La chronique de V. Soulé : Une journée pour intéresser les élèves à la science et à la techno 

Ils se ruent vers la filière S. Pourtant ils n’aiment pas spécialement les maths et la physique. Certains vont d’ailleurs faire Sciences Po ou Psycho. Comment faire aimer les sciences aux élèves ? Les étudiants des Mines de Nantes ont organisé, le 4 juin, un «Défi techno» pour plus de 200 écoliers dans l’esprit de «La main à la pâte» – faire d’abord chercher les élèves eux-mêmes, puis expliquer ensuite. Reportage.

 

Dans le vaste hall tout en baies vitrées de l’école des Mines, chauffé par le soleil sous l’immense verrière, l’effervescence est à son comble. Les 242 élèves de CE2, CM1 et CM2, venus de deux écoles de Nantes, mettent la dernière main aux petits bolides qu’ils ont fabriqués le matin, avec le matériel à leur disposition  – du polystyrène, des roues en bois, des pneus, des tasseaux, des bouteilles d’eau… Dans quelques minutes, ils participeront à la course sur la piste aménagée au beau milieu du hall.

 

L’heure de vérité

 

C’est maintenant l’heure de vérité. L’équipe numéro 1 est appelée au micro. Pour concourir, elle a choisi, parmi les voitures fabriquées par ses membres, celle qui lui paraît la plus performante. Un élève la place sur la ligne de départ, en haut d’une pente. Très vite aussi, la voiture, déséquilibrée, vire sur la droite et termine sa course hors du circuit.

 

«Dix mètres !», clame Lotfi Lakehal- Ayat, qui marque d’un trait de crayon au sol la longueur atteinte. Il coordonne, aux Mines de Nantes, les actions de «La main à la pâte». L’association, qui fête ses 20 ans, avait été fondée par Georges Charpak pour encourager la démarche d’investigation et rendre l’enseignement des sciences plus vivant et plus attractif.

 

Les équipes se suivent. Certaines ont scotché des petites bouteilles d’eau sur la voiture, espérant qu’avec la charge, elle serait propulsée plus loin. L’une atteint les 20 mètres. L’équipe s’auto-congratule. L’étudiant des Mines qui l’a coachée fait le V de la victoire. Les enseignants, venus avec leurs classes, applaudissent toutes les équipes.

 

«Qu’avez-vous appris ?»

 

Avant le goûter offert par les Mines, les élèves rejoignent l’amphi du premier étage. Il est l’heure de faire le point sur ce qui a été compris grâce à cette expérience. Lotfi Lakehal-Ayat pose des questions – «pourquoi la voiture est-elle sortie du circuit ?», «quelqu’un a parlé de frottement : pourquoi ? »… Il passe le micro aux mains qui se lèvent. Les étudiants, en tee-shirts  blancs, écrivent au tableau les mots importants qu’ils entendent : «les axes», «parallèles»… 

 

«Quand on comprend quelque chose en le manipulant, on le retient mieux. Lorsque c’est un enseignement traditionnel, on comprend, mais ça risque de passer ensuite» : Lotfi Lakehal-Ayat est un chaude partisan de la démarche de «La main à la pâte». «En plus, poursuit-il, les enfants apprennent à travailler en équipe, et quand ils doivent exposer leurs travaux, ils doivent expliquer.»

 

La technologie, une boîte noire 

 

Les Mines de Nantes collaborent depuis 1996 avec «La Main à la Pâte». Une vieille histoire. «Le goût des sciences mérite d’être développé, explique Annie Beauval, la directrice de l’école, la technologie devient de plus en plus une  boîte noire et ce n’est pas facile d’enseigner pour un prof aujourd’hui. Mais il faut garder l’envie des élèves et montrer que ce n’est pas si compliqué.»

 

Au-delà de ce «Défi techno», toujours dans le cadre de «La main à la pâte», les Mines de Nantes proposent un programme sur trois ans aux deux écoles partenaires. La première année, des étudiants vont animer des séances hebdomadaires autour d’un projet concret – le robot par exemple -  durant 14 semaines, et les profs ont droit à 2 jours de formation. La deuxième année, les étudiants viennent sur 7 semaines avec à la fin le fameux «Défi techno». La troisième année, ce sont les profs qui sont encouragés à en monter un eux-mêmes avec d’autres écoles. 

 

Enrichissant pour les étudiants

 

Aux Mines, les étudiants de première année ont une UV obligatoire «Projet d’engagement sociétal», où ils peuvent aussi choisir de monter une junior entreprise, organiser un événement sportif…Ceux qui s’engagent avec «La main à la pâte» «se rendent compte de la difficulté de transmettre un concept simple et doivent chercher comment faire, ce qui est très enrichissant pour eux», souligne Lotfi Lakehal-Ayat. «Quant à nous, enseignants-chercheurs, ajoute-t-il, cela nous rappelle combien la pédagogie est importante, ce que l’on oublie trop souvent.» 

 

Un logo «Objectif Sciences» sur la poitrine, Clément et Estelle, 20 ans chacun, coachaient respectivement les équipes 9 et 3. Jusqu’au bout, ils ont cru aux chances de leurs protégés. Mais les 20 mètres sont restés inatteignables... Durant l’année, tous deux vont enseigner les sciences, chaque jeudi, à des enfants hospitalisés. Dans l’esprit de «La main à la pâte», ils ont fait des expériences sur le vent, l’eau, les couleurs…

 

La poussée d’Archimède

 

«Ca n’est pas facile d’expliquer la poussée d’Archimède à des élèves d’âges différents», explique Clément, qui s’étonne lui-même d’en être arrivé «à oublier d’être en face d’enfants malades.» «Moi aussi, ça m’a fait chaud au coeur de découvrir que ces enfants le vivaient bien alors qu’avant, en pensant à eux, j’avais de la peine», complète Estelle.

 

Plus tard, ils ne feront pas pour autant dans le social : Estelle s’imagine ingénieure dans l’énergie, Clément dans la domotique. Mais tous deux ont trouvé là ce qu’ils cherchaient : une belle ouverture  humaine.

 

Véronique Soulé

 

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Par fjarraud , le lundi 15 juin 2015.

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