L'Ecole est-elle capable de réforme ? 

La décision de faire passer le 20 mai en force les textes de la réforme du collège contre laquelle manifestait une part importante des enseignants des collèges est lourde de sens. Elle interroge l'avenir même de la réforme.

 

"Si changer l'École, au vu de ses résultats, est un impératif, si on sait à peu près ce qu'il faut faire, la question du "comment" reste posée. Au vu des résultats des tentatives qui se sont succédé en France (loi de 2005, loi de 2013, tentative de socle commun etc.) l’Éducation nationale reste étanche non au changement mais aux injonctions de changer. Cette situation interroge sa capacité à accompagner le changement". Ce paragraphe ouvre un dossier que le Café pédagogique consacre à "comment changer l’École". Une question qui revient dans l'actualité.

 

La décision prise par le gouvernement de publier tout de suite les textes de la réforme a évidemment un fort impact politique. Elle est l'aboutissement de la politisation de la réforme que nous avons vu se faire et à laquelle tout le monde a mis la main. Les syndicats en s'envoyant des  "progressistes" et "réactionnaires" à la figure; la ministre en reprenant ce vocabulaire, l'opposition en développant des fantasmes politiciens sur les programmes. Voilà pour ce qu'on a vu. Mais on sait bien qu'il y a aussi chez les uns et les autres des stratégies politiques et que 2017 plane sur l'épisode de mai 2015.

 

Mais regardons ce que ça signifie pour l’École. Vincent Dupriez nous dit que "les autorités éducatives sont condamnées à rendre toute réforme pédagogique souhaitable aux yeux de la majorité des acteurs concernés". Dans ce cas il est clair que la décision de passer la réforme en force plombe ces perspectives. À vrai dire toute la stratégie développée pour réformer l'enseignement en commençant par faire des lois et des décrets pour ensuite faire porter la bonne parole par un encadrement rarement perçu comme compétent sur le terrain pédagogique, mériterait d'être repensée.

 

Portant la situation peut aussi être fertile. Elle fait entrer la réforme dans une perspective à court terme. En d'autres termes, elle ouvre le chantier. Si la ministre veut que ce chantier avance elle a encore la possibilité d'y faire travailler les enseignants en sachant, comme C. Lessard nous le dit, que l'appropriation vaut transformation.

 

S'en tenir à la publication des textes c'est faire un choix que l'éducation nationale connait bien : faire des réformes formelles dans un but politicien. Faire le choix de l'appropriation c'est reconnaitre les compétences des enseignants et accepter de les prendre en compte. Ce n'est pas la même chose que les demandes syndicales. Ça exige plus de travail et est moins rentable politiquement. Mais c'est de ça dont l’École a besoin.

 

François Jarraud

 

Dossier Changer l'Ecole

Réforme et gouvernance

 

Par fjarraud , le mercredi 20 mai 2015.

Commentaires

  • Rodolphe DUMOUCH, le 06/06/2015 à 22:27
    La "résistance au changement" est une expression typiquement néolibérale, on a même donné des cours de "management du changement" aux connards de cadres de chez France Télécom, chargés de harceler quiconque avait un peu de valeur professionnelle.

    D'ailleurs, cet article a immédiatement été retwitté par Eric Charbonnier, le technocrate ultralibéral de l'OCDE, obsédé par ses velléités de "raifaurmeheu" du statut et qui manifestement est très très copain avec les pédagols.

    Tout cela suffit à signer la vraie nature de ce projet.
    Je suis aussi pour un changement de l'école... Mais avec vous, c'est simple, il suffit de faire exactement le contraire de ce que vous soutenez.

  • Polovergnat, le 20/05/2015 à 11:32

    Un seul mot : BRAVO au décret !
    et quelques explications...

    La fin de la foire ayant été décrétée, nous allons maintenant pouvoir compter les bouses, les bouses de droite, les bouses de gauche, les bouses à la Bayrou, les bouses syndicales, les bouses corporatistes, en même temps que les maquignons de l'élitisme scolaire institutionnel, appuyé sur une sélection sociale et héréditaire au guichet d'entrée vont, les uns après les autres, venir nous rechanter la messe éducative en latin et grec, voire même en allemand. Et crier haro sur le Belkacem.

    Certes je ne suis pas une Lumière, mais pour ceux qui pourraient suspecter chez moi une inconsistance en approche des Humanités, bien que né tout près de la bouse angevine, la vraie, mon soutien enthousiaste à la réforme m'est dicté par mes 6 ans de Latin, qui malgré les 500 km qui m'en séparaient, m'ont donné de rencontrer Vercingétorix, César et l'oppidum de Gergovia bien avant de devenir Auvergnat.

    Petit détail supplémentaire pour les jeunes générations, ce parcours initiatique à la culture n'était alors proposé qu'à environ 3% des collégiens du milieu rural dont je suis issu (je ne parle pas du latin de la messe dominicale, évidemment, proposé lui à 100%, collégiens ou pas de ce terreau particulièrement marqué), puisqu'environ 1% seulement accédait au collège, et parmi ceux-ci 3% aux langues dites mortes. Les spécialistes affineront ces chiffres.

    Dites-moi donc à qui cela est-il réservé et proposé aujourd'hui, 50 ans plus tard ? Et sortez-moi un camembert par catégories socio-professionnelles, SVP ? J'ai bien peur que Todd, amoureux des cartes et des camemberts, puisse les superposer à ceux de la représentation nationale...

    Bien qu'ayant fait partie de ceux qui avaient sans le faire exprès tiré un ticket gagnant, j'ai personnellement vécu cette ségrégation comme une injustice sociale pour les 97% restants et c'est dans l'injustice de cette approche ségrégative que je puise mon soutien inconditionnel à ce rééquilibrage et à la volonté d'élargissement de la base, en dépit des cris d'orfraie et de vieilles chouettes finissantes qui ululent même en plein jour.

    Plutôt que de réserver 6 ans de latin ou grec à 5% des élèves, je préfère de loin que l'on permette à 70 ou 80% d'entre eux d'approcher pendant 2 ou 3 ans ces racines linguistiques qui vont leur permettre de voir la vie avec une autre paire de lunettes. Et ne vous inquiétez pas pour ceux qui prendront le virus et auront envie d'approfondir : ils trouveront bien les moyens de le faire. Les enfants qu'on éveille sont capables, le temps venu, de faire des choix, et notre devoir d'adultes, parents, enseignants et politiques, est de les éclairer en leur donnant les moyens d'ouvrir leurs choix : si vous en avez, regardez les vôtres, si vous en doutez.

    Le latin n'est qu'un exemple qui pour moi illustre bien tout le sens de l'ensemble de cette réforme, mais il y a école et Ecole et il faut savoir laquelle on veut. 
    Il est du rôle et du devoir de la ministre de l'Education de dépasser la somme des intérêts individuels pour nous entraîner dans un projet porté par l'intérêt général des générations futures.

    Ceci ne veut pas pour autant dire que tous les corporatismes et les conservatismes à vue courte ne vont pas la faire échouer, mais je continuerai toujours à préférer ceux qui comme elle, défendent avec panache les fondamentaux de l'accès à la culture et au savoir. Et décident en conséquence.

    Gouverner, c'est choisir. 
    A la différence de certains autres partis de gauche,la ministre, comme son prédécesseur Vincent Peillon et à la différence de Benoît Hamon le fugitif, sait le faire et ose prendre des risques sur l'avenir. Ce choix courageux me va donc très bien. 
    Je trouve même qu'il a de la gueule et espère que les enseignants vont s'en emparer pour lui apporter le succès qu'il mérite.

    Alors, à vous les studios, à vous Cognacq-Jay...

    Note de bas de page : ancien parent d'élèves FCPE, père de 5 enfants... de 41, 38, 35, 30 et 30 ans.

      
    • kiddy, le 20/05/2015 à 14:16
      quelle est le lien entre l'article et l'enseignement du latin?

      "Il est du rôle et du devoir de la ministre de l'Education de dépasser la somme des intérêts individuels pour nous entraîner dans un projet porté par l'intérêt général des générations futures"

      des professeurs vont rester sur le carreau, dans le privé on appelle cela un plan social

      "Gouverner, c'est choisir."

      Cette phrase est valable pour les décisions de Kim Jong Un en Corée du nord. Gouverner dans un pays démocratique c'est aussi écouter, quand il y a entre 25% et 50% de grévistes, on est en droit de se poser des questions si c'est vraiment LA bonne réforme. Après ma définition de démocratie semble très éloignée de la votre.

      je suis globalement contre cette réforme même si je trouve qu'il y a de bonnes idées, son traitement médiatique me fait hurler (autant dans les antis que les pros réforme)

      effectivement son application sera difficile, qui va pouvoir former les 300000 professeurs eux epi? qui sera légitime pour faire cela?
Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces