La chronique de Véronique Soulé : Le droit bafoué des enfants réfugiés à l'éducation  

Dans un récent rapport, l'UNESCO et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) dénoncent la faible scolarisation des enfants réfugiés dans le monde. Une situation alarmante car laisser ainsi des jeunes en marge les expose à tous les dangers.

 

 Soulignons d'abord que la France n'est pas particulièrement visée par cette étude. Pour une raison simple: elle accueille peu de migrants qui préfèrent se tourner vers d'autres pays – en Europe: l'Allemagne, la Suède, la Grande Bretagne... Les migrants les plus démunis restent, eux, dans les pays frontaliers.

 

Dans le camp de Calais, les autorités françaises ne se sont pourtant guère montrées préoccupées d'éducation. Ce sont des associatifs, généralement anglais et français, qui ont ouvert des centres. Comme l'Ecole laïque du Chemin des dunes inaugurée en février dernier (1). Située dans la zone sud qui a été depuis rasée, l'école continue de fonctionner.

 

Plus d'excuses

 

Revenons au rapport de l'UNESCO et du HCR diffusé le 20 mai (2) à l'occasion du Sommet humanitaire mondial d'Istanbul des 23 et 24 mai.

 

Intitulé "Plus d'excuses", il fait un constat sombre : le retard en éducation des enfants réfugiés et déplacés (fuyant mais restant à l'intérieur de leur pays), alors même que cette population n'a jamais été aussi nombreuse depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945.

 

Le HCR l'estime à 60 millions de personnes au total : réfugiés (15 millions), déplacés dans leurs pays (38 millions),  demandeurs d'asile, etc. L'étude porte exclusivement sur les populations ayant fui des conflits.

 

Un enfant sur deux en primaire 

 

Voici les principaux enseignements du rapport :

- Pas plus de 50% des enfants réfugiés dans le monde suivent l'école primaire et 25% sont en secondaire.

 

- La situation est très variable suivant les pays. Au Pakistan par exemple, moins de la moitié (40%) sont scolarisés en primaire, contre 80% en Egypte, en Iran ou au Yemen.

 

- Moins de 5% des jeunes réfugiés fréquentent  le secondaire au Kenya, au Pakistan ou encore au Bangladesh.

 

- Parmi les jeunes réfugiés syriens en âge scolaire, la moitié (53%) sont scolarisés en Jordanie mais seulement 30% en Turquie.

 

Un poids pour les pays d'accueil

 

L'étude souligne la pression sur les systèmes scolaires des principaux pays d'accueil, souvent eux-mêmes pauvres.

 

- Le Liban, qui accueille plus d'un million de réfugiés, a vu sa population bondir de 25%. Entre 2007 et 2014, le nombre de réfugiés âgés de 5 à 17 ans est passé de 1 500 à 180 000 dans les zones urbaines.

 

Or le système éducatif était déjà sous pression. "Même en instaurant deux roulements – des élèves ont cours le matin, d'autres l'après-midi -, souligne l'étude, cela ne suffit pas et seuls 50% sont scolarisés." 

 

- La Turquie accueille 3 millions de Syriens. Et fin 2015, près de 700 000 étaient âgés de 6 à 17 ans. Ceux vivant dans les camps étaient plus de 85% scolarisés en primaire. Mais la proportion tombait à 30% pour ceux vivant dans les villes.

 

- Pour les enfants déplacés, c'est souvent pire. Au Nigeria par exemple, ceux qui ont fui les attaques de la secte Boko Haram n'ont aucun acccès à l'éducation dans près de la moitié des camps qui les abritent  – 19 sur 42.

 

Les filles plus marginalisées

 

L'étude s'inquiète du fait que les filles sont les premières laissées pour compte dans l'éducation.

 

- Dans l'immense camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya, qui abrite plus de 100 000 personnes venues de toute la région, les filles ne sont guère plus du tiers des élèves de primaire.

 

- Autre exemple: en Irak, dans la région de Najat, 81% des filles déplacées ne vont pas en classe contre seulement 69% des garçons. Alors même que les femmes représentent 70% des personnes déplacées dans le monde.

 

Que faire ?

 

Le rapport ne fournit pas de solutions miracle. Cela passe évidemment par des moyens supplémentaires alloués aux pays d'accueil. Il préconise toutefois plusieurs choses:

 

- inscrire dans les lois des pays le droit à l'éducation des réfugiés et déplacés.

 

- intégrer ces populations au système scolaire national.

 

- pour les pays confronté à un flux massif, mettre aussi en place des programmes accélérés et reconnaître les diplômes des profs réfugiés afin qu'ils puissent combler le déficit d'enseignants.

 

"Pour ces enfants et ces jeunes, souligne la directrice générale de l'NESCO Irina Bokova, l'éducation revêt une importance particulière: le simple fait d'être scolarisés les protège de la traite, de l'adoption illégale, du mariage d'enfants, de l'exploitation sexuelle et du travail forcé." Elle donne aussi des armes intellectuelles pour combattre toutes les folies meurtrières.

 

Pour revenir à la France, une nouvelle est passée quasi inaperçue: l'Education nationale va (enfin) détacher deux instits dans le camp de Calais (3). Mieux vaut tard que jamais.

 

Véronique Soulé

 

(1) Sur l'école du camp de réfugiés de Calais

(2) Le rapport

(3) L'annonce

 

Lire les précédentes chroniques

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 23 mai 2016.

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