur autre chose que la méconnaissance de leurs droits par les enseignants et leur complaisance à se laisser avachir par la cupidité des rapaces au pouvoir, on en doute.

    Ces exigences, voilà aussi ce que les syndicats devraient unanimement répondre à Migaud si certains d'entre eux n'étaient pas vendus aux intérêts néolibéraux ou aux intérêts privés de leurs cadres plutôt que réels défenseurs des intérêts de leurs adhérents enseignants. Exceptons cependant FO, la CGT et Sud, les mêmes syndicats qui appellent à la très justifiée grève interprofessionnelle le jeudi 9 avril, suivis aujourd'hui par la FSU qui, pour se donner une contenance vis à vis de ses adhérents alors que nombre de cadres de ses courants sont totalement noyautés et vendus (cf; article ci-en haut, la position du Snuipp-FSU), leur emboîte le pas. 
    • amalric, le 05/03/2015 à 19:37
       Je plussoie aux 4 exigences et j'exige un strapontin pour attendre au tribunal administratif...on va les compter les heures et exiger des heures supplémentaires ou des remises sur le compte temps...
    • eplantier, le 05/03/2015 à 14:12
      "leur complaisance à se laisser avachir par la cupidité des rapaces au pouvoir"

      Et en français ?...
      • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:31
        Vous ne savez pas lire ?
        • eplantier, le 05/03/2015 à 14:36
          Vous avez beaucoup de temps libre, pour répondre à cette heure ! ;-)
          Vous devez être enfumeur professionnel... Euh, je veux dire déchargé pour action syndicale. :-D
          • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:39
            Notez que la remarque vaut pour vous-même...
            • eplantier, le 05/03/2015 à 14:49
              Mais je ne suis pas enseignant. :-)
              Ni délégué syndical déchargé.
              • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:48
                On avait remarqué. Et votre ignorance vous donnerait donc le droit de venir ici raconter n'importe quoi sur les enseignants, leur métier, leurs obligations, etc. ?
    • eplantier, le 05/03/2015 à 14:07
      "l'EXIGENCE DES 35 HEURES en alignement avec ce qui est supposé se faire dans la fonction publique (alors que le MEN reconnaît lui-même jusqu'à plus de 40 heures de travail hebdomadaire de fait pour la plupart des catégories d'enseignants). "

      Ok.
      Reprenons. Les 35 heures, ce sont 1 607 heures annuelles.
      Les enseignants travaillent 36 semaines.
      1 607 / 36 = 44,64 h
      Ce sont donc bien 44,64 h hebdo que doivent les enseignants.
      Je dis : "Allons-y comme cela", comme en Allemagne, comme dans de nombreux pays, avec remplacement des enseignants entre eux.
      • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:41
        Oui, allons-y avec les salaires des profs allemands. Je suis sûr que vous serez le premier à ne pas revendiquer ces salaires, car avec la bonne foi qui vous caractérise, vous passez sous silence les heures de travail d'intérêt pédagogique effectuées par les enseignants en dehors des 36 semaines dont vous parlez, durant les week-ends, durant les petites vacances. 
        Quoi qu'il en soit, la pointeuse tranchera. Et elle risque de trancher au désavantage de l'institution car nombreux sont les enseignants qui travaillent déjà sur 36 semaines bien plus de 44,64 h hebdomadaire en moyenne. Sauf, bien sûr, si l'institution impose officiellement l'esclavage aux enseignants.
        • eplantier, le 05/03/2015 à 14:41
          "les heures de travail d'intérêt pédagogique effectuées par les enseignants en dehors des 36 semaines dont vous parlez, durant les week-ends, durant les petites vacances."

          Oui, bien sûr ! :-D))

          Sinon, sur mes calculs ?
          ...
          • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:46
            Manifestement, vous prétendez avoir un avis sur un métier que vous ne connaissez pas et ne pratiquez pas. Pour que vous vous fassiez une petite idée de quoi il peut s'agir, il faudrait que je vous donne mes 120 copies d'H-G, de 3 copies doubles chacune, niveau "excellentes Terminales", à corriger pour dans 15 jours. En plus des heures de cours, bien entendu.
            • eplantier, le 05/03/2015 à 14:51
              Au boulot ! ;-)

              Ça fait partie de votre mission. Bien entendu.

              Pour le reste, je connais fort bien ce métier, sachez que je travaille dans l'Éducation nationale. Votre "vous n'y connaissez rien" ne vaut pas tripette.

              Pensez à faire une petite sieste.
              • Delafontorse, le 05/03/2015 à 14:58
                Vous travaillez "dans l'Education nationale" ? En voilà un beau métier, fait de vocation et d'abnégation ! On sent tout de suite à vos dires le responsable qualifié. Qualifié apparemment surtout pour dézinguer les forces vives de l'institution au profit de laquelle il est pourtant censé travailler...Qui vous paie, au juste ?
                • GregV, le 05/03/2015 à 22:14
                  Effectivement, on ne peut pas s'entendre... Je suis membre de l'éducation nationale. Actuellement en vacances (encore, criera certainement eplantier), et après avoir préparé mes cours, je jette un coup d'oeil sur le café pédago à 22h, histoire de m'intéresser. C'est vrai que je suis un fainéant totalement désintéressé par mes missions!!

                  Sans rire, je fait parti de ceux qui sont favorables à l'annualisation. Je pense que c'est au moins une expérience à mener. Je bosse environ 50h par semaine, et à voir mes collègues (primaire et collège), je ne suis pas le seul. 
                  Cher M.Eplantier, je pense, à vous lire, que vous n'avez absolument aucune connaissance du travail d'un enseignant. Outre votre ton particulièrement sarcastique, rien dans votre argumentaire ne peut faire avancer, ne serait-ce d'un iota, le débat sur la proposition de la cour des comptes. Quant à votre calcul, Delafontorse vous a déjà répondu. Et franchement, vos calculs m'arrangent vraiment: avec le paiement des heures sup je vais enfin pouvoir payer le crédit de mon appart sans plus jamais être dans le rouge...
                • fovoir2, le 05/03/2015 à 18:52
                  M. Delafontorse,
                  Ne répondez pas à cet énergumène qui prétend connaître le métier d'enseignant ! Il doit être dans l'administration rectale (volontairement) qui est persuadée que les enseignants sont des privilégiés ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on trouve très facilement des enseignants à embaucher !
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