Netjournées : La tablette interdisciplinaire en Eps et SVT 

La tablette facilitera-t-elle les EPI ? Présentée dans le cadre des Netjournées organisées par Itop, l'expérience des élèves de cinquième du collège préfigurateur Saint-Exupéry de Mulhouse pose la question des EPI. Les élèves du collège sont équipés de tablettes tactiles individuelles. L’équipe pédagogique, dynamique et innovante, qui avait monté les projets pour que le collège soit sélectionné pour la mise en place des équipements et infrastructures nécessaires à l’utilisation de ces tablettes, s’est emparée de l’outil depuis janvier 2016 et en profite pour mettre en place des enseignements transversaux dans le cadre de semaines expérimentales.  Ces semaines expérimentales permettent de casser les groupes-classes habituels pour en créer de nouveaux pour un projet ou un besoin ponctuel. C’est dans ce cadre-là qu’un projet est actuellement mené pour des groupes d’élèves de cinquième alliant l’EPS et la SVT.

 

Qu’est-ce qui permet à chacun de déclencher une action (sauter, courir, dribbler) en basket pour attraper la balle lorsqu’elle est jetée au début du match entre deux joueurs ? Autrement dit, comment réagit le corps face à un stimulus extérieur ? C’est la question que se sont posés des élèves de cinquième, avec leur enseignant d'Eps Emeric Fayol. Pour y répondre, des ateliers sont mis en place conjointement avec l’enseignante de SVT, Diana Klein.  Le projet interdisciplinaire combine les deux disciplines sur quatre après-midis. Les élèves tournent sur deux activités principales, une dissection sur le système nerveux (soit la grenouille soit le merlan) et  une analyse des images sur le cours d’EPS.

 

L’étude du système nerveux en EPS et SVT : mise en pratique numérique

 

Dans la classe, l’ambiance est calme et chacun est absorbé par sa tâche. Il y a des groupes qui regardent des vidéos filmées pendant une séance de basket en EPS la veille et qui dénombrent les passes, lancers, sauts, dribbles  réalisés pendant les mini-matchs. D’autres élèves, vêtus de blouses blanches et de gants en latex sont penchés sur un bac où ils dissèquent des cuisses de grenouille, pour découvrir les nerfs et les muscles. La tablette leur donne la marche à suivre, étape par étape, accompagnée d’images. Enfin, les derniers élèves dissèquent, eux, un merlan entier, cherche à trouver les nerfs qui relient les yeux au cerveau puis le chemin entre le cerveau et la moelle épinière. Les deux enseignants circulent autour des groupes d’élèves, guident, expliquent, sollicitent par leurs questionnements…

 

Emeric Fayol, l’enseignant d’EPS  explique que les tablettes sont « utiles pour les élèves car ils comprennent des éléments qu’on n’a pas le temps de voir habituellement, en EPS, sur lesquels on ne s’attarde jamais. Là, on fait les deux : la pratique en cours et le retour sur la pratique avec un lien en science sur le fonctionnement du corps humain très important. Nous sommes donc allés au gymnase pour filmer les matchs de basket des élèves. Le but, c’est qu’ils comprennent des notions en SVT qui leur permettent de réussir à mettre en place des actions en basket (impulsions, rapidité d’exécution) pendant les séances au gymnase.

 

Nous nous concentrons sur une toute petite partie du système nerveux car nous disposons de trop peu de temps pour tout voir : nous mettons donc surtout en évidence le lien entre les yeux et le cerveau puis entre le cerveau et les muscles grâce aux nerfs. L’exemple d’un entre-deux en début de match (le ballon est lancé, les yeux suivent le trajet, l’élève met en place un déplacement destiné à attrape la balle)  est significatif de cet apprentissage : ce que les élèves font de manière instinctive sur le terrain est décortiqué avec les vidéos et les dissections. Tout cela devient palpable, très concret et ça marche très bien. »

 

Pour compléter, lorsqu’on demande à Diana Klein si les tablettes on changé ses pratiques et quels effets l’utilisation de ces tablettes en classe a sur les élèves, elle nous rappelle que ce ne sont pas les tablettes qui font le projet, que le projet est préexistant aux tablettes et que les tablettes ne sont qu’un outil supplémentaire pour permettre d’acquérir des connaissances, des savoir-faire et des savoir-être. La dissection se faisait déjà avant, elle se réalise différemment avec l’usage des tablettes.

 

« Fondamentalement, les tablettes n’ont pas changé mes pratiques mais c’est un outil supplémentaire, dit-elle. Je suis assez sensible à l’outil informatique. J’utilisais déjà beaucoup les ordinateurs avant en classe donc je n’ai pas eu trop de soucis de prise en main. Concrètement, ici, le but, c’est de montrer le lien anatomique qui permet à un organisme de répondre à un stimulus pour que les élèves se rendent compte de l’existence du système nerveux. Les élèves utilisent deux dissections pour montrer qu’il y a un système nerveux et ils doivent faire une photo du résultat de leur dissection et l’annoter avec un petit logiciel de traitement d’images. On utilise le numérique pour passer des consignes, réaliser un exercice ou présenter un résultat. Ils font tous l’activité d’EPS et tous une dissection. Suite à cela, il y a un partage des résultats : un groupe présente ce qui se passe de l’œil au cerveau et un autre ce qui se passe du cerveau au muscle. Pour moi, les effets sur les élèves sont positifs : les tablettes ont un côté stimulant pour entrer dans le travail. C’est un outil qu’ils connaissent et qui fait moins peur qu’un livre car ils l’utilisent chez eux. Cela me permet aussi de différencier, de m’adapter au niveau des élèves.  Quant à l’évaluation, elle peut également se faire grâce aux tablettes. Lors des dissections, je peux observer la manière dont ils travaillent, je passe voir tout le monde, mais je peux aussi récupérer la photo et j’ai ainsi le travail de chacun : je peux voir s’ils ont bien placé la moelle épinière, le nerf sciatique… D’un point de vue plus technique, on pourrait même travailler sur la qualité des images, observer si la photo est nette, expliquer que pour présenter le résultat, c’est mieux si le ciseau ne reste pas au milieu,… »

 

Ce projet, ce sont les enseignants qui les conçoivent et les portent bien sûr. Mais ce sont encore les élèves qui en parlent le mieux…

 

Des élèves enthousiastes et impliqués dans la situation de classe

 

Léa explique ce qu’elle est en train de faire : « je suis en train de découper la peau de la cuisse de grenouille pour pouvoir trouver le nerf. Ca part de la cuisse jusqu’à la colonne vertébrale. La tablette nous montre les étapes à réaliser, c’est plus compliqué quand les consignes sont seulement sur papier parce qu’on ne peut pas voir toutes les étapes précisément. Là, on a à la fois des images et des textes. » Et Coralie de compléter : « à la fin on doit faire un film de tout ce qu’on a fait et à la fin on devra savoir expliquer ce qu’est un muscle, un nerf, la colonne vertébrale, à quoi ça sert pour comprendre et savoir plus précisément de comprend comment bougent les os, les muscles. »

 

Au basket, Mattéo annonce qu’il regarde les vidéos réalisées pendant le cours de basket et qu’il analyse un plan large, c’est-à-dire un plan où on voit tout le monde en même temps, toute l’équipe, tout l’espace, tout le terrain et toutes les actions. L’exercice peut sembler fastidieux mais c’est avec engagement et avec motivation que les élèves participent : Farès indique qu’il regarde les vidéos pour mieux « observer et dire ce qu’on a réussi ou ce qu’on n’a pas réussi » et Enzo ajoute « pendant qu’on regarde les vidéos, on doit marquer combien de passes ou de tirs, de dribbles on a fait au basket. »

 

Enfin, du côté des dissections de merlan, il s’avère parfois un peu plus compliqué de réaliser le geste précis (un merlan a même perdu son cerveau totalement et définitivement dans l’opération !) mais la motivation est bien là. Mehdi raconte : « on est en train de vérifier les parties osseuses du muscle. Après on va vérifier les yeux et surtout trouver les nerfs qui relient le cerveau aux yeux.  Ca sert pour le basket : quand l’arbitre va agiter la balle, on va utiliser nos yeux pour voir où va la balle. Le muscle, ca sert pour quand on saute pour attraper la balle. Hocine, lui, est très enthousiaste : « ça me plaît de faire ça parce qu’on peut savoir où se trouvent les muscles. Les muscles servent à sauter pour attraper la balle au basket. J’aime beaucoup faire du basket, et j’aime bien aussi disséquer le poisson, c’est amusant. »

 

Au final, si est vrai que certains peuvent encore se montrer réticents à l’utilisation de tel matériel numérique en classe, prétextant que l’Ecole n’est pas là pour proposer la même chose qu’à la maison ou critiquant les écrans, l’utilisation concrète en classe s’annonce néanmoins souvent de qualité. Il est encore trop tôt pour évaluer sur le long terme l’apport des tablettes sur le niveau des élèves et les progrès quantifiables, les tablettes de Saint-Exupéry montrent qu’elles ont conquis le cœur des collégiens, pour qui, de manière indéniable, motivation et engagement sont réellement perceptibles dans les classes observées.

 

Alexandra Mazzilli

 

Les Netjournées

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 22 mars 2016.

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