Le "choc Pisa" et l'art de la réforme 

De quoi parle-t-on quand on évoque le "choc Pisa" ? C'est la question que pose Administration & éducation, le bulletin de l'association française des acteurs de l'éducation (AFAE). Comme cette association compte dans ses membres un très fort pourcentage de hauts cadres de l'éducation nationale, on pourrait s'étonner de la question dans un pays où on parle tant de réforme. C'est que ce numéro d'Administration & Education montre que, si les résultats de Pisa sont utilisés ailleurs pour appuyer des politiques éducatives, ses enseignements réels sont bien peu pris en compte en France. Le choc Pisa ? Même pas mal...

 

Pisa un objet politique ?

 

Qu'il faille tirer des conséquences de Pisa, la revue de l'AFAE le montre clairement. A Schleicher, le directeur de l'éducation de l'OCDE trace les principaux enseignements de Pisa pour la France. Bernard Hugonnier, ancien expert de l'Ocde, fait le lien entre les résultats de Pisa et la façon d'enseigner les mathématiques en France. Plusieurs articles critiquent la méthodologie de Pisa et ses données, mais les apports sont clairement montrés. Mais ce sont deux autre axes qui font de ce numéro un objet remarquable.

 

Plusieurs articles interviennent sur l'impact politique de Pisa en France. Alain Michel et Nathalie Mons montrent les mécanismes de l'influence de Pisa," instrument  de soft power" de l'Ocde, qui aboutit à une certaine convergence des politiques d'éducation. Xavier Pons analyse avec finesse la façon dont Pisa est utilisé au Parlement à travers 226 comptes-rendus de séances depuis 1998.  Il établit que la gauche a su bien mieux que la droite utiliser Pisa pour faire passer ses idées éducatives. "Il y a un discours de droite et un discours de gauche sur Pisa", écrit-il, "qui ont permis de stabiliser deux principaux énoncés de politique publique". Mais c'est pour ajouter que " après analyse, ces énoncés s'avèrent très classiques, ce qui nous invite à ne pas surestimer en France ni l'effet catalyseur d'une enquête comme Pisa, ni sa capacité à être source d'un apprentissage politique".  Que c'est bien dit !

 

Ou un outil pour ajuster ses politiques ?

 

Cela nous conduit au dernier apport de la revue. Trois articles détaillent le choc Pisa là où il a vraiment eu lieu. A la différence de la France, où le choc Pisa relève du discours, plusieurs pays s'appuient sur l'outil d'évaluation de Pisa pour guider leur politique éducative. C'est le cas de l'Allemagne où Dennis Niemann estime que sans le choc Pisa les efforts de réforme de l'éducation "auraient été entravés par les positions politiques des länder comme c'était le cas avant Pisa.. L'Ocde a montré ce qui marche et ce qui n'a pas marché. Par conséquent il était difficilement envisageable d'opter pour des réformes ayant été identifiées comme inefficaces". Une vision pragmatique qui souligne le cas français. Au final de 2000 à 2012 le score de compréhension de l'écrit passe de 484 à 508, en science son passe de 487 à 524. L'article montre aussi que cela a eu des impacts sur le travail enseignant et que Pisa a aussi été un sujet de négociations avec les länders. Un autre cas très intéressant est celui de la Pologne. Ireneuscz Bialecki et Jerzy Wisniewski montrent comment le gouvernement polonais a utilisé chaque édition de Pisa pour le pilotage de sa réforme. Le gouvernement n'hésite pas à poser des questions supplémentaires dans Pisa pour ajuster l'outil à ses interrogations.  Pisa a surtout été utilisé pour vérifier l'impact d'une réforme lancée avant 2000 et ensuite pour l'ajuster. Les résultats sont là aussi présents : le niveau de maths est passé de 495 à 518 depuis 2006, celui de sciences de 498 à 526.

 

La France, l'oreiller mou des réformes ?

 

Alors le contraste est saisissant avec la France. Dans cette revue d'une association réunissant les cadres du système on chercherait en vain des exemples d'une utilisation expérimentale des résultats de Pisa. Une table ronde réunissant recteurs, inspecteurs et chefs d'établissement montre la faiblesse de l'impact. "L'enquête Pisa n'apporte finalement rien de spécifiquement original que nous ne sachions déjà" estime d'ailleurs un recteur. Et les cadres explicitent l'absence de choc Pisa par la culture scolaire française. Dans un autre article, un proviseur , Jean-Christophe Torres, analyse l'effet établissement détecté dans Pisa. Il fait le lien avec le mode actuel de direction des établissements. "Le véritable choc Pisa pour la France", dit-il, "n'est-il pas finalement là : dans le décalage d'une certaine organisation administrative ?"

 

François Jarraud

Administration & Education, n°1 2015.

 

 

Par fjarraud , le mercredi 06 mai 2015.

Commentaires

  • vedantydv123, le 30/05/2019 à 11:59
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  • Delafontorse, le 06/05/2015 à 22:19
    PISA... Un objet idéologique et un outil de propagande pour les gouvernants néolibéraux qui veulent s'appuyer sur une "mesure" de la décadence des systèmes publics d'éducation, décadence qu'ils provoquent délibérément à grands coups de "réformes", afin de favoriser le commerce de produits éducatifs. 
    La culture scolaire française, qui est une culture critique appuyée sur l'usage autonome de la raison et se revendiquant de la tradition et de l'esprit des Lumières, sait encore comment résister  à ce genre d'imposture. C'est tout à son honneur. 
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