Ecritech 6 : Journée 1 : Ce que le numérique fait à notre société, aux jeunes et à l'école  

Après les perturbations causées par les difficultés de transports qui ont amené certains intervenants à ne pas parvenir jusqu'à Nice, les perturbations du réseau Internet ont accru les difficultés d'Ecritech 6. Dans un colloque comme Ecritech, comme dans les établissements, il arrive qu'Internet ne permette pas une qualité de travail constante. C'est pourquoi les interventions de Jean Marc Merriaux (CANOPE) et de Gilles Braun (IGEN) ont eu bien du mal à parvenir dans l'amphithéâtre. Au moins auront elles eu le mérite de nous faire passer l'essentiel de leur message et surtout de nous rappeler, dans un colloque centré sur le numérique, que les infrastructures (réseaux et débits) restent un point encore fragile. Et dans ce contexte, devant plus de 250 personnes qui étaient bien présentes dans la salle les organisateurs de la manifestation ont su faire face.

 

Liberté, égalité, fraternité numériques ?

 

La thématique d'Ecritech'6 est : "Vie numérique de l'élève : une identité en construction". Gilles Braun a rappelé combien cette thématique prenait de l'importance pour les responsables de l'Education Nationale : "comment concilier pratiques sociales et pratiques scolaires ?" En écho aux propos de Jean Marc Merriaux qui questionnait la place du numérique dans la réussite scolaire et professionnelle des élèves et qui évoquait la nécessité d'adapter l'offre de CANOPE aux nouveaux contextes, Catherine Becchetti-Bizot a rappelé la nécessité de faire travailler ensemble les acteurs, tous les acteurs, chercheurs compris. L'axe principal de son propos a été de développer l'idée de "lieux d'incubation" comme lieux d'ajustement entre les pratiques et la recherche, mais aussi comme mise en synergie qui permettrait de prendre en compte les élèves pour construire une vision pour l'avenir, pour tenter de trouver un chemin.

 

Après un rappel de l'histoire d'Ecritech dont c'est la 6è édition, Gilles Braun a invité à questionner les frontières, le brouillage des espaces. Evoquant en parallèle l'école et la famille, il évoquait les changements de périmètre d'action de chacun de ces espaces. Il rappelait toutefois que l'on ne pouvait oublier que même sur le fronton de l'école numérique, il y avait toujours les slogans de la république : liberté, égalité et fraternité. C'est sur cet appel à la cohérence qu'il invitait les participants à analyser les évolutions en cours.

 

L'évaluation moteur du changement numérique de l'école ?

 

Daniel Kaplan, délégué générale de la FING (Fondation pour l’Internet Nouvelle Génération), après avoir salué le Café Pédagogique dans son introduction a rappelé une question qui avait traversé le Conseil National du Numérique, dont il fait partie et qui a rédigé le rapport Jules Ferry 3.0 : Pourquoi l'école voit-elle le numérique comme un "ennui de plus" ? Prenant ses distances aussi bien avec le rapport qu'avec le groupe qui l'a rédigé, sans pour autant le critiquer, Daniel Kaplan a insisté pour développer l'idée que le numérique est désormais une "nouvelle" écriture. "C'est comme ça qu'on écrit maintenant". Il argumente ainsi son propos en disant que la transformation des supports est corolaire de la transformation de la matière première de l'école : "tous les savoirs contemporains sont créés par et grâce au numérique". Dès lors comment les ignorer dans l'univers scolaire. Il a cependant constaté que dans tous les milieux (école, entreprise, administrations...) le numérique c'est compliqué. Mais il a aussi insisté pour nous dire que "un jour viendrait où le numérique à l'école ça marcherait". Mais il défend l'idée qu'il ne faut pas faire du numérique scolaire, mais bien ajuster le numérique tel qu'il est dans le contexte scolaire et donc transformer celui-ci. Tentant de nous ouvrir les yeux sur les changements à venir, Daniel Kaplan nous a invités à passer des innovations incrémentales aux inventions de rupture. De plus il considère que ce ne sont pas forcément les technologies les plus sophistiquées qui y mènent mais plutôt un changement plus global qui s'appuie surtout sur des modèles économiques différents.

 

Le changement le plus important mais aussi le plus prometteur que Daniel Kaplan a appelé de ses vœux c'est celui de l'évaluation. C'est dans un changement plurinational du rapport à l'évaluation que risque de se produire la rupture la plus significative qui entraînerait la numérique comme vecteur principal de l'évolution. "Si on ne prend pas en compte le moteur de l'expression et l'exposition de soi permis par le numérique, on manque l'essentiel". Or pour Daniel Kaplan, "l'identité est l'écriture de soi pour soi et vers les autres". Il ajoute que cela s'enseigne, invitant ainsi l'école à changer son dispositif d'intervention et d'évaluation face à l'environnement changé par le numérique. Enfin, il nous a indiqué que le thème de réflexion de cette année pour la FING, c'est la "transition". Les travaux menés par ce groupe et qui seront prochainement disponibles, montrent que l'entreprise doit se mettre en marche et qu'elle semble en train de le faire pour ce qui est du monde scolaire. Cependant il nous invite à nouveau à questionner l'évaluation, mais aussi la "scolarisation" du numérique : deux écueils à éviter.

 

Numérique et construction de soi

 

L'après-midi s'est ouvert sur une table ronde au titre prometteur sur "l'évolution de la construction de soi". Malgré la bonne volonté des intervenants et de l'animatrice (Blandine Raoul Réa de la DNE), les propos tenus n'ont pas permis de véritablement dégager de points précis et fort sur une question qui pourtant est essentielle. Si l'on a pu percevoir l'importance de l'exposition de soi sur les réseaux sociaux, ou encore sur l'impact psychologique de leurs usages, on a pu percevoir que finalement, pour les intervenants, l'essentiel du questionnement était d'abord pédagogique et éducatif. Malheureusement il a été difficile de repérer dans les interventions, en quoi le numérique pouvait amener à des déplacements dans le rôle du monde scolaire.

 

A la suite de cette table ronde, quatre ateliers ont terminé la journée. Chacun d'eux était censé enrichir la table ronde initiale. Les thématiques abordées n'ont permis que de manière inégale d'aborder cette question. Si la présentation de ressources a permis de montrer la richesse éducative pour les élèves, mais surtout pour les enseignants, l'atelier sur la responsabilité et le numérique a amené à entendre des élèves évoquer leur point de vue sur la responsabilité au travers de leur expérience. On signalera particulièrement, dans cet atelier les prises de paroles très "adultes" de deux des jeunes. Leur discours semblait vraiment raisonnable en regard des pratiques que l'on observe par ailleurs.  L'absence de certains participants, du fait des grèves des transports a écourté la séance (comme celle d'autres ateliers) et n'a pas permis d'approfondir les questions. Les deux autres ateliers, celui sur l'Education aux Médias et celui sur les élèves à besoins particulier ont permis d'illustrer, mais là encore de façon limitée les réponses possibles à la question centrale de l'après-midi : la construction de soi.

 

En cours et en fin de journée les participants ont pu rencontrer dans plusieurs stands proposés dans le hall des pistes d'action pour aller plus loin avec les élèves. C'est en particulier le cas de la web radio, installée par le lycée de l'Eucalyptus, qui a montré le dynamisme des élèves dans de tels projets. L'enseignante documentaliste qui accompagne le groupe a su faire de ce "jeune projet" l'occasion pour les élèves de "sortir des murs" du lycée pour se frotter à un autre monde, celui des adultes. L'enthousiasme et la richesse dont témoignent élèves et enseignants mérite ici d'être salués. On sent bien que tels projets, s'ils motivent les élèves, sont aussi des moteurs de motivation pour leurs enseignants. Ici l'enseignante documentaliste nous a fait part de la richesse humaine du projet qui dépassait largement la simplicité technologique. Reste évidemment à savoir de quelle manière ce type d'activité peut être valorisé dans un cursus scolaire !

 

A suivre

Bruno Devauchelle

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Par fjarraud , le vendredi 10 avril 2015.

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