Orthographe : Oser une vraie réforme ? 

Avec la publication de la récente évaluation de l'orthographe des écoliers de Cm2, le moment est-il venu d'une vraie réforme orthographique ? C'ets à dire pas seulement des améliorations marginales de l'écriture des mots mais une refonte des méthodes d'apprentissage de l'orthographe et une nouvelle définition des règles adaptées à la communication de masse. Car qui aujourd'hui a encore le temps de vérifier l'orthographe exacte des innombrables textes qu'il publie quotidiennement sous des formes variées (Sms, mails, notes, lettres, listes, articles etc.).

 

Pas qu'une affaire de règles

 

La question de l'apprentissage de l'orthographe, est clairement posée depuis 2007. Elle a suscité des travaux poussés qu'il n'est pas inutile de rappeler  pour comprendre la crise orthographique.

 

Danièle Cogis et Catherine Brissaud, co-auteures avec JP Jaffré, C Pellat et M Fayol de "Comment enseigner l'orthographe aujourd'hui", expliquaient que l'apprentissage de l'orthographe n'est pas qu'une simple affaire d'apprentissage des règles. " C’est un point important : l’idée qu’il ne suffit pas d’avoir des connaissances mais qu’il faut savoir les utiliser dans le feu de l’écriture, quand on a plein d’autres choses à gérer, a fait son chemin", disaient-elles. "Les enseignants avec lesquels nous travaillons nous interrogent souvent : leurs élèves savent les règles, ils ont des connaissances mais tout se passe comme s’ils les oubliaient quand ils écrivent un texte. L’école doit apprendre aux élèves à mobiliser leurs connaissances dans des tâches d’écriture variées de plus en plus longues, à utiliser les outils que les adultes (nous en tout cas !) utilisent quotidiennement (correcteur, dictionnaire, grammaire, etc.). Mais ces compétences de haut niveau ne peuvent s’exercer que si préalablement des connaissances existent. Les connaissances de base sont celles, précisément, que nous avons ciblées dans notre ouvrage : l’accord dans le groupe nominal, l’accord sujet-verbe, les formes en /E/, la distinction de certains homophones. C’est un programme déjà conséquent ! Il y a aussi et surtout la manière de se mobiliser sur ces compétences et c’est pour nous très important. Si l’on admet qu’apprendre à faire l’accord sujet-verbe dans des contextes variés prend plusieurs années (nos propres travaux l’ont montré, tout comme ceux de la psychologie cognitive), on peut travailler progressivement en sériant les problèmes".

 

Elles posent ainsi la question de l'investissement du système éducatif dans ce travail orthographique. Or dès 2007, Danièle Manesse, co-auteure avec D Cogis de "Orthographe à qui la faute", montrait que la rupture entre école et collège nuit à un apprentissage de l'orthographe.

 

Une question de statut

 

Mais c'est aussi le statut de l'orthographe qui est interrogé. Jean-Pierre Jaffré nous disait : "Le statut social de l'orthographe n'est plus aujourd'hui comparable à ce qu'il fut naguère, les demandes faites désormais à l'école ne sont plus du même ordre et le profil des enfants auxquels l'école à affaire n'est plus le même non plus. Pour relativiser cette notion de baisse de niveau, il convient par conséquent de ne pas se laisser enfermer par la relative objectivité des chiffres mais d'accepter l'idée d'une société en mouvement qui, sans renoncer à certaines options traditionnelles, accentue leurs limites."

 

C'est que pendant longtemps la production écrite , et donc l'orthographe, a été une affaire de corps spécialisés (clercs, imprimeurs, correcteurs etc.). Or la société de communication fait exploser le statut de l'écrit. Jamais il n'a eu l'importance qu'il a aujourd'hui.

 

Une mutation orthographique nécessaire

 

Pour lui, " les sociétés futures vont devoir apprendre à ne plus raisonner en termes de monographie, avec une orthographe officielle valant pour toutes les situations. Ce faisant, l'écrit exploite un potentiel qui l'apparente aux divers registres de l'oralité : la forme d'un message peut varier avec les situations. Plus que d'un déclin orthographique, finalement très relatif, nous avons plutôt affaire à une mutation orthographique qui retrouve les vertus de la variation, sinon dans un même texte, comme ce fut le cas jadis, du moins dans des textes dont le but et le statut social sont distincts... Je ne trouve personnellement pas aberrant de considérer que toute époque doit disposer des outils les mieux adaptés à ses modes de vie et plus généralement aux besoins qui sont les siens. Or l'orthographe du français, sous la forme que lui ont donné les grammairiens, les imprimeurs, les Académiciens, etc., n'est pas adaptée aux besoins d'une communication de masse".

 

Par ces mots, JP Joffré interroge aussi l'apparente permanence de l'orthographe à travers les siècles. Voilà l'Ecole mise devant des choix et à travers elle toute la société. Devant l'étendue croissante des connaissances à transmettre, quelle place doit être donnée à l'orthographe et comment l'ajuster à cette place ? C'est ce débat là que la société française n'a pas réussi à mener depuis 30 ans.

 

Le fait que la crise orthographique touche maintenant tous les jeunes , y compris ceux des milieux les plus privilégiés, nous donne peut-être l'opportunité de poser la question ?

 

François Jarraud

 

La Note de la Depp

D Manesse et JP Jaffré

JP Jaffré

C Brissaud D Cogis

Enseigner l'orthographe : Un guide pour l'action

 

 

Par fjarraud , le mercredi 09 novembre 2016.

Commentaires

  • amorin, le 09/11/2016 à 09:13
    Pour lui, " les sociétés futures vont devoir apprendre à ne plus raisonner en termes de monographie, avec une orthographe officielle valant pour toutes les situations. Ce faisant, l'écrit exploite un potentiel qui l'apparente aux divers registres de l'oralité : la forme d'un message peut varier avec les situations.
    La question n'est pas de savoir s'il peut exister différents niveaux de graphie comme il existe différents niveau d'expression orale. Lors d'une épreuve orale de bac, d'un entretien d'embauche, d'une situation professionnelle quelconque, on n'attend pas d'une personne qu'elle démontre sa capacité à maitriser différents niveaux de langage mais à maitriser le niveau adapté. A l'écrit, il en va de même. Celui qui maitrise l'orthographe pourra toujours user d'hétérographe quand il le souhaite. Celui qui ne sait pas / ne peut pas dans une situation où on lui demande l'orthographe la plus officielle possible le pourra-t-il dans une autre situation ?
  • amorin, le 09/11/2016 à 09:05
    "Car qui aujourd'hui a encore le temps de vérifier l'orthographe exacte des innombrables textes qu'il publie quotidiennement sous des formes variées (Sms, mails, notes, lettres, listes, articles etc.)."
    La question revient à "Qui doit faire l'effort ?" Est-ce celui (unique) qui écrit ou ceux qui lisent ? Si comme l'auteur on se place dans une vision très productiviste (temps), le temps gagné par celui qui ne vérifie pas compense-t-il le temps perdu par ceux qui lisent et qui font l'effort de décrypter ce qui est écrit ? Les quiproquo induits font ils gagner du temps ? La gène (voire l'agacement) occasionnée est-elle gage d'un gain de temps après ?
    Et notre société est-elle à ce point dans le manque de temps et dans l'urgence ? Drôle de justification d'un état d'urgence sociale ou culturelle.
    Qui a le temps de vérifier l'orthographe d'un texte électronique ? Tout le monde. Le temps nécessaire pour faire tourner le correcteur orthographique avant d'imprimer, d'envoyer ou de mettre en ligne un texte est infime et permet au minimum d'éviter une majorité d'erreurs de frappe et de fautes d'orthographe qui piquent les yeux du lecteur. Une petite vérification M Jarraud ?
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