Ecritech'6 : Apprendre et produire dans la société numérique 

Parmi les rencontres sur le numérique éducatif qui comptent en ce moment, Ecritech est une de celles qui restent gravées dans les mémoires des participants (plus de 300 chaque jour). La sixième édition de cet évènement a été à la hauteur des ambitions de ses organisateurs, malgré les aléas qui finalement ont peu altéré la qualité des débats. Il est à souhaiter que ceux qui n'ont pas eu la chance d'y participer prendront le temps d'aller sur le site dans les prochaines semaines dès que les enregistrements, accompagnés des interviews vidéo des intervenant seront en ligne.

 

Quelle place pour l'écrit dans la société numérique ?

 

Ces rencontres, initiées et portées par CANOPE et la Direction du Numérique pour l'éducation (DNE) du ministère, en présence de sa directrice Catherine Becchetti Bizot, ont particulièrement bien porté leur nom. Le principal enseignement de ces deux journées concerne l'importance de faire passer l'école de "l'écrit du livre" à "l'écrit dans une société globalement numérisée". Or ce passage suppose des changements dont on a pu observer qu'ils étaient vraiment en cours. Les huit ateliers proposés et les nombreux participants qui y ont assisté ont vraiment permis de comprendre que nous sommes entrés dans un temps de "transition" pour reprendre le propos de Daniel Kaplan en ouverture de ces deux journées.

 

Ce que l'on retiendra en premier lieu c'est le souci de faire dialoguer le monde scolaire et le monde social, comme Gilles Braun (IGEN) l'a rappelé. Cela veut dire que, sans tenter de scolariser le numérique ou de le diaboliser, les intervenants ont eu à cœur de préciser que la place du numérique était d'abord celle qu'il a dans la vie quotidienne des acteurs et non pas dans la tête des décideurs. Prendre en compte ce fait, c'est éviter de tomber dans les pièges habituels tendus à une école qui serait mise en difficulté à vouloir se tenir à l'écart d'un "fait social désormais total".

 

Un choc global pour le manuel scolaire ?

 

C'est la première fois de l'histoire de l'école de notre pays, qu'un tel choc se produit. Ce sont ses fondements qui sont questionnés au premier rang desquels se trouve le rapport à l'écrit, mais aussi au livre et plus particulièrement au manuel scolaire. Car ce manuel est bien l'illustration de ce que peut donner la scolarisation des objets supports des savoirs que l'on veut faire passer (transmettre) aux élèves.

 

S'il n'a pas été directement question du livre et du manuel au cours de cette édition, de nombreux échanges périphériques ont montré qu'elle était sous-jacente. En n'abordant pas directement cette question dans cette sixième édition, les organisateurs en lien avec la DNE ont préféré proposer une autre approche : celle de l'articulation entre l'apprendre et le produire en classe pour apprendre. On peut tirer des débats l'idée suivante : les supports scolaires de l’apprentissage sont d'abord construits par les élèves et les enseignants au cours d'activités dans lesquelles ils consultent aussi bien les ressources disponibles (Eduthèque par exemple), qu'ils les enrichissent (écriture d'invention, analyse enrichie), ou qu'ils les créent (vidéos, nouvelles écritures...).

 

Quelle place pour les enseignants ?

 

En questionnant la qualité des apprentissages dans de tels contextes d'activité, les intervenants et en particulier Jean Michel Le Baut (professeur de lettres en lycée à Brest et collaborateur du Café Pédagogique), ont démontré de manière éclatante combien les enseignants ont besoin de confiance, d'espaces d'initiatives et de responsabilisation pour permettre ces activités.

 

Mais c'est aussi pour permettre aux jeunes de trouver aussi le sens de l'usage de ces technologies de manière contextualisée qu'il est important de les associer plus largement, de les responsabiliser aussi afin qu'ils puissent trouver la "bonne distance" avec le numérique.

 

Parmi les participants, il n'y avait pas que des convaincus, des spécialistes, mais aussi nombre d'enseignants de la région qui ont profité de l'occasion offerte "localement" pour enrichir leur compréhension des évolutions en cours dans le monde de l'enseignement. En souhaitant que l'on passe "de l'entre soi à l'entre tous", Michel Reverchon-Billot (IGEN) a su éclairer le sens de la manifestation qui justement tente ce pari.

 

Car c'est bien l'enjeu essentiel, les injonctions nationales ou locales à l'équipement n'ont aucune valeur, aucun effet sans "traduction" (théorie sociologique liée aux travaux de Michel Callon et Bruno Latour). Or les premiers traducteurs ce sont bien sûr les acteurs engagés avec les jeunes. Mais il aurait fallu aussi donner une place plus grande aux élèves. Toutefois la présence de la Web Radio REK du lycée Les Eucalyptus de Nice, et donc des élèves dont l'activité au cours de ces rencontres était située au cœur de la rencontre a permis à de nombreux enseignants de comprendre ce qui a plusieurs reprise a été questionné : la continuité entre les compétences de jeunes et celles d'élèves.

 

Prendre davantage le numérique en compte

 

A la fin de ces deux journées, de nombreuses pistes sont ouvertes pour le prochain Ecritech. C'est à partir de quelques questionnements clés relevés au cours de ces rencontres que l'on peut commencer à y réfléchir : "Donner à chaque élève la chance de se faire sujet de son savoir", "Peut-on estimer les pratiques hors écoles et les mésestimer dans l’école ?", "Médias de flux, médias interactif : permettre aux jeunes d'accéder au droit de choisir", "Mais accepter la complexité, dépasser le découpage disciplinaire". On le voit, à partir de ces réflexions, et en synchronisation avec la réforme du collège et le nouveau socle, un chantier est ouvert qui invite les enseignants à prendre encore davantage le numérique en compte, non pas en l'imposant partout et tout le temps, mais en en faisant un vecteur clé de l'éducation et donc de l'apprentissage.

 

Merci aux organisateurs

 

Bruno Devauchelle

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 13 avril 2015.

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