Mixité sociale : Le colloque du Cnesco au pied du mur des possibles 

Qu'est ce qui marche en matière de mixité sociale ? La première journée du colloque organisé par le Cnesco, le Conseil supérieur de l'éducation du Québec et le CIEP  met d'amblée les participants dans le monde réel. Nathalie Mons l'ouvre sur un happening : la visite surprise des mères de  Montpellier qui se battent pour que leurs enfants soient scolarisés dans des établissements mixtes socialement et ethniquement. Ce sont elles qui donnent la tonalité d'un colloque international qui veut déboucher sur l'action, même si les  chercheurs montrent la complexité des politiques et souvent la maigreur des résultats.

 

Les mères de Montpellier au Cnesco

 

 "Nous voulons que nos enfants aient leur place dans la république". Safia Habsaoui et Fatiha Ait Alla, des mères du quartier du petit Bard, savent ce que l'absence de mixité sociale et ethnique veut dire.  Elles le voient quand elles comparent les devoirs donnés dansles deux collèges du quartier entre celui "des Marocains" et le collège des classes moyennes. Mobilisées depuis deux mois pour s'opposer à un changement  de la carte scolaire qui les enferme dans le quartier, elles revendiquent un véritable droit à la mixité. "Le sentiment d'appartenance à la république ne peut se construire dans un ghetto", explique Fatiha Ait Alla.

 

 On ne pouvait trouver meilleure introduction au colloque du Cnesco. Nathalie Mons, présidente du Cnesco veut un colloque qui débouche sur un agenda, des propositions et la mise en place d'un réseau de décideurs. Autrement dit elle semble déterminée à secouer le ronron de l'institution scolaire et des collectivités locales. Claude Lessard, président du Conseil supérieur de l'éducation du Québec, appelle à une "prise de conscience" et veut combattre la résignation ambiante.



 

 

Françoise Cartron : Pour une nouvelle sectorisation

 

 Cette volonté, Françoise Cartron, vice présidente du Sénat et membre du Cnesco, la porte. Elle rappelle comment l'assouplissement de la carte scolaire mis en place par N Sarkozy a augmenté la ghettoisation. "Les jeunes ne sont pas dupes", explique-t-elle. "Il faut que la République soit porteuse d'une vraie fraternité". Elle avance des propositions. Faire des collèges prioritaires de s établissements "zero défaut" par exemple assurant le remplacement des enseignants. Dessiner de nouveaux secteurs pour les collèges avec 3 établissements par secteur , l'autorité académique assurant de la mixité dans les affectations. Le décret sur ce dispositif est paru mais il suppose la volonté des conseils départementaux...

 

Felouzis : la ségrégation est systémique dans l'Education nationale

 

 Georges Felouzis porte un discours qui rompt avec une sociologie traditionnelle qui renvoie la ségrégation aux choix des familles. "Dans les processus de ségrégation, il n'y a pas que la causalité liée aux stratégies des parents. IL y a aussi la qualité de l'éducation offerte". Il développe sa thèse d'une ségrégation systémique, nourrie par lesystème scolaire y compris dans la composition des classes. Pour lui la politique d'éducation prioritaire est peu efficace voire renforce la ségrégation."Il faut une politique de déségrégation", explique -t-il.


 

La question des  statistiques ethniques

 

La première table ronde va réussir à rester dans le débat actif à partir  d'une question pourtant bien technique celle de la mesure de la mixité sociale aux Etats-Unis, Suède et Angleterre. Gabriel Rompré et Anne West montrent comment est apparue la question de la déségrégation ethnique en Angleterre et aux Etats-Unis. Pour la permettre, dans ces deux pays ont été mises en place des statistiques ethniques. La question fait frémir en France. Mais dans ces deux pays, ces statistiques sont nées du mouvement de déségrégation. Aux Etats  Unis le mouvement est maintenant en train de s'inverser. Mais seules ces statistiques semblent en situation de rendre visible la question ethnique.

 

Peut-on apprendre des politiques des autres ?

 

La deuxième table ronde reste bien sur le terrain avec des interventions sur les politiques de déségrégation menées au service de la mixité à l'école. Anne West montre comment des procédures d'affectation ont vu le jour dans les années 1980 et comment elles se sont délitées devant des assouplissements et finalement la privatisation de la majorité des écoles avec les "academies". Ces dernières sont majoritaires, autonomes et choisissent leur stratégie d'admission.

 

 Le cas belge est encore plus compliqué mais Christian Maroy réussit à le rendre passionnant. Dans un pays où le système éducatif est éclaté entre des réseaux scolaires indépendants les uns des autres et où il y a une tradition de liberté scolaire, le pays a eu la volonté de réguler les admissions scolaires pour lutter contre la ségrégation. Cela s'est fait à travers 3 décrets au début de ce siècle et une valse de ministres. Aujourd'hui la régulation est particulièrement complexe. Le bilan est plus simple : peu de choses ont changé. Il n'y a pas eu d'effets sur la croissance des demandes de certains établissements, pas d'effet sur le taux de redoublement ou de réussite. "Les problèmes d'affectation ne peuvent ps être résolus par décret" conclue C Maroy. Il montre l'importance de conceptions des parents. D'une part le débat politique incessant nuit à la mixité. D'autre part les décrets ont peu d'impact sur les logiques des familles et leurs croyances. Pour les Etats-Unis, Richard D Kahlenberg montre que le débat sur la mixité se déplace de la déségrégation raciale vers la lutte contre les inégalités sociales. Au final les politiques de mixité sociale dans les quartiers semblent plus efficaces que les politique d'éducation prioritaire.

 

C'est encore la mixité technique qui est l'objet de l'exposé de Nihad Bunar sur le cas suédois, celui du pays qui compte le plus fort taux d'élèves immigrés (un sur cinq). La Suède finance une politique très en pointe d'intégration, avec des cours de suédois mais aussi des disciplines enseignées dans la langue maternelle des élèves. Au final, cette politique a eu peu d'efficacité. Là aussi il faut penser à déségréguer les banlieues.

 

Alors comment passer à des propositions concrètres ? C'est l'objectif de la seconde journée du colloque.

 

François Jarraud

 

Pour une école de la fraternité : le DOSSIER

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 05 juin 2015.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces