Gérér l'hétérogénéité avec les TICE. Rencontre avec Sébastien Lacroix 

Proposer un contenu adapté à chaque élève et ceci malgré la forte hétérogénéité des classes est un vrai défi pour les enseignants. Pour Sébastien Lacroix, professeur d’EPS en collège dans l’Académie de Créteil, les TICE peuvent aider à le relever. A travers différentes ressources TICE qu’il utilise, il présente sa démarche et en évalue l’efficacité.

 

Pouvez-vous nous présenter votre démarche et son contexte ?

 

Le cycle proposé part d’une réflexion simple : comment individualiser les contenus pour chaque élève dans une classe ayant une forte hétérogénéité de niveau ?  La classe de 4ème en question compte 27 élèves ayant des vécus différents dans l’activité proposée : 20 élèves ont bénéficié de 16 heures de pratique, 5 sont débutants dans l’activité (3 élèves d’UPE2A, 2 élèves dispensés lors des cycles précédents) et 2 élèves nouvellement arrivés ont déjà suivi 2 cycles d’enseignement.

 

Aussi ma préoccupation première est de pouvoir adapter mon enseignement aux attentes de chaque élève. Le but étant de leur assurer des contenus d’enseignement en rapport avec leur niveau. Pour ce faire, j’ai utilisé l’outil TICE TTeps  qui permet aux élèves d’avoir accès à un répertoire de 40 exercices de difficulté croissante. Les élèves doivent alors prendre connaissance de l’exercice, s’approprier les consignes et identifier les critères de réussite. Puis après avoir réalisé l’exercice, ils l’indiquent comme « acquis » dans l’application.

 

Comment la leçon est-elle organisée ?

 

Lors des 2 premières séances, je laisse les élèves s’essayer à la validation des différents exercices. Le but étant de pouvoir créer des groupes de besoin pour les séances suivantes.

 

Les séances 3 à 6 s’organisent autour de 4 ateliers de travail : l’atelier 1 consiste à la validation de niveau ; l’atelier 2 au travail au panier sur une thématique spécifique en rapport avec le niveau des élèves ; l’atelier 3 propose des rencontres avec une observation statistique grâce à TTobs. Ainsi, les élèves vont réaliser un match en 2 sets de 11 points. Chaque joueur aura un entraîneur chargé de relever les statistiques et de le conseiller. Un temps mort sera imposé à la fin du premier set (un autre temps mort par set sera également disponible). Les élèves pourront alors avoir accès aux statistiques du match et devront élaborer avec leur entraîneur une stratégie reposant sur l’exploitation des points forts et faibles de leur adversaire. Enfin, l’atelier 4 est une prise en charge individuelle avec l’enseignant afin de travailler spécifiquement un défaut, ou améliorer une qualité avec chaque élève. En fin de séance, les élèves précisent au professeur la thématique qu’ils souhaitent aborder la semaine suivante.

 

Cette organisation repose sur une grande autonomie des élèves. C’est pourquoi les documents TICE et d’autres sources (fiches d’atelier, etc.) permettent de centrer l’attention des élèves sur des points précis. Le travail en petits groupes de niveau favorise la mise en place d’une « communauté d’intérêt » (Galichet, L’éducation à la citoyenneté, 1998) censée motiver les élèves vers l’atteinte collective d’un objectif commun. De ce fait, la notion « d’entraide » va prendre toute sa valeur.

 

De plus, en fin de séance, nous utiliserons l’application ATP EPS pour organiser un tournoi entre les élèves de la classe. Ce tournoi sera poursuivi à chaque séance. Il constituera un fil rouge pour notre cycle. Précisons également que les élèves peuvent gagner des points en arbitrant un match (afin de valoriser les rôles sociaux).

 

Comment les groupes s’organisent-ils alors ?

 

Les modalités de groupement qui sont souvent affinitaires en début de séance vont rapidement se transformer pour s’organiser autour d’une « communauté d’intérêt » (GALICHET, opus cit.). L’objectif étant de se grouper avec des personnes qui nous permettront d’atteindre les objectifs qui nous ont été fixés. Aussi les élèves vont orienter leur comportement pour partir du « sentiment d’appartenance à un groupe » et se diriger vers un « sentiment de compétence » qui les amènera vers une meilleure « connaissance de soi » (DUCLOS, L’estime de soi un passeport pour la vie, 2000). Le but est alors de permettre aux élèves de mieux focaliser leur attention sur les facteurs d’efficacité au lieu de chercher la comparaison sociale ou lien affinitaire avec autrui. Ils vont apprendre à travailler avec de nouvelle personne en fonction d’un objectif de travail précis.

 

Quels sont les avantages de cette démarche ?

 

Plusieurs me viennent à l’esprit, mais il me semble indispensable de noter que ce dispositif permet aux élèves de se voir proposer des tâches en relation avec leur niveau. De ce fait, tous les élèves ne travaillent pas la même chose en même temps. Dès lors, ils peuvent également mesurer les progrès réalisés tout au long du cycle. De plus, l’enseignant peut connaître à tout moment la progression de chaque élève. Ainsi il peut intervenir auprès d’un élève en difficulté avec une situation adaptée.

 

L’avantage principal de ce dispositif est qu’il me permet de me décharger de la passation des consignes pour me concentrer uniquement sur les contenus d’enseignement donnés aux élèves. Je suis ainsi plus disponible pour les aider individuellement.

 

L’utilisation d’outils numériques comme TTeps et TTobs permet d’objectiver le niveau des élèves et leur progression. Nous pouvons ainsi fixer des facteurs d’efficacité précis pour chaque élève dans plusieurs domaines : Par exemple quantitatif, où l’élève va devoir travailler un nombre de niveau précis par séance. Ce qui va l’obliger en cas d’échec persistant face à une situation à venir solliciter le professeur. Le « contrat de quantité » fixé avec l’élève sera individualisé et constituera un axe de travail personnel pour lui. Au regard de son niveau de départ, chaque élève aura une charge de travail adaptée à ses possibilités. De ce fait, le projet lui paraîtra accessible et donc motivant. En effet, son investissement étant corrélé à « l’expectation de réussite ou de succès » qu’il ressent par rapport au travail proposé (Famose, Motivation et performance sportive, Dossier EPS 35,1998), sa motivation en cours pourra s’en trouver renforcée.

 

Mais aussi qualitatif, par exemple avec « TTobs » permettant d’agir comme un révélateur de la mise en application du niveau des élèves. Les élèves vont là encore avoir des « contrats d’intentions » à réaliser. Un élève ayant validé 6 niveaux sur les 40 proposés ne devra pas valider les mêmes critères au cours du match qu’un élève au niveau 38. Ici ce que nous rechercherons c’est la capacité des élèves à transposer les niveaux validés face à une opposition de même niveau. Pour ce faire, nous les guiderons avec des critères de réalisation précis : placer x % balle hors de la zone centrale du terrain, marquer x % point avec un effet coupé, etc.

 

Concernant ATP EPS, le fait de bonifier l’arbitrage me permet de créer un intérêt pour les rôles sociaux. Egalement, les élèves peuvent défier des adversaires se situant au maximum à 5 places devant la leur. Ce système leur assure de rencontrer des élèves de leur niveau de pratique ce qui répond à mon constat d’origine.

 

Justement ne risquent-ils pas de « se » valider un peu « trop » rapidement les exercices dans une logique de course au nombre d’exo, au détriment d’atteinte du niveau demandé ?  Installes-tu des garde-fous par conséquent ?

 

Lors de la validation des exercices, les élèves doivent apprendre à respecter les critères de réussite énoncés. L’interprétation de ces derniers fait aussi partie de l’apprentissage. Il faut donc lors des premières séances accompagner les élèves pour qu’ils apprennent à être rigoureux envers eux-mêmes. Rapidement, ils comprennent que l’exercice qu’ils travaillent est propédeutique au suivant. Un exercice n’est finalement qu’une pierre à l’édifice qu’ils doivent construire.

 

Toutefois, il est aussi nécessaire de poser des garde-fous plus pragmatiques : lors des 2 dernières séances les élèves devront montrer 2 exercices choisis par le professeur. Ils auront 3 tentatives pour y arriver. En cas d’échec, le professeur introduira une « sanction » de son choix (pénalité de 5 niveaux, annulation des niveaux présentés, etc.). Depuis la mise en place de ce dispositif, je suis satisfait de « l’honnêteté » des élèves. Il est rare de constater des abus en fin de cycle. En effet, en voyant les élèves chaque semaine, il est aisé de mesurer leur progression. Ils en ont conscience et ne voient plus le professeur comme un obstacle à une bonne note mais au contraire comme un moyen d’y arriver.

 

Afin de conclure est-il difficile de se lancer dans l’usage des TICE en EPS ou doit-on obligatoirement être un expert ?

 

De plus en plus de personnes possèdent un Smartphone ou une tablette pour un usage personnel (de 2011 à 2014, le taux d’équipement des foyers en smartphone a gagné +29 points et +25 points pour les tablettes, source CREDOC, enquête « conditions de vie et aspiration », 2014). Aussi l’installation d’applications et leurs utilisations se démocratisent de plus en plus rapidement. Reste maintenant à aborder des questions plus spécifiques : Quel type de tablette acheter ? Tant au niveau de la qualité du matériel que de l’OS utilisé (choisir entre une tablette dite « Apple » et une tablette Android). Comment identifier les possibles subventions permettant de financer un achat de tablette ? Comment acheter des applications dans un cadre scolaire ? Qu’en est-il des possibilités existantes pour entretenir ce  « parc » numérique ?

 

A mes yeux le principal défi n’est pas seulement là. Il faut que l’application (ou logiciel) utilisée trouve sa place dans un scénario pédagogique. L’utilisation du numérique doit être porteuse d’une véritable plus-value pour l’élève et ne pas être un simple moyen de substitution à ce qui existe déjà (Lacroix-Tomaszower : « Numérique éducatif : intégration du modèle SAMR en EPS », 2015). Aussi le professeur doit partir des attentes des programmes pour chaque APSA pour en définir des passages obligés. Les TICE vont aider à les révéler, les identifier, les isoler et pourquoi pas à contribuer à les traiter. L’expertise est avant tout le parti pris de l’enseignant vis à vis des APSA et des progrès que les élèves doivent réaliser dans celles-ci. C’est pourquoi l’utilisation du numérique se bonifie si elle est articulée avec des procédures d’évaluation dite « positive ». Par exemple en Basketball N1  les programmes attendent que les élèves « accèdent régulièrement à la zone de marque et tirent en position favorable… » (B.O. n°6 du 28 août 2008), pourquoi ne pas avoir comme « fil rouge » (UBALDI, Revue contre-pied n°7, 2000) le ratio entre le nombre de balles possédées et le nombre de tirs effectués. Les applications iPTB (IOS) ou aPTB (Android) permettent de réaliser ce type de relevés en temps réel. Les élèves rentrent alors dans une dynamique de projet plus interactive : ils ont l’occasion de devenir acteurs de leur pratique. Ce n’est plus les attentes du professeur qu’il faut réaliser mais sont projet qu’il faut accomplir !

 

Propos recueillis par Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

Ressources utilisées :

•          TT niveau 1 et TT niveau 2 : tableur Excel proposant 40 situations pour travailler les compétences de niveau 1 et 2 du programme collège.

•          ATP tournoi : Fiche Excel permettant la gestion de tournoi

•          TT observation : Fiche Excel pour réaliser des relevés statistiques lors d’une rencontre de Tennis de table

•          TTEPS : Application Android reprenant les fiches Excel TT Niveau 1&2

•          TTobs : Application Android reprenant la fiche Excel TT observation

•          ATP EPS : Application IOS reprenant la fiche Excel ATP tournoi

« Numérique éducatif : intégration du modèle SAMR en EPS »

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 16 avril 2015.

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