Collège : Une réforme qui donne de l'autonomie aux établissements 

La réforme du collège, "c'est un acte de confiance envers les enseignants", nous a dit N. Vallaud Belkacem. Bien que la réforme sorte toute armée du cerveau de la rue de Grenelle, pour la ministre, la réforme "s'inspire de ce qui a marché sur le terrain" et "s'appuie sur les enseignants". C'est aussi une réforme globale puisque l'organisation des enseignements du collège sera modifiée en même temps que les programmes. En accordant une plus grande liberté de gestion aux établissements avec des enseignements interdisciplinaires, de l'accompagnement personnalisé et des travaux de groupe, la réforme ne se fait pas à moyens constants mais repose sur la création de 4 000 postes. La réforme cherche de nouveaux  équilibres locaux entre un collège qui reste unique et les écarts de niveau très importants entre élèves et entre établissements. Une réforme unique pour des collèges "uniques" mais fort différents, voilà ce que propose N. Vallaud-Belkacem en application de la loi d'orientation. Car cette réforme du collège est aussi la dernière grande réforme de Vincent Peillon.

 

"Les évaluations nationales et internationales sont sans appel, le collège aggrave la difficulté scolaire", affirme la ministre qui y voit " le point noir de la scolarité". Elle s'appuie sur les résultats de Pisa et des enquêtes Cèdre du ministère qui montrent une baisse des résultats importantes sur la décennie à la sortie du collège aussi bien en compréhension écrite, qu'en maths ou en histoire-géo. "Je veux que le collège permette à tous les élèves de « mieux apprendre pour mieux réussir », en maîtrisant les savoirs fondamentaux et en développant les compétences du monde actuel", dit-elle en présentant la réforme.

 

Des enseignements interdisciplinaires

 

Pour cela la réforme crée des "enseignement pratiques interdisciplinaires" (EPI) qui rappellent ce que furent dans les années 1970 les "10% culturels". C'est la pédagogie de projet qui arrive obligatoirement dans les collèges à partir de la 5ème pour tout le cycle 4 (5ème à 3ème). Deux heures par semaine, les élèves travailleront de grands thèmes d'étude qui relieront plusieurs disciplines. "Ces temps de travail sont des moments privilégiés pour mettre en oeuvre de nouvelles façons d’apprendre et de travailler pour les élèves. Ils développeront l'expression orale, l'esprit créatif et la participation", annonce le ministère. Pour la ministre, "on doit permettre aux élèves de sortir de l'abstraction, de mettre en pratique, de décloisonner  et faire des expériences pratiques. Le but ce sera aussi d'apprendre à travailler en groupe". Ils seront pris en charge par les enseignants de plusieurs disciplines selon les décisions de l'établissement. Le ministère se borne à fixer 8 grands thèmes : développement durable ; sciences et société ; corps, santé et sécurité ; information, communication, citoyenneté ; culture et création artistiques ; monde économique et professionnel ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères. Deux thèmes devront être traités chaque année.

 

Le ministère donne des exemples. Sur le thème sciences et société, "Nadia, Carole et Jérôme sont en classe de 4e. Ce trimestre, le jeudi après-midi de 14 h à 16 h, avec leurs professeurs de mathématiques, de physique chimie et d’histoire, ils mènent un projet sur la machine à vapeur : créer un magazine consacré à cette invention. Du cours d’histoire, ils utilisent leurs connaissances sur la révolution industrielle au xixe siècle. Du cours de physique, le chapitre sur la pression d’un gaz. Leur professeur de mathématiques leur a demandé de prouver qu’il s’agissait réellement d’une révolution en calculant, à partir de la vitesse d’un cheval et la vitesse de ces premiers trains, le temps gagné pour rejoindre les villes de Lyon, Marseille, Orléans et Nantes depuis Paris. Nadia, Carole et Jérôme rédigent actuellement leur magazine et seront évalués dans quelques semaines sur ce projet qu’ils présenteront à toute leur classe". Sur le thème développement durable, "Lucas et Nora sont élèves en classe de 3e et vont s’intéresser aux éoliennes avec leurs enseignants de physique, de SVT et de technologie". Là l'objectif c'est de créer une maquette fonctionnelle. "Au début de chaque année, le Conseil pédagogique décide dans quelles disciplines les élèves ont intérêt à travailler dans le cadre des EPI. L'horaire disciplinaire n'est pas réduit mais dans chaque discipline une partie du temps est utilisé pour apprendre autrement", dit-on au ministère.

 

Un accompagnement personnalisé

 

La réforme met en place un temps d'accompagnement personnalisé obligatoire pour tous les élèves. En 6ème il représentera 3 heures hebdomadaires. Dans le cycle 4, une heure seulement. En 6ème, l'accompagnement portera sur les fondamentaux du métier de collégien : apprendre une leçon, faire une recherche documentaire, prendre des notes, dit le ministère . On pourrait aussi bien ajouter se repérer dans le collège ou organiser son cahier de textes et son cartable. Au cycle 4 on passerait à " la construction de l'autonomie". La réforme s'inspire de celle du lycée et propose de brasser les élèves dans des groupes variables et inter classes, renouvelés sans cesse toute l'année. Cette pratique n'a pourtant pas eu que des effets positifs au lycée.

 

Des travaux en petits groupes pour quelques disciplines

 

La réforme crée aussi des travaux en petits groupes. "Les petits groupes permettront aux enseignants d’interagir davantage avec les élèves et d’apporter des réponses à leurs besoins. Dans ces petits groupes, les élèves seront davantage sollicités, questionnés, mis en activité", dit le ministère. Les disciplines qui bénéficieront de ces dédoublements seront choisies par le Conseil pédagogique. Le ministère, en application de la loi d'orientation, créera 4 000 postes pour couvrir les besoins nécessités par ces groupes.

 

Au total, 4 à 5 heures par semaine seront définies par l'établissement c'est à dire 20% de l'horaire total, au lieu de 7% aujourd'hui. "C'est un acte de confiance dans les équipes enseignants", souligne N Vallaud-Belkacem. La répartition concrète de ces heures et des grilles horaires disciplinaires seront aussi des points à négocier avec les syndicats dans les semaines à venir.

 

La fin des sections européennes

 

Une certitude concerne les langues vivantes. La réforme va supprimer les sections européennes et les classes bilangues. En effet les élèves commenceront tous la seconde langue (LV2) en 5ème. Les élèves n'ayant pas anglais en LV1 pourront commencer l'anglais LV2 dès la 6ème. Là aussi la négociation avec les syndicats fixera les nouveaux horaires des langues vivantes. L'horaire élève pourrait être augmenté mais ce n'est pas certain. Les langues anciennes s'inscriront dans le cadre des EPI où un thème est prévu pour elles. Enfin en supprimant les sections européennes, le ministère sait qu'il impacte aussi fortement les stratégies familiales et d'établissement. Il faudra suivre les ajustements des uns et des autres...

 

Plan numérique et vie collégienne

 

La réforme veut aussi "moderniser" le collège. D'abord en donnant davantage de place aux initiatives des élèves. Des conseils pour la vie collégienne seront créés dans les établissements à l'image du lycée. Chaque collège devra développer un média d'établissement. La pause méridienne sera portée obligatoirement à un minimum de 90 minutes.

 

Enfin le ministère commence à donner un contour au plan numérique. " Le collège du xxie siècle doit être en phase avec les usages du numérique d’aujourd’hui, et apprendre aux collégiens, qui s’en servent par ailleurs dans leur vie de tous les jours, à les utiliser, à les maîtriser et à les comprendre", dit la rue de Grenelle. " Les collégiens développent leurs connaissances et leurs compétences en algorithmique et en informatique" avec de nouveaux programmes. 300 collèges vont préfigurer dès la rentrée 2015 le grand plan numérique d'équipement intégral des collégiens en tablettes à partir de la 5ème. Annoncé depuis des mois, le plan commence à prendre tournure. L'appel à projet est lancé par le ministère pour choisir les 300 collèges.  

 

Quel calendrier ?

 

Cette réforme suppose un accompagnement des enseignants pour sa mise en oeuvre. Des négociations avec les syndicats s'ouvrent pour définir les grilles horaires. Elles devront aboutir pour le CSE du 10 avril 2015. La réforme sera mise en consultation avec les nouveaux programmes au printemps 2015. Dans l'année 2015-2016, le ministère nous assure que des formations seront conduites dans chaque collège pour que les enseignants apprennent à définir les EPI et à collaborer. La réforme sera mise en oeuvre à partir de la rentrée 2016.

 

Sauf en Rep et Rep+; il n'y aura pas de moment de concertation des équipes dans les nouveaux emplois du temps. Le ministère se défausse en rappelant que la concertation fait partie des tâches du métier enseignant. Mais le ministère est conscient que la réforme nécessitera des coordonateurs de niveau et de discipline qui pourront bénéficier des  nouvelles indemnités de mission. Finalement la réforme du collège devrait aussi être une réforme du management des collèges. C'est une ambition supplémentaire pour une réforme imaginée par le ministère.

 

François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 11 mars 2015.

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