Journée de grève contre la réforme du collège 

Une journée de grève peut-elle venir à bout de la réforme du collège ? Le 19 mai une intersyndicale réunissant le Snes, le Snalc, Sud, la Cgt et FO appelle à faire grève contre la réforme du collège lancée par N Valaud-Belkacem. Venant après des semaines d'invectives et une politisation forcenée de la réforme, le taux de participation dans le secondaire sera suivi de près par les acteurs de l'Ecole. Qu'en est il vraiment de la réforme du collège ?

 

Un bilan décisif

 

Réformer le collège semble nécessaire devant les mauvais résultats scolaires et la montée des inégalités. Les résultats de l'enquête CEDRE publiés le 18 mai montrent une chute de niveau en maths par le bas, c'est à dire une hausse du nombre d'élèves faibles et très faibles. Cela confirme les résultats de Pisa qui montre le creusement des inégalités entre une part croissante d 'élèves de plus en plus faibles et une élite en stagnation. Ces inégalités scolaires se recoupent avec les inégalités sociales et ethniques. Selon PISA le poids des inégalités sociales sur le destin scolaire des jeunes caractérise le système éducatif français. Le système est aussi injuste ethniquement les enfants issus de l'immigration ayant des résultats scolaires très inférieurs aux autochtones à milieu social égal. Les inégalités entre établissements n'ont cessé de se creuser. Elles alimentent une dynamique de fuite et d'évitement de certains collèges qui aggrave la situation.

 

Les bases posées par la loi d'orientation

 

"Les collèges doivent pouvoir disposer d’une marge de manœuvre dans la gestion de leur dotation afin que les équipes pédagogiques puissent concevoir des actions pédagogiques et des parcours scolaires favorisant la réussite de tous. Le travail en équipe et les projets de classe permettront une plus grande transversalité. Cette marge de manœuvre doit permettre, sur la base du volontariat, des expérimentations pédagogiques, des regroupements d’élèves, du travail transversal et pluridisciplinaire, des projets collectifs, etc." Les grands principes de la réforme du collège sont inscrits dans la loi d'orientation ce qui assure au projet une grande solidité. La loi annonce aussi la création de 4 000 postes promis par la ministre sur deux ans (2016 et 2017) pour appliquer la réforme. La réforme met en pratique les dispositions de la loi à travers plusieurs dispositifs.

 

Des enseignements interdisciplinaires

 

La réforme crée des "enseignement pratiques interdisciplinaires" (EPI). Avec eux c'est la pédagogie de projet qui arrive obligatoirement dans les collèges à partir de la 5ème pour tout le cycle 4 (5ème à 3ème). Deux heures par semaine, les élèves travailleront de grands thèmes d'étude qui relieront plusieurs disciplines. "Ces temps de travail sont des moments privilégiés pour mettre en oeuvre de nouvelles façons d’apprendre et de travailler pour les élèves. Ils développeront l'expression orale, l'esprit créatif et la participation", annonce le ministère. Pour la ministre, "on doit permettre aux élèves de sortir de l'abstraction, de mettre en pratique, de décloisonner  et faire des expériences pratiques. Le but ce sera aussi d'apprendre à travailler en groupe". Ils seront pris en charge par les enseignants de plusieurs disciplines selon les décisions de l'établissement. Le ministère se borne à fixer 8 grands thèmes : développement durable ; sciences et société ; corps, santé et sécurité ; information, communication, citoyenneté ; culture et création artistiques ; monde économique et professionnel ; langues et cultures de l’Antiquité ; langues et cultures régionales et étrangères. Deux thèmes devront être traités chaque année. Les EPI rappellent les TPE, une innovation qui a réussi à prendre racine au lycée parce que les professeurs se sont rendus compte de l'intérêt à travailler de façon croisée.

 

Ces EPI sont maintenant contestés par des syndicats qui estiment qu'ils se font au détriment des disciplines avec des thèmes peu porteurs pour les disciplines fondamentales et sans liberté de choix. Pire, les EPI mettraient en concurrence les disciplines. Au ministère on remarque que c'est le conseil pédagogique qui propose et le conseil d'administration qui décide le choix des EPI. "L'horaire disciplinaire n'est pas réduit mais dans chaque discipline une partie du temps est utilisé pour apprendre autrement", dit-on au ministère.

 

Un accompagnement personnalisé

 

La réforme met en place un temps d'accompagnement personnalisé obligatoire pour tous les élèves. En 6ème il représentera 3 heures hebdomadaires. Dans le cycle 4, une heure seulement. En 6ème, l'accompagnement portera sur les fondamentaux du métier de collégien : apprendre une leçon, faire une recherche documentaire, prendre des notes, dit le ministère . Au cycle 4 on passerait à " la construction de l'autonomie". La réforme s'inspire de celle du lycée et propose de brasser les élèves dans des groupes variables et inter classes, renouvelés sans cesse toute l'année. Cette pratique n'a pourtant pas eu que des effets positifs au lycée. Là aussi cet accompagnement est contesté par certains syndicats opposés à toute évolution éducative du métier d'enseignant. Ils défendent une vision disciplinaire.

 

Des travaux en petits groupes pour quelques disciplines

 

La réforme crée aussi des travaux en petits groupes. "Les petits groupes permettront aux enseignants d’interagir davantage avec les élèves et d’apporter des réponses à leurs besoins. Dans ces petits groupes, les élèves seront davantage sollicités, questionnés, mis en activité", dit le ministère. Les disciplines qui bénéficieront de ces dédoublements seront choisies par le Conseil pédagogique.

 

Au total, 4 à 5 heures par semaine seront définies par l'établissement c'est à dire 20% de l'horaire total, au lieu de 7% aujourd'hui. "C'est un acte de confiance dans les équipes enseignants", souligne N Vallaud-Belkacem. Mais ce point là est aussi vivement critiqué. Pour les syndicats qui manifestent le 19 mai, cette marge de manoeuvre va créer des inégalités entre les établissements et creuser les inégalités entre les élèves.

 

La fin des sections européennes

 

La réforme va supprimer les sections européennes et les classes bilangues. Ces deux dispositifs sont vis comme élitistes par le ministère. A la place, les élèves commenceront tous la seconde langue (LV2) en 5ème. Les élèves ayant suivi un autre enseignement que l'anglais à l'école, pourront prendre l'allemand dès la 6ème et avoir deux langues. Le ministère a aussi relevé sensiblement les horaires de LV2. Les langues anciennes, écartées au départ par le projet, sont revenues à travers un EPI et aussi grâce à une option réinstallée dans la réforme. Mais ces deux points sont aujourd'hui les plus sensibles. Les professeurs d 'allemand estiment que la disparition des classes bilangues fait peser un risque sur l'allemand au collège.  Ils ont obtenu de soutiens politiques et aussi diplomatiques importants. Les professeurs de lettres classiques craignent la disparition du latin et du grec qui ne seraient plus enseignés comme une langue. La création de l'option ne les a pas rassurés et ils ont obtenu le soutien d'intellectuels renommés. Enfin ces dispositifs permettaient de maintenir une certaine mixité sociale dans des collèges prioritaires. Leur disparition fait naitre la crainte d'une aggravation de la discrimination sociale.

 

Plan numérique et vie collégienne

 

La réforme veut aussi "moderniser" le collège. D'abord en donnant davantage de place aux initiatives des élèves. Des conseils pour la vie collégienne seront créés dans les établissements à l'image du lycée. Chaque collège devra développer un média d'établissement. La pause méridienne sera portée obligatoirement à un minimum de 90 minutes.

 

Enfin le ministère a lancé un vaste plan numérique. Un milliard d'euros est débloqué par l'Etat pour équiper, avec les collectivités locales, d'ici 2018, tous les collégiens d'une tablette et de manuels numériques à partir de la 5ème. L'algorithmique est aussi inscrite dans les programmes.

 

Un débat politique sur les programmes

 

Les nouveaux programmes présentés par le Conseil supérieur des programmes sont mis en consultation depuis le 11 mai. Ils font l'objet de violentes attaques politiques menée spar l'opposition de droite et d'extrême droite. C'ets l'angle privilégiée d'un débat politique de très bas niveau mais d'une grande violence. Pour la droite c'est l'occasion de demander un nouveau programme d'histoire qui se limiterait à enseigner le roman national. Les attaques ont pris une coloration xénophobe et islamophobe forcenée. Le risque d'un retour en arrière en histoire est réel et la ministre a accepté la création d'une commission d'historiens chargés de retoquer des programmes pourtant peu révolutionnaires.

 

Quel calendrier ?

 

Les nouveaux programmes sont mis en consultation depuis le 11 mai. Dans l'année 2015-2016, le ministère nous assure que des formations seront conduites dans chaque collège pour que les enseignants apprennent à définir les EPI et à collaborer. La réforme sera mise en oeuvre à partir de la rentrée 2016.

 

François Jarraud

 

Réforme du collège : Le dossier

Les nouveaux programmes : Dossier

Le plan numérique : Dossier

Loi d'orientation

 

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 19 mai 2015.

Commentaires

  • raleur46, le 19/05/2015 à 17:57
    "Les EPI rappellent les TPE, une innovation qui a réussi à prendre racine au lycée parce que les professeurs se sont rendus compte de l'intérêt à travailler de façon croisée." !! c'est une blague là ? Il faudrait que les doux rêveurs aillent voir sur le terrain: au début les TPE étaient qq chose de franchement bien car sur deux ans. Puis c'est passé à un an et finalement un semestre ! Ce truc est maintenu pour créer artificiellement des 15/20 pour le bac ! Les élèves s'y amusent en faisant des machins dérisoires et/ou copient/collent sur internet. Mais obligation est faite d'avoir de bonnes moyennes, exactement comme pour les ECE (épreuves expérimentales en TS) et les nouvelles options de seconde (mps) qui sont des coquilles vides. L'ancienne option MPI était extrêmement formatrice car elle permettait de faire de la sciences appliquée avec un formidable support théorique (de vraie maths , pas ce qu'on fait maintenant ...); on pouvait y faire de beaux projets avec les élèves car ils maîtrisaient toute la chaine: la théorie et la pratique. Ils comprenaient ce qu'ils faisaient. Maintenant ils jouent...

    Bien sur les belles âmes trouveront merveilleux que les apprenants "travaillent ensemble en interdisciplinarité".

    Quant à l'enseignement des sciences au lycée il est mort: les programmes de S sont ceux des filières A/B des années 80 en maths et physique !

    Personne ne veut parler de l'impact des réformes précédentes (loi Jospin) dans la casse de l'ascenseur social dont il est souvent sujet, ici: l'école ne donne plus aux enfants défavorisés un enseignement de qualité qui leur permette de s''élever et de palier  ce que les familles ne peuvent pas toujours leur offrir. Ce phénomène s'est accentué depuis les années 2000 (encore une réforme). Les enfants favorisés s'en sortent donc plus facilement (cours particuliers, famille qui aide   ...). Ce sont ces réformes les responsables de tout ce que vous dénoncez.

    On leur à coupé les jambes, alors ils ne peuvent plus courir 100m ? Faisons leur courir 10m, ce sera la réussite pour tous !

    c'est innovant !!!!
  • raleur46, le 19/05/2015 à 17:52
    "Les EPI rappellent les TPE, une innovation qui a réussi à prendre racine au lycée parce que les professeurs se sont rendus compte de l'intérêt à travailler de façon croisée." !! c'est une blague là ? Il faudrait que les doux rêveurs aillent voir sur le terrain: au début les TPE étaient qq chose de franchement bien car sur deux ans. Puis c'est passé à un an et finalement un semestre ! Ce truc est maintenu pour créer artificiellement des 15/20 pour le bac ! Les élèves s'y amusent en faisant des machins dérisoires et/ou copient/collent sur internet. Mais obligation est faite d'avoir de bonnes moyennes, exactement comme pour les ECE (épreuves expérimentales en TS) et les nouvelles options de seconde (mps) qui sont des coquilles vides. L'ancienne option MPI était extrêmement formatrice car elle permettait de faire de la sciences appliquée avec un formidable support théorique (de vraie maths , pas ce qu'on fait maintenant ...); on pouvait y faire de beaux projets avec les élèves car ils maîtrisaient toute la chaine: la théorie et la pratique. Ils comprenaient ce qu'ils faisaient. Maintenant ils jouent...

    Bien sur les belles âmes trouveront merveilleux que les apprenants "travaillent ensemble en interdisciplinarité".

    Quant à l'enseignement des sciences au lycée il est mort: les programmes de S sont ceux des filières A/B des années 80 en maths et physique !

    Personne ne veut parler de l'impact des réformes précédentes (loi Jospin) dans la casse de l'ascenseur social dont il est souvent sujet, ici: l'école ne donne plus aux enfants défavorisés un enseignement de qualité qui leur permette de s''élever et de palier  ce que les familles ne peuvent pas toujours leur offrir. Ce phénomène s'est accentué depuis les années 2000 (encore une réforme). Les enfants favorisés s'en sortent donc plus facilement (cours particuliers, famille qui aide   ...). Ce sont ces réformes les responsables de tout ce que vous dénoncez.

    On leur à coupé les jambes, alors ils ne peuvent plus courir 100m ? Faisons leur courir 10m, ce sera la réussite pour tous !

    c'est innovant !!!!
  • kiddy, le 19/05/2015 à 12:44
    il faudra qu'on m'explique comment faire avec 3 heures (2.75h en 2016) pour:
    - gérer les AP (à priori en petit groupes)
    - faire des groupes de sciences (svt, techno, sciences-physiques)
    - faire des epi
    - faire des groupes de soutient pour es élèves en difficultés

    qui aura le dernier mot au conseil pédagogique?

    suppression du latin/grec/dp3 que deviennent les collègues qui enseignent ses options?

    si l'état cherche vraiment à rendre les élèves meilleurs et à aider les professeurs dans leurs conditions de travail il faut donner 5/6h d'autonomie par classe.
  • Gascogne, le 19/05/2015 à 11:29

    Bizarrement, on ne parle jamais de l'enseignement des sciences et des mathématiques.

    La réforme diminue de façon très importante dans ces disciplines, notamment les sciences expérimentales, le poids des horaires disciplinaires alors qu'il n'est pas évident de faire vivre une interdisciplinarité avec ces matières réunies dans les EPI : en effet, si des ouvertures interdisciplinaires sont indispensables, il faut aussi un temps minimum de face à face pédagogique avec les élèves pour asseoir les connaissances qui sont toujours contraignantes et nécessitent rigueur et travail en sciences !

    Il est malheureusement inévitable que l'on se dirige vers du "saupoudrage" en sciences, d'autant plus que les dédoublements pour les activité pratiques expérimentales seront laissés à la discrétion du chef d'établissement : autant dire que ces matières seront marginalisées.

    Quant à l'enseignement des mathématiques, son poids horaire, ne cesse de reculer tout au long de la scolarité d'un collégien.

    Ne nous étonnons pas des résultats si mauvais dans ces matières !

    Mais le "buzz" est toujours du même côté : langues et histoire !

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces