La lecture analytique en langues anciennes : Un beau défi pédagogique 

La lecture analytique d’un texte littéraire est une activité fréquente en français : peut-elle devenir aussi une pratique en LCA ? peut-on amener les élèves à étudier en profondeur un texte dont ils comprennent difficilement la langue ? C’est le pari réussi d’Elise Dardill, professeure au collège Elsa Triolet à Le Mée-sur-Seine, et de Christine Darnault, professeure au lycée Guillaume Budé à Limeil-Brévannes. Elles éclairent ici les modalités et les enjeux d’un travail qui conduit les élèves au bonheur d’accéder, authentiquement, progressivement, collectivement, à l’intelligence d’un texte en latin, donc d’une langue et d’une culture. Ces propositions, présentées dans un récent séminaire national, démontrent combien les Langues et Cultures de l’Antiquité (LCA) constituent elles aussi un beau territoire d’invention pédagogique.

 

Pourriez-vous expliquer dans quel contexte l’activité de lecture analytique que vous présentez se situe et quelle place elle prend dans votre progression annuelle ?

 

Elise Dardill : J’enseigne dans un collège classé en REP, au Mée-sur-Seine, dans le département de la Seine et Marne. J’ai des groupes de 25 élèves, de la 5ème à la 3ème. Dès les premiers cours de 5ème nous travaillons les compétences qui permettront de pratiquer la lecture analytique (compréhension globale mais aussi confiance en soi, écoute mutuelle, débats interprétatifs entre les élèves, etc.).

 

Christine Darnault : J’enseigne dans un lycée qui accueille une population scolaire mixte, à Limeil-Brévannes, dans le Val de Marne. Les effectifs varient d’une année à l’autre, entre une dizaine et une vingtaine d’élèves par groupe. Nous pratiquons la lecture analytique de la seconde à la terminale, en latin comme en grec où j’accueille essentiellement des élèves débutants.

 

ED-CD : Cette pratique, aussi enthousiasmante et riche qu’elle puisse être, n’est pas notre unique voie d’accès au texte authentique : le maître mot nous semble rester la diversité. Cependant, la lecture analytique, qui permet à tous les élèves de comprendre un texte, de le goûter et de pouvoir en proposer une lecture qui fasse jaillir sens et émotion, est le point de convergence de tout le reste : elle est au cœur de nos enseignements.

 

 

Pratiquer la lecture analytique en langues anciennes : voilà qui ne manque pas d’interroger. Quels sont selon vous les points communs et les différences entre ce que l’on appelle lecture analytique en langues anciennes et lecture analytique en français ?

 

ED-CD : Les textes officiels (1) au collège comme au lycée définissent la lecture analytique en français comme la construction par la classe, collectivement, du sens d’un texte, à partir des intuitions des élèves, de leurs réactions spontanées, de leurs propositions et de leurs interprétations, travail orchestré par le professeur. Cette définition s’applique parfaitement au travail que l’on peut mener sur un texte en langues anciennes.

 

Dans le cadre d’une séquence problématisée, il s’agit de poser à la classe une question (qui apportera une réponse partielle à la question plus générale posée par la problématique de la séquence) à laquelle on répondra par la lecture du texte. Comme en français, la scénarisation de la séquence et de la séance est essentielle pour que jaillissent ensuite les hypothèses des élèves.

 

Un texte authentique inconnu d’eux leur est donné sans notes ni vocabulaire mais avec une question à laquelle il s’agit de répondre : les élèves sont en état de recherche, de quête : « Cet auteur est-il pour ou contre les combats de gladiateurs ? », « Devinez le thème de notre prochaine séquence », « Qui est le personnage décrit ici ? », « Que pensez-vous qu’il arriva ? » etc.

 

Comme en français, le texte est d’abord lu par le professeur de manière expressive. Cette lecture et la question posée au préalable font naître des hypothèses de lecture et suscitent des débats interprétatifs entre les élèves : ce sont ces débats sur le texte, et à partir d’éléments du texte, qui sont le cœur de la lecture analytique. Le professeur guide ce travail de manière à ce que les élèves comprennent le texte suffisamment pour trouver la réponse à la question posée. Le texte est donc abordé globalement et non de manière linéaire. Les élèves cherchent des indices dans tout le texte qui est balayé en permanence dans son ensemble.

 

L’objectif de la séance n’est ni de traduire, ni nécessairement de tout comprendre du texte mais de pouvoir répondre à la question de manière argumentée en s’appuyant sur le texte pour justifier et étayer ses réponses. La démarche est donc très proche de celle du cours de français.

 

 

Pourriez-vous nous donner des exemples de mise en œuvre de cette pratique dans vos classes ?

 

CD : La lecture analytique peut trouver sa place à différents moments de la séquence : elle peut être un excellent moyen de la débuter par exemple, en attisant la curiosité des élèves. On distribue un texte « mystère » sans aucun appareillage et on demande à la classe de deviner à partir de ce texte le titre et le thème de la séquence à venir : face à l’argumentum de l’Aulularia de Plaute, par exemple, la classe a d’emblée repéré de nombreux noms de personnages et s’est demandé de qui il était question : pour chacun d’eux, les élèves ont tenté de comprendre qui il était, quels étaient ses liens avec les autres, ce que l’on savait de lui : les débats ont été animés pour savoir si Lyconides était une fille ou un garçon ! A force de tâtonnements, hypothèses, débats, des élèves de première reconnaissent en une heure de cours de quelle pièce il va être question, établissent les liens principaux entre les personnages, comprennent que l’on va parler de théâtre et de réécriture. Et ce sans que le texte ait été traduit : en revanche, leurs débats sont essentiellement fondés sur des indices grammaticaux : un accord au singulier ou au pluriel, au masculin ou au féminin, un cas, etc. sont autant d’indices pour se repérer dans le sens du texte.

 

ED : La lecture analytique est également un excellent moyen d’aborder les portraits de personnages, de divinités, etc. Par exemple, on peut donner la description d’Amor dans le conte d’Amor et Psyché d’Apulée et on leur demande à quel type de texte appartient l’extrait : une description ? un récit de bataille ? un discours ? Ils trouvent rapidement qu’il s’agit d’une description mais doivent prouver leur réponse : à plusieurs, ils parviennent à retrouver le vocabulaire du corps et à repérer les imparfaits. Ensuite, on se demande qui est décrit : ils relèvent des indices - les adjectifs mélioratifs, puis les attributs du dieu. Mais ceux-ci les mènent sur des fausses pistes : les notations de couleur et la présence de diminutifs les mettent sur la piste d’une description de femme, la beauté leur fait penser à Apollon, les ailes à Hermès, l’arc à Artémis, etc.). La séance de lecture analytique dure parfois une quarantaine de minutes avant qu’ils soient tous convaincus de l’identité de la personne mystère.

 

CD : La lecture analytique peut également venir au cours de la séquence, dans le cadre de la lecture d’une œuvre intégrale pour aborder une nouvelle péripétie (la chute de « La Matrone d’Ephèse » dans le Satiricon de Pétrone ou du Contre Eratosthène de Lysias par exemple) : les élèves partent de ce qu’ils ont déjà lu, font des hypothèses sur ce qui va arriver puis les confirment ou les infirment en confrontant leurs regards sur le texte : ils réinvestissent le vocabulaire déjà vu dans la séquence et passent le texte au crible : tout devient indice, la ponctuation, la mise en page, les champs lexicaux, le temps des verbes, les personnes, etc. C’est aussi une manière d’aborder le texte qui convient particulièrement aux séquences argumentatives : les élèves vont chercher à trouver dans quel « camp » se situe l’auteur et à en convaincre leurs camarades.

 

ED : Dans une séquence sur les gladiateurs par exemple, lorsque nous tâchons de déterminer si tel ou tel auteur est favorable ou défavorable à ce genre de pratique, on peut donner le texte de Cicéron extrait des Tusculanes (II, 17) en demandant aux élèves de déterminer de quel avis est ce nouvel auteur. En partant de certains adjectifs qu’ils reconnaissent (crudele, inhumanum), ils proposent souvent en première hypothèse que Cicéron est contre les combats de gladiateurs. On note d’une couleur les éléments qui vont dans ce sens et peu à peu, on travaille sur le reste du texte. Au bout d’une demi-heure, on a ensemble relevé d’une autre couleur tous les éléments qui soulignent les vertus développées dans ces combats (par exemple exercitatio, meditatio, disciplina contra dolorem et mortem)  Ainsi, on arrive peu à peu, ensemble à percevoir la complexité de la position de Cicéron à cet égard.

 

 

Pourriez-vous décrire précisément les démarches suivies, le déroulement d’une séance ?

 

ED : Prenons l’exemple d’une séquence de 4ème sur le cirque, dont la problématique est « Que viennent faire les Romains au cirque ? » Nous avons déjà avancé dans la séquence en étudiant des documents divers qui montrent que les romains venaient parier, se détendre, regarder des courses, etc. Nous abordons alors le texte d’Ovide extrait des Amours (III, 2) en nous demandant ce que le poète, lui, venait faire au cirque. L’objectif est que les élèves découvrent que contrairement à tout ce que nous avons déjà vu, il y venait pour séduire une jeune femme !

 

Les élèves disposent du texte nu, sans appareillage. La séance commence par le rappel de ce qui a déjà été découvert et par la reprise de la question qui guide notre séquence et va être notre clé pour entrer dans le texte.

 

La lecture initiale du professeur est essentielle, elle doit d’emblée faire jaillir du sens : grammaticalement (elle séquence les groupes de mots pour aider à une construction intuitive), lexicalement (elle appuie les mots porteurs de sens ou facilement compréhensibles) et stylistiquement (elle rend manifeste les émotions suscitées par le texte pour rendre patent le registre).

 

Les réactions des élèves jaillissent sans attendre : ils commencent par repérer les mots transparents. En général, ils s’attachent en premier aux noms propres. Dans le texte en question, ils ont tout de suite relevé le nom des dieux « Neptuno, Marti, Minerva, Venus ». Un élève propose dans la même lignée : « Plaudite ». Le professeur n’invalide pas mais questionne : est-ce que tu penses que c’est un dieu ? une déesse ? Pourquoi ? Est-ce que tout le monde est d’accord ? Personne ne connaît de « Plaudite » au panthéon des dieux grecs et romains : qu’est-ce que cela peut être alors ? un verbe. Très bien, à quelle personne alors ? A quel mode ? Un élève cite un autre verbe dans la foulée : « spectemus » : est-ce la même personne ?  Mais alors, qui assiste au spectacle ? De qui nous parle ce texte ? Qui assiste à ces courses de char ?

 

Ainsi, la séance de lecture à plusieurs ne se fait pas selon un chemin fixé à l’avance : on avance pas-à-pas, au rythme des propositions des élèves, et c’est là que tout le travail sur le lexique, la conjugaison et la grammaire prend sens, parce que ce sont des outils pour comprendre ce que nous dit le texte. Le texte d’Ovide permet par exemple de réactiver le vocabulaire déjà travaillé en début de séquence, ainsi que les éléments de realia, le défilé des dieux ici (pompa deorum). L’erreur fait partie prenante du processus : dans la séance en question, une confusion est faite entre « tempus » et « templum » ; un élève rectifie son camarade qui s’exclame : « ah mais oui, bien sûr, ce n’est pas du tout pareil». Toutes les propositions sont acceptées et examinées sans jugement, parce que c’est le meilleur moyen de dénouer les confusions, de comprendre d’où viennent les erreurs,  de fixer les acquis de manière durable.

 

CD : Le rôle du professeur est donc d’orchestrer ces débats interprétatifs entre les élèves, de les pousser à confronter leurs interprétations, à argumenter pour défendre leurs idées, les obliger à s’appuyer sur le texte de manière fine pour convaincre leurs camarades (comme en français). Il aide aussi à invalider les fausses pistes, à partir des erreurs des élèves pour les rectifier mais aussi avancer.

 

Très régulièrement, le professeur ponctue le travail de relectures du texte pour alterner entre l’attention portée à des détails et le retour à la globalité du texte, à la perception d’ensemble, afin que les élèves prennent conscience au fur et à mesure de ce qui est déjà compris et de ce qui reste à comprendre, et pour que le compris aide peu à peu à appréhender ce qui ne l’est pas encore. Il pousse aussi ses élèves à approfondir une intuition en leur ménageant de courts temps d’écrit individuel pour creuser une piste fructueuse (« Vous avez vu deux éléments qui montrent que ce texte s’adresse à une autre personne, pourriez-vous prendre deux minutes crayon en main pour trouver d’autres éléments qui confirment cette hypothèse ?».) Comme en français, il faut maintenir une alternance entre la construction globale du sens général et les analyses précises, entre l’ensemble du texte et les détails.

 

ED : Enfin, tout au long de la séance, il faut accompagner sa classe et maintenir la confiance dans l’objectif, réaffirmer le but final, assurer que l’information contenue dans le texte est accessible, prévenir le découragement, rappeler aux élèves qu’ils ont les outils pour y arriver. Le travail en lecture analytique sur un texte latin ou grec suppose d’être patient et tolérant, d’accepter les temps de trouvailles fulgurantes et inespérées et les temps de recherche laborieuse devant des formes ou des mots de vocabulaire que l’on croyait acquis et qui pourtant peinent à être réactivés en contexte. Il est essentiel de créer un climat de confiance où l’erreur est permise, de rappeler aux élèves que le principal est de participer, d’essayer de trouver, de réfléchir, d’argumenter.

 

Lorsqu’enfin les élèves comprennent qu’Ovide vient au cirque pour approcher une jeune femme, ils sont très fiers d’avoir vaincu l’opacité première du texte « tout seuls ».

 

 

On a l’habitude d’associer en cours de langues anciennes pratique de la lecture et pratique de la traduction : l’approche que vous présentez propose-t-elle une articulation différente ou nouvelle de ces deux pratiques ?

 

ED-CD : Il s’agit plutôt de dissocier compréhension et traduction : lire pour comprendre un texte n’est pas le traduire. Les deux activités sont riches et porteuses de sens mais sont à distinguer, surtout avec de jeunes élèves. La lecture analytique centre le travail sur la lecture et la compréhension du texte. L’activité de traduction peut venir dans un second temps, lors d’une deuxième séance de travail sur le texte.

 

ED : Au collège, ce temps de traduction, ou sur la traduction, n’est pas du tout systématique. L’heure consacrée à la lecture analytique se suffit parfaitement à elle-même. Toutefois, il est aussi possible de distribuer dans un second temps aux élèves une traduction du texte lacunaire et de travailler avec eux à traduire quelques phrases, choisies pour leur lien avec les points que nous étudions en langue par ailleurs.

 

CD : Au lycée, ce second temps est beaucoup plus fréquent : après une première séance de découverte du texte en lecture analytique, qui nous permet de comprendre souvent la majeure partie du texte, nous le reprenons l’heure suivante par un travail de traduction : celui-ci peut se faire par groupes ou bien en oral collectif, sans support ou bien en commentant le travail d’un traducteur ou encore en comparant plusieurs traductions de ce même texte. Ce travail, qui prépare les élèves à l’épreuve du baccalauréat, est rendu très fluide et très efficace par la séance préalable de lecture analytique car les élèves abordent le texte à traduire en en ayant déjà compris le sens général. Ils peuvent ainsi se concentrer sur les détails qui leur ont encore échappé.

 

Une seconde différence entre le collège et le lycée tient à ce qu’on sera encore plus attentif, au lycée, et conformément aux programmes, à l’aspect stylistique des textes, ce qui donne tout son sens à la lecture analytique et la rapproche plus encore de celle pratiquée en français. Les problématiques choisies vont d’ailleurs aller dans ce sens : « Comment naît le comique dans cette scène de Plaute ? », « En quoi peut-on parler de fatalité entre Didon et Enée ? », etc. Pour répondre à ces questions, la lecture analytique cherchera autant à faire jaillir un consensus sur le sens du texte, qu’un débat entre des subjectivités de lecteurs sur son analyse. Plus les élèves progressent en langue, moins il y a de différences entre la lecture analytique en français et celle pratiquée en langues anciennes : la classe est, dans un même mouvement, dans la compréhension du texte et dans son analyse. L’opposition n’est d’ailleurs qu’apparente puisque traduire suppose non seulement de comprendre mais aussi de choisir, d’interpréter et en définitive d’avoir analysé le texte.

 

 

Le numérique occupe-t-il une place dans votre démarche ? Pourriez-vous expliquer de quelle manière ?

 

ED-CD : Comme en français, il nous semble que la vidéo-projection du texte, en plus du support papier sur lequel travaille chaque élève, facilite grandement la dynamique collective de recherche sur le texte : la classe est véritablement dans un travail de groupe et tous les regards se portent ensemble sur le texte projeté au tableau. Quant au professeur, il est dans la même position face au texte projeté au tableau que ses élèves face à leur feuille : il est lui aussi en état de recherche. Cela lui permet de noter au fur et à mesure de la séance sur le texte et à côté du texte ce qui est découvert par la classe : repérer les champs lexicaux, regrouper les indices congruents, faire apparaître une opposition entre deux éléments, en utilisant des couleurs différentes par exemple. Il aide ainsi les élèves à structurer leur pensée et à organiser leur propre prise de notes de la séance.

 

 

De manière générale, quels sont selon vous les intérêts de cette pratique en LCA de la lecture analytique ?

 

ED : La lecture analytique est avant tout une manière d’accéder au sens du texte authentique en développant la lecture globale : il s’agit de lire un texte dans son ensemble sans s’arrêter mot après mot. Elle permet de varier les modes d’accès au texte authentique, de casser le déroulé linaire du texte par une approche plus globale et par un objectif concret : répondre à une question. L’une des conséquences appréciables est également qu’elle permet de lire un plus grand nombre de textes dans l’année puisque elle suppose un renoncement à travailler dans le détail chaque phrase du texte, à tout comprendre, à tout traduire. En se concentrant sur ce qui permet de répondre à la problématique, en acceptant de ne pas faire un travail exhaustif sur le texte, elle permet de varier les rythmes du cours, de ne passer parfois qu’une heure sur un texte pour offrir aux élèves des respirations, et d’oser leur faire rencontrer des textes difficiles que l’on ne pourrait raisonnablement songer à leur faire traduire complètement.

 

CD : La pratique de la lecture analytique permet de développer la capacité d’interprétation de nos élèves : ce qu’Anne Vuibert dit de la lecture analytique en français s’applique aussi très bien à la lecture analytique en cours de LCA : « On comprend mieux à plusieurs que seuls : la confrontation de son interprétation du texte avec celle des autres nous oblige à la réinterroger, et donc à réinterroger le texte. L'interprétation est au croisement des informations apportées par le texte et de nos connaissances, valeurs, etc. personnelles. A plusieurs, et à condition d'accepter l'échange, on lit plus d'informations du texte, on dispose de plus de connaissances du monde, on relativise les valeurs comme filtres de lecture. »

 

Du point de vue des apprentissages, la lecture analytique permet de remobiliser de manière très active tous les acquis des élèves (lexicaux, grammaticaux, civilisationnels) qui servent à affiner « le diagnostique ». Les formes reconnues dans les lectures analytiques (qui ont servi d’indices majeurs) restent gravées dans les mémoires, plus longtemps que n’importe quelle question de cours. Elle stabilise, fixe le savoir parce qu’il a « servi » à comprendre quelque chose du texte.

 

ED : Par ailleurs, c’est une démarche dans laquelle l’erreur est au cœur du processus : elle doit être menée sans peur, ni stress, ni note, ni sanction : lorsqu’un élève se trompe, le temps de repérage, de correction et d’explicitation de l’erreur par la classe est très riche, à la fois pour les élèves engagés dans un processus actif d’apprentissage et pour l’enseignant qui observe ses élèves se tromper : « En mettant l'enseignant hors du jeu pour un moment, le débat autorise des lectures plurielles, des itinéraires singuliers. Il permet à l'enseignant d'observer ces itinéraires, de repérer les errements qu'ils peuvent entraîner, ou les directions auxquelles il n'aurait pas prêté attention. Cela peut lui être utile pour des travaux ultérieurs de travail sur les stratégies de lecture interprétative. » (Anne Vuibert, ibid.)

 

Ces compétences (compréhension globale, débats interprétatifs, hypothèses, rôle vivifiant de l’erreur) sont naturellement transverses et peuvent être réutilisées dans d’autres apprentissages : ce sont celles que les élèves mettent également en jeu en cours de langues vivantes par exemple.

 

ED-CD : Enfin, la lecture analytique est une démarche qui suscite l’enthousiasme et le plaisir des élèves qu’elle fait gagner en autonomie et en confiance en eux. Elle participe à créer un effet de groupe dans lequel chacun apporte sa contribution, elle développe l’écoute puisque ce sont les hypothèses des autres qui font avancer, les débats d’idées, la coopération.

 

Elle est une manière d’aborder le texte authentique débarrassé de l’angoisse de « ne pas savoir »  puisqu’il s’agit de partir de ce que l’on sait et non ce qui « manque ». Elle donne aux élèves l’habitude d’utiliser tout ce qu’ils savent pour mieux comprendre. Ce sont des compétences qu’ils seront amenés à réutiliser partout,  et plus encore, une manière d’appréhender la vie en partant de ce que l’on sait déjà au lieu de s’angoisser en se focalisant sur ce que l’on ne sait pas.

 

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut et Claire Berest

 

Rencontres 2015 « Langues et Cultures de l’Antiquité, un enjeu pour l’avenir »

 

 

Notes

1 « La lecture analytique se définit comme une lecture attentive et réfléchie, cherchant à éclairer le sens des textes et à construire chez l’élève des compétences d’analyse et d’interprétation. Elle permet de s’appuyer sur une approche intuitive, sur les réactions spontanées de la classe, pour aller vers une interprétation raisonnée.»

(B.O. n°6 du 28 août 2008 / Programmes de collège)

« La lecture analytique vise la construction progressive et précise de la signification d'un texte, quelle qu'en soit l'ampleur ; elle consiste donc en un travail d'interprétation que le professeur conduit avec ses élèves, à partir de leurs réactions et de leurs propositions. » (BO n°9 du 30 septembre 2010 / Programmes de lycée général et technologique)

 

2 Anne Vuibert, Faire place au sujet lecteur en classe : quelles voies pour renouveler les approches de la lecture analytique au collège et au lycée ? (Mars 2011)

 

Par fjarraud , le lundi 06 juillet 2015.

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