Orthographe : La nouvelle chute des résultats interroge le statut de l'orthographe 

La France ton orthographe fout le camp. C'est ce que montre une nouvelle étude de la Depp (division des études du ministère). Sur la même dictée d'une dizaine de lignes (67 mots) donnée depuis 1987 et évaluée en Cm2, le nombre d'erreurs a encore progressé. Le pourcentage d'élèves faisant moins de 6 fautes est passé de 31 % en 1987 à 16% en 2007 et 8% en 2015. L'erreur orthographique, longtemps discriminante socialement, est maintenant socialement très partagée. C'est bien le statut de l'orthographe classique dans la société qui est interrogé. La ministre réunit le 9 novembre une grande conférence sur l'apprentissage du français.

                                                            

Deux fois plus d'élèves très faibles qu'en 2007

 

A 30 ans de distance, des élèves de Cm2 ont été soumis à la même dictée d'une soixantaine de mots par la Depp. Les résultats sont clairs. "Le nombre d'erreurs avait augmenté de 3.7 points entre 1987 et 2007", note la Depp, passant de 10.6 à 14.3. Ce phénomène se confirme en 2015, les élèves faisant en moyenne 17.8 erreurs.

 

Le pourcentage d'élèves faisant plus de 25 fautes est passé de 5% en 1987 à 11% en 2007 pour doubler encore en 2015 à 20%. En 1987, 13% des élèves faisaient moins de 3 fautes. Ils ne sont plus que 2% en 2015.

 

L'orthographe grammaticale mal maitrisée

 

Quelle genre d'erreurs font les élèves ? D'après la Depp il s'agit surtout d'orthographe grammaticale. Les mots sont connus mais les élèves n'appliquent pas les règles sur l'accord entre le sujet et le verbe et celles sur les adjectifs, sans parler du participe passé.

 

Ce qui est nouveau c'est que les écarts sociaux sont toujours présents mais n'évoluent pas. En 2015 un enfant de retraité ou d'ouvrier fait entre 19 et 20 fautes quand un enfant de cadre en fait 13. Mais ce qui a changé depuis 1987 c'est que le nombre de fautes a doublé chez les enfants de cadre alors qu'il n'a fait qu'augmenter de 3 points chez les retraités. L'enquête Depp montre même que l'éducation prioritaire réduit l'écart avec le non prioritaire. : 19 fautes contre 13 en non prioritaire en 2007, 21 contre 17 en 2015.

 

Une grande conférence réunie le 9 novembre

 

Le déclin des compétences orthographiques est continu et avéré. En 2007 déjà c'était l'orthographe grammaticale qui avait décliné par rapport à 1987. Ni la "refondation" de l'orthographe lancée par Luc Chatel en 2012, ni les programmes de 2008, qui pourtant insistent sur l'orthographe, n'ont changé les choses. Rappelons que les élèves de Cm2 évalués en 2015 n'ont connu que ces programmes de 2008. Cela n'empêchera probablement pas les adeptes du traditionalisme de se manifester bruyamment...

 

La ministre réunit le 9 novembre une grande conférence sur l'apprentissage du français, réunissant de nombreux spécialistes, parmi lesquels de véritables spécialistes de l'apprentissage de l'orthographe, comme Catherine Brissaud et Michel Fayol.

 

V Youx : Faire un choix de société

 

Pour Viviane Youx, présidente de l'Association française des professeurs de français (AFEF), interrogée par le Café pédagogique, cette baisse des performances orthographiques tient à "un système orthographique très complexe qui gagnerait à être simplifié et en parallèle une société française dans laquelle la vigilance orthographique baisse alors que l'exigence orthographique reste très forte. L'orthographe est encore largement enseignée par des règles à appliquer alors qu'il faudrait l'enseigner comme un système qui ait du sens pour les élèves. Les nouveaux programmes vont dans ce sens".

 

Mais V Youx interroge aussi la société. "Si on considère que la question de l'orthographe est essentielle (et elle l'est, non en soi comme le respect d'une norme, mais comme élément de compréhension de l'écrit et comme moyen de communication, les carences orthographiques sont pénalisantes) alors, il faut y consacrer des moyens forts au détriment d'autre chose. Si la société ne veut pas faire ce choix, la situation a peu de chances de se renverser". L'orthographe est aussi une question sociale.

 

François Jarraud

 

La Note de la Depp

2012 : L Chatel lance la "refondation" de l'orthographe

 

Par fjarraud , le mercredi 09 novembre 2016.

Commentaires

  • satori, le 19/11/2016 à 11:06
    Belle bataille de savants experts concernant les statistiques, les différents responsables ou la signification précise d'un terme...mais ne s'agit il pas avant de reconsidérer la façon dont l'école fonctionne depuis des lustres. Qui est le chef dans une école primaire? Comment sont évalués les résultats des enseignants (ne me dites pas l'inspecteur...) Pourquoi un enseignant que tout le monde élèves, parents et enseignants, reconnait incompétent ne peut pas être écarté? Pourquoi y-a-t-il tant d'absentéisme et si peu d'efficacité pour y parer? Pourquoi les "réformes" qui sont acceptées sont seulement celles qui ne remettent surtout pas en cause l'organisation et la fonction des personnels? On dit que le sage regarde la lune et l'idiot regarde le doigt...Certains regardent et débattent des galaxies derriere la lune, c'est moins engageant au quotidien.




















  • jplievre, le 09/11/2016 à 17:50
    Il est écrit : " ...l'erreur orthographique est ... maintenant socialement partagée". Ce constat, qui ne relève sauf erreur de ma part, d'aucune étude approfondie, mais qui semble directement lié au fait que 82 % des élèves fassent plus de 6 "fautes" dans une dictée de 10 lignes ne doit pas être considéré comme une fatalité sociale. Bien plus il devrait être considéré comme une évaluation initiale afin que l'ensemble du système éducatif se donne les moyens pour y remédier. A moins que l'on abandonne l'idée que la langue française et sa justesse sont la conséquence d'une culture de l'identification des hommes et des choses. Tourner le dos à la connaissance de nous mêmes peut être l'objectif de quelques sectes obscurantistes. Le contraire de celui de l'éducation nationale qui doit être au service de l'émancipation, de la coopération et de la compréhension. 

  • Altair Vega, le 09/11/2016 à 09:55
    Une remarque :
    Dans les programmes, les règles d'orthographe sont implicites pour les enfants  (par exemple un élève de CE2 n'a pas encore appris qu'au pluriel les noms et adjectifs prennent , sauf exception, un "s"... mais sa maîtresse lui a fait des dictées avec pluriel...pourquoi ne pas donner explicitement la règle ?)
    Découvrir l'orthographe uniquement par la lecture et à travers des exercices est extrêmement élitiste ; les règles de grammaire structurent progressivement la langue; il n'est pas question d assommer ou de noyer les enfants de règles de grammaire mais il faut bien les expliciter pour donner ses chances à tous !
  • Renan, le 09/11/2016 à 09:28
    Il n'y a pas de quoi être surpris. Depuis près de 50 ans on a stoppé l'apprentissage de la lecture dès l'école maternelle ! Voilà le résultat ! Il faut absolument retrouver le bon sens, qui a permis à des générations d'élèves français de savoir lire avant même d'intégrer le CP, ce qui leur permettait d'y "terminer" l'apprentissage de la lecture, selon l'expression utilisée par l'ancien Recteur Michel MIGEON dans un Rapport intitulé "La réussite à l'école" adressé en janvier 1989 à Lionel JOSPIN, alors Ministre de l'Education Nationale. Hélas ! Les membres du Conseil National des Programmes ne souhaitent pas que l'école maternelle devienne un "école pré-élémentaire". C'est pourtant ce qu'elle devrait être !
    Voir par exemple : <http://range.pagesperso-orange.fr/contrib-a-la-reussit-educ.htm> 
    • JoelleMartin, le 09/11/2016 à 18:36

    • Bernard Girard, le 09/11/2016 à 13:48
      Confusion lourde de signification : l'enquête sus-mentionnée porte sur l'orthographe et non sur l'acquisition de la lecture.

      Par ailleurs, l'apprentissage de la lecture n'a jamais été l'objectif de l'école maternelle ; de même, il est tout à fait faux de prétendre que "des générations d'élèves français" savaient lire avant même d'intégrer le CP. Toutes les enquêtes historiques sur le sujet montrent que la lecture a toujours posé problème à un certain nombre d'élèves.

      Pour ce qui est de "retrouver le bon sens", il s'agit de l'expression favorite de Darcos, ministre de l'EN en 2008 ... et à ce titre responsable des programmes et des méthodes qui font précisément l'objet de l'enquête de la Depp. 
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