La chronique de Véronique Soulé : Les CIO parisiens vont-ils sauver leur peau ? 

Les Centres d’Information et d’Orientation (CIO) parisiens vont-ils pouvoir payer leur électricité, acheter des cartouches d’imprimantes et se chauffer à la rentrée 2015 ? Mystère. La Ville de Paris ne veut plus les entretenir. Et le ministère n’est manifestement pas pressé de les récupérer. Retour sur une histoire où l’on parle beaucoup gros sous et économies, et très peu – voire pas du tout - missions et accueil des élèves en mal d’orientation

 

L'histoire compliquée des CIO

 

Paris compte 14 CIO. Trois, qui ont des profils particuliers, dépendent de l’Etat et ne sont donc pas concernés. L’un s’occupe de l’information et de la communication du réseau, l’autre est spécialisé dans l’enseignement supérieur, le dernier est rattaché au tribunal de Paris. Les 11 autres CIO dépendent du département, donc de la Ville de Paris qui assume les deux fonctions – comme Lyon. Pour eux, l’avenir est suspendu.

 

Pourquoi cette situation hybride, avec des CIO d’Etat et d’autres départementaux ? Les Centres d’Information et d’Orientation ont une histoire compliquée. Leur réforme – et celle de l’orientation en général, considérée comme un maillon faible de l’école - est un serpent de mer de la politique éducative. Chaque ministre, ou presque, a son petit avis sur la question. Les circulaires se succèdent. En 2003, dans le cadre de la décentralisation, on a voulu transférer leurs personnels aux régions. Raté. La dernière idée était de fondre les CIO au sein d’un grand service d’orientation tout au long de la vie confié aux régions. Ca n’a pas vraiment marché. Et les CIO existent encore.

 

Quand Paris laisse tomber ses CIO...

 

C’est le 5 février que le Conseil de Paris a annoncé qu’il ne souhaitait plus prendre en charge le fonctionnement des 11 CIO départementaux, et qu’il en transférait la charge à l’Etat. Une conseillère Front de Gauche, Danielle Simonnet, et une autre Europe-Ecologie-Les-Verts, Anne Souyris, sont montées au créneau pour dénoncer la décision. En vain. Le Conseil de Paris a confirmé sa décision.

 

La Ville de Paris avance un certain nombre d’arguments. L’orientation scolaire ne figure pas dans ses compétences obligatoires. Or les temps sont difficiles pour les collectivités locales, avec des charges toujours plus nombreuses et l’Etat qui coupe dans les subventions. Pour boucler son budget, la Ville doit se recentrer sur ses missions propres. Et demander à l’Etat d’assumer les siennes. Concernant les CIO, Paris propose toutefois de continuer à les accueillir gratuitement dans les locaux qui lui appartiennent, c’est-à-dire dans les écoles et les collèges - 9 des 11 CIO y sont actuellement abrités. Mais encore faut-il pouvoir fonctionner, téléphoner, s’éclairer… Et là, qui va payer ?

 

«Nous l’avons appris par un courrier le 20 février, explique Marilou Struillou, du SNES-FSU, ça a été la surprise totale. Nous nous sommes tournés alors vers le Rectorat. Mais pour l’instant, sa position n’est pas très claire. D’autant que le laps de temps est très court pour se retourner». Le SNES a lancé une série d’actions – comme une AG de tous les personnels des CIO le 24 mars - ainsi qu’une pétition.

 

Discussions de boutiquiers devant jeunes en souffrance

 

Le Rectorat de Paris paraît embêté. Le ministère, lui, est silencieux. Il a diffusé fin février une carte de France avec tous les CIO qu’il prévoit de garder, un chiffre calculé à partir du nombre d’habitants, de la proportion vivant en zone sensible, rurale ou urbaine, etc. Sur les 510 actuels, il en maintiendrait 360 sur tout le territoire. A Paris, il en reprendrait 3 parmi les 11 en suspens – les 3 d’Etat, étant à part, ne sont pas menacés. Et il annonce un financement de 35 000 euros par an et par CIO. Une somme jugée bien insuffisante par le SNES. 

 

Et que devient le personnel des 8 CIO voués à disparaître ou à se fondre ? Dans plusieurs départements, on a déjà procédé à des fusions-regroupements et cela a été souvent douloureux. «Parfois, des conseillers se sont retrouvés à 30 dans des centres qui n’étaient pas équipés pour, explique Marilou Struillou, on manquait de chaises et de tables pour organiser des réunions. On a vu aussi des CIO déménager trois fois de suite, des conseillers se sont retrouvés à couvrir tout un canton, des familles contraintes de parcourir 50 kilomètres… ».

 

Le plus désolant dans cette affaire, c’est l’impression d’une discussion de boutiquiers alors que les enjeux sont bien réels. Les conseillers d’orientation-psychologues, dont le nombre a chuté sous la présidence Sarkozy, se concentrent sur les cas les plus délicats  - décrocheurs, élèves handicapés, jeunes allophones nouvellement arrivés, etc. On aurait pu parler de ça, plutôt que de voir l’Etat et la Ville se renvoyer la balle pour savoir qui paiera.

 

Véronique Soulé

 

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Par fjarraud , le lundi 23 mars 2015.

Commentaires

  • Viviane Micaud, le 23/03/2015 à 14:55

    D’abord, il faut voir qu’avec Internet, le travail sur l’orientation a changé. Le jeune autonome n’a plus besoin (comme il y a seulement 10 ans) d’aller dans un CIO pour consulter les fiches des établissements de sa région. Il peut le faire de sa chambre, du CDI, au du point-jeunes de son quartier, avec les ressources Internet. Les ressources Internet ont encore besoin de se structurer, mais sont beaucoup plus riches que celles qui étaient dans les CIO. Il y a des vidéos sur des jeunes qui parlent avec passion de leur métier, des indications sur les fourchettes de salaire, etc.

    Le problème se pose pour les jeunes qui ont besoin d’un accompagnement particulier, car psychologiquement pas prêt à se projeter comme adulte évoluant dans le monde des adultes, ou à cause d’un handicap (visible ou non) qui rend plus difficile la construction d’un projet réaliste.  Ces jeunes-là ont besoin d’un accompagnement par un adulte formée à cette spécificité.

    L'évolution prévue est d'attribuer la coordination d'orientation aux régions, dans une optique orientation tout au long de la vie. Celui-ci a été institué par la loi n°2009-1437 du 24 novembre 2009. La loi n°2014-288 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale précise les compétences de l'État et des régions en matière de service public régional de l'orientation (SPRO). L’accord cadre a été signé le 28/11/2014 pour une mise en place le 01/01/2015. Normalement, les régions ont mis en place en décembre 2014 des CREFOP (Comité Régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle, qui s’occupe de coordonner les partenaires de l’orientation « du collège à la formation continue)  qui devrait être actif pour l’orientation en 2015.

    En décembre 2014, le Conseil Supérieur des Programmes a fait paraître un document intitulé « Le Parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du mode économique professionnelle » ou (PIIODMEP), qui a pour objectif d’aider les élèves à faire un choix éclairé pour la poursuite de leurs études. D’après le site du ministère de l’éducation, il est en expérimentation durant l’année 2014-2015, et il devrait être généralisé dès la rentrée 2015. Deux des trois objectifs sont sur la capacité de comprendre le monde économique et comment peut faire preuve d’initiatives à l’intérieur de celui-ci. Le dernier objectif est un accompagnement au choix d’orientation.

    Tout cela fait que le métier de conseiller d’orientation psychologue doit chanter. Personnellement, je pense que l’Education nationale a pour politique de se désengager petit à petit des CIOs de manière à ce que la région comble le vide au fur et à mesure, tout en évitant les brutalités vis-à-vis du personnel concerné qui ont le temps de se repositionner dans le nouveau dispositif. En terme de cohérence de pilotage, c’est bien la meilleure solution. Cependant, il faut que les régions s’emparent de cette nouvelle responsabilité. Il y a forcément un jeu de l’Education Nationale pour ne pas transférer les budgets.

    N’oublions pas, qu’aujourd’hui le principal dysfonctionnement est le dispositif d'affectation en filière professionnelle qui ne permet pas à l’élève de s’engager dans son choix. En effet, la motivation n’est pas prise en compte et le système informatique fait écran entre l’élève et tout ce qui lui permettrait de ce projeté dans l’avenir. Comment s’investir pour aider un élève démotivé à faire un projet quand, une fois sur trois, le programme d’affectation le refuse brutalement sans donner d’explication trois mois après les choix et que rien n’est prévu pour l’accompagnement au renoncement?

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