Développer l’autonomie de l’élève avec les TICE. Rencontre avec Yoann Tomaszower 

L’enseignant d’EPS est souvent face à la difficulté de pouvoir proposer une progression individuelle à chaque élève, mais également de se décharger des contraintes organisationnelles pour se centrer sur le cœur du métier, l’enseignement. Yoann Tomaszower, enseignant d’EPS au collège Paul Eluard à Bonneuil-sur-marne, fait partie du GREID EPS de l’académie de Créteil. Il a placé au cœur de sa démarche l’usage des outils numériques notamment  les applications « Bam Vidéo Delay » et « Gym’EPS ».

 

Pouvez-vous nous présenter votre démarche et son contexte ?

 

Au cours d’un cycle de gymnastique artistique avec des élèves de 6ème du collège Paul Eluard de Bonneuil-sur-Marne (94), nous utilisons deux ressources numériques. La première, « Gym’EPS » est un document numérique interactif de type PowerPoint permettant aux élèves de naviguer au sein d’un répertoire d’ateliers classés par niveaux de difficultés (de A à F) et par familles (tourner en avant, tourner en arrière, se renverser, se renverser latéralement, voler, voler et tourner). Chaque groupe d’élèves dispose donc en permanence d’une tablette ou d’un PC portable sur lesquels ils visionnent la vidéo de l’exercice à réaliser, lisent les critères de réalisation et identifient le matériel nécessaire.

 

En complément de cet outil, nous utilisons une application disponible sur iPad, « Bam Video Delay ». Cette dernière offre aux élèves la possibilité de se revoir jusqu’à 4 fois, immédiatement après la réalisation de l’élément gymnique travaillé. Ce procédé autoscopique (l’élève se confronte à l’image de son propre corps), sans empiéter sur le temps de pratique de part l’absence de manipulation qu’il induit, donne à l’élève une connaissance immédiate du résultat et un retour sur son action.

 

Justement, pourquoi avez-vous fait ce choix ?

 

Aider l’élève en difficulté sur un atelier ou confronté à un obstacle dans sa phase d’apprentissage était la principale difficulté à laquelle je me trouvais confronté, notamment dans l’enseignement de la gymnastique. Trop souvent accaparé par des contraintes organisationnelles (au niveau matériel avant tout), je ne parvenais pas à trouver le temps nécessaire à une régulation efficace. Parallèlement à cela, l’hétérogénéité des niveaux initiaux des élèves ainsi que les différences interindividuelles face aux acquisitions, impliquaient nécessairement la mise en place de ce que l’on nomme communément une « pédagogie différenciée ». Très concrètement, mon problème était simplement de pouvoir proposer une progression adaptée à chacun.

 

Le temps de pratique effectif sur ma séance de gymnastique, une fois soustraits les temps de déplacement et de vestiaires ainsi que le temps d’installation et de rangement du matériel avoisine 1h10… Il me fallait trouver des solutions !

 

Comment la leçon est-elle organisée ?

 

 En fait, le document interactif navigable, de type PowerPoint, me permet de me décharger de toutes les explications liées à l’organisation matérielle. Les élèves peuvent eux mêmes installer l’atelier qu’ils souhaitent travailler. Je peux également prendre de la distance avec les critères de réalisation et l’exercice à réaliser car ceux-ci, une fois expliqués aux élèves, figurent sur l’application (texte et vidéo). Nul besoin de répéter sans cesse ou de se livrer en permanence à des démonstrations. Enfin, par un système de co-évaluation, les élèves peuvent valider, à l’aide d’un pair, les différents niveaux de progression et ainsi avancer à leur rythme. De mon côté je me trouve bien plus disponible pour réguler l’élève en difficulté. L’application de différé, « Bam Vidéo Delay », offre aux élèves la possibilité de mesurer l’écart entre leur réalisation et les critères de réalisation fixés pour peu que cette analyse vidéo soit accompagnée et guidée. Aux feedbacks que peut donner l’enseignant s’ajoutent donc les informations liées à l’autoscopie.

 

Si fonctionner avec des tablettes peut faciliter l’implication et développer la motivation des élèves, ce sont bien ces raisons qui ont guidé et validé le recours aux outils numériques.

 

Tu évoques le développement de la motivation des élèves, mais ne risquent-ils pas de « se » valider un peu « trop » rapidement sans forcément atteindre le niveau demandé ?  Installes-tu des gardes fous par rapport à cette  co-évaluation ?

 

Evidemment il s’agit là d’une dérive que peut générer ce type de fonctionnement. Avec Brousseau je rappellerai que la démarche consistant en une « dévolution des apprentissages » implique « que l’enseignant fait accepter à l’élève la responsabilité de son apprentissage et accepte lui-même la responsabilité de ce transfert » (« La théorie des situations », 1986). S’il nous faut être vigilant, le plus important reste que cette dérive ne devienne pas un danger notamment au niveau sécuritaire évidemment.

 

Pour parer à cela un capitaine d’équipe est nommé (ou élu), au sein de chaque groupe. Il devra me rendre compte de tout manquement aux consignes de sécurité. Concernant la co-évaluation à proprement parler, le juge sait qu’il engage sa responsabilité en signant la fiche de son camarade et qu’il est lui même évalué, dans le cadre des compétences méthodologiques et sociales, dans son rôle. Pour qu’il puisse apposer sa signature le gymnaste qu’il observe doit être capable de réaliser trois fois consécutivement l’élément sans erreur et dans le respect des critères de réalisation fixés sur la tablette. Nous estimons que l’élément reproduit ainsi à trois reprises est gage d’une certaine stabilisation du comportement.

 

Pour superviser tout cela « j’interroge » régulièrement (en général en fin de leçon) un ou deux élèves de chaque groupe sur un élément déclaré validé. S’il ne parvient pas à le réaliser correctement du premier coup le gymnaste et le juge s’en trouvent pénaliser.

 

Je note cependant que dans l’ensemble les élèves ne trahissent pas la confiance qui leur est accordée au niveau de l’installation du matériel, de l’utilisation de tablettes ou de la co-évaluation. Peut-être est-il trop rare que l’école leur offre un tel espace de liberté et de responsabilités ? C’est une réflexion personnelle ! Si les comportements déviants existent ils demeurent rares et marginaux.

 

Comment les groupes s’organisent-ils alors ?

 

Je constitue mes groupes en mêlant affinité et mixité. J’invite en fait les élèves à se placer avec un camarade de leur choix et regroupe deux ou trois doublettes ainsi formées pour constituer l’équipe. Naturellement garçons et filles, à cet âge, ne vont que difficilement les uns vers les autres. Avec cette forme de groupement je les incite à travailler avec tout le monde tout en essayant de créer un sentiment d’appartenance (l’équipe se choisit un nom et va élire le capitaine dont je parlais précédem

élément par n’importe quel coéquipier. L’envie de progresser rapidement et de valider un maximum de niveaux les incite en fait à demander à la première personne disponible une validation. Des échanges et une certaine « confrontation socio-cognitive » se créent naturellement.

 

Lors de l’utilisation de l’outil vidéo, je dépose à côté de la tablette une fiche reprenant les critères de réalisation par niveau et demande à l’élève, à chaque passage, et une fois qu’il s’est revu, de mettre une simple croix s’il estime que le critère est respecté. Nous pouvons espérer ainsi que cette « analyse autoscopique » lui permettra, sans perte de temps de pratique dans la mesure où elle s’effectue rapidement et sans manipulation, de mesurer l’écart au modèle et de demander une validation lorsqu’il estimera réaliser correctement l’élément travaillé.

 

Propos recueillis par Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

L’application « Gym’EPS »

 « Acro’EPS et Gym’EPS, un « pas en avant » des TICE en EPS

Une vidéo

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 02 avril 2015.

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