La chronique de Véronique Soulé : Redon et la mixité sociale au collège 

Comment faire de la mixité sociale dans les collèges sans inquiéter les familles et en cherchant au contraire leur adhésion ? C'est tout l'enjeu des 9 expérimentations lancées à la rentrée sur 12 territoires, impliquant 33 collèges (sur 5 300 au total). Limitées pour ne pas risquer de faire de vagues, elles doivent en même temps produire des résultats que la ministre Najat Vallaud-Belkacem peut brandir, preuve que l'on agit en faveur de la mixité. Voyons ici l'exemple de Redon. 

 

Redon est une petite ville d'Ille-et-Vilaine (9 500 habitants), ni particulièrement pauvre ni vraiment riche. Elle compte 2 collèges publics et 1 privé, qui accueillent les enfants de Redon même et des zones rurales alentours.

                             

Seuls les 2 premiers – le collège Bellevue, situé dans un quartier populaire, et le collège Beaumont, fréquenté par des familles plus aisées – participent à l'expérimentation. Le collège privé Le Cleu Saint Joseph l'observe avec bienveillance, mais de loin. Nous y reviendrons.

 

Le plus facile d'abord

 

N Vallaud Belkacem en novembre 2015 sur la mixité sociale à l'écoleC'est le département d'Ille-et-Vilaine, avec le soutien de l'Académie, qui a décidé de se lancer dans l'aventure et de répondre à l'appel à projets du ministère en novembre 2015 (1). Il avait prévu 3 lieux initialement : outre Redon, Rennes et Saint Malo.

 

Mais dans ces deux dernières villes, l'affaire s'est révélée complexe. Rennes abrite un collège particulièrement fui qui doit entrer dans le projet Mixité sociale. On a décidé de prendre du temps et de repousser l'expérimentation à la rentrée 2018. A Saint Malo, un collectif se bat contre la fermeture annoncée d'un collège en difficulté. Là aussi, on a préféré repousser l'expérimentation, à la rentrée 2017. On a donc commencé par le plus facile : Redon.

 

Deux collèges, un secteur

 

Le dispositif mis en place à Redon est simple: les secteurs ont été supprimés. Les familles dont les enfants entraient en sixième en septembre 2016 ont eu à formuler deux voeux dans l'ordre – Bellevue ou Beaumont.

 

Ces voeux reçus à l'académie ont été traités en fonction de plusieurs critères : les préférences des familles mais aussi le handicap d'un enfant, le fait qu'il soit boursier, le lieu de scolarisation des frères et soeurs, la proximité du collège demandé, etc.

 

A cela s'ajoutait cette année une préoccupation particulière : rééquilibrer la composition sociale des établissements en partant du profil des sixièmes l'année 2015-2016. Au collège Bellevue, les enfants de CSP (catégories socio professionnelles) défavorisées représentaient 59,8 %, contre 31,1 % à Beaumont.

 

Rééquilibrage

 

Pour l'année 2016-2017, le rééquilibrage est sensible. Au collège Bellevue, la proportion d'enfants de CSP défavorisées baisse à 42,6%. A Beaumont, elle reste  stable, à 30,7%.

 

Simultanément, la proportion d'élèves de CSP très favorisées et favorisées augmente sensiblement à Bellevue, passant de 17,5% à la rentrée 2015 à 22,5% à celle de 2016. Elle est quasi stable à Beaumont – de 39,7% à 41,3%.

 

" Nous assistons bien à un rééquilibrage du profil social, se félicite l'inspecteur académique Christian Willhelm. Ce rééquilibrage s'est réalisé sans que la procédure d'affectation ne vienne réguler fondamentalement le choix initial et libre des familles. Moins d'une dizaine d'élèves ont en effet eu une affectation différente du choix exprimé par les familles. "

 

Jouer sur des petits nombres

 

Comment expliquer ce bon résultat ? D'abord, il faut bien voir que le collège Bellevue, le plus " défavorisé " des deux, n'est pas un " collège ghetto " comme on en rencontre dans les cités de la Région parisienne, de Marseille ou de Lille. Son image n'étant pas aussi rédhibitoire, on peut espérer l'améliorer progressivement.

 

Il faut aussi rappeler que l'expérimentation porte sur les sixièmes, c'est-à-dire sur des effectifs limités : 129 élèves à la rentrée 2016 à Bellevue (contre 97 en 2015) et 150 élèves à Beaumont (contre 158 en 2015). Pour en modifier la composition sociale, il suffit donc de jouer sur de petits nombres.

 

Ne pas déstabiliser

 

La volonté a  été manifestement de ne pas déstabiliser le collège Beaumont dont le profil jugé assez mixte bouge peu. A Bellevue en revanche, on a clairement cherché à rehausser la présence des CSP favorisées. On peut parier que la plupart des familles qui n'ont pas obtenu leur premier voeu en sont issues et qu'elles demandaient Beaumont.

 

Il faut ajouter que le quartier Bellevue est en pleine rénovation urbaine. Ceci peut expliquer en partie que le collège ait gagné en mixité et en image.

 

Enfin, le dispositif a bénéficié de deux atouts: la bonne desserte en transports des deux collèges et le fait qu'ils aient tous deux une classe bilangue.

 

Désamorcer les craintes 

 

L'expérimentation avait été minutieusement préparée. " On avance à  pas comptés, car le sujet est sensible ", souligne Christian Willhelm.

 

L'inspecteur d'académie a reçu les représentants des parents d'èleves pour les rassurer. Des craintes se sont exprimées lors de l'annonce du projet  - " Nos enfants vont-ils  être tirés au sort ? ".... Il a par ailleurs dû désamorcer l'hostilité de groupes de parents, outrés qu'on leur demande désormais leur avis d'imposition pour l'inscription au collège.

 

Enfin, tous les acteurs locaux ont été associés : le département, la ville, l'académie, mais aussi la direction diocésaine de l'enseignement catholique ainsi que le directeur du collège Le Cleu Saint Joseph. Une convention a même été signée entre toutes les parties.

 

Les bonnes paroles du privé  

 

L'enseignement privé a d'emblée soutenu le projet, expliquant qu'il allait dans le même sens. Le Cleu Saint Joseph, le plus gros collège de Redon (667 élèves), a en effet une bonne mixité sociale.

 

Mais ces bonnes paroles ne se sont guère concrétisées. Dans l'enseignement catholique, les directeurs sont maîtres chez eux et inscrivent les élèves qu'ils veulent. Le directeur du Cleu Saint Joseph a préféré garder sa prérogative et ne pas participer à l'expérimentation.

 

" Le collège privé gagne un peu d'effectifs en sixième mais moins que prévu (les élèves passent de 160 à 168 contre 181 prévus), observe Christian Willehlm. Le secteur multicollège n'a donc pas généré d'augmentation des inscriptions vers privé. "  

 

Reste que le collège privé est associé à la démarche selon la convention. Et que l'on cherche encore comment, hormis moralement.

 

Véronique Soulé

 

(1) Communiqué officiel et reportage du Café pédagogique

 

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Par fjarraud , le lundi 07 novembre 2016.

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