Bruno Devauchelle : Après le B2i, le socle va-t-il se "PIX"éliser ? 

PIX remplace B2i. Les enseignants qui avaient pris l'habitude du B2i, ses outils (GiBII, Obii), ceux qui avaient pris l'habitude du socle commun (Sacoche et autres logiciels de suivi des apprentissages du socle), vont devoir mettre à jour leur "logiciel". D'un côté PIX arrive, d'un autre le LSUN (Livret Scolaire Unique Numérique) est aussi annoncé. Si depuis dix années au moins les équipes ont tenté de se familiariser avec cette manière de faire, on a pu observer de nombreuses résistances et surtout des contournements nombreux qui ont fait que la mise en place du socle (et du B2i) s'est traduit par une sorte d'exercice formel de remplissage de cases... Quant au lien avec le fond du problème, le minimum requis pour tous, il est resté dans les limbes comme en témoignent les études PISA...

 

Une validation externe

 

C'est ainsi, sous cette dénomination de PIX que la ministre a présenté le successeur du B2i. Cette annonce est la confirmation de ce que l'on avait entendu précédemment lors de la refonte du socle commun qui a fait disparaître la référence explicite aux compétences liées au numériques dans un pilier (le pilier 4) au profit d'une dilution dans l'ensemble des cinq composantes du nouveau socle. Cette "disparition" n'était pas sans laisser un peu amers ceux qui pendant quinze années (et oui cela fait quinze années que le B2i a été inventé !) avaient tenté d'en faire un instrument cohérent au service des jeunes. Un instrument qui n'oubliait pas la dimension humaine et citoyenne du numérique et qui n'ignorait pas non plus les questions d'information communication émergente (cf. la version 2006 vs la version 2000). L'annonce de PIX mérite d'être questionnée sur plusieurs plans. Ce dispositif au moins dans son principe doit interroger aussi l'évolution du socle commun et du Livret Scolaire Humain Numérique (et papier).

 

Rappelons ici quelques principes de PIX. Le lien avec le fameux DIGCOMP (référentiel de compétences digitales) de l'Europe indique une tentative d'harmonisation, à l'instar du Cadre Européen des Langues (CECRL). Ce lien, ainsi que l'origine institutionnelle de la démarche française (avec le CNEE), montrent aussi une ouverture vers la reconnaissance professionnelle de cette certification (ce qui n'était pas le cas du B2i et autres C2i). Signalons aussi que le PIX, dans la suite des C2i, B2i, se veut un cadre unique tout au long de la vie pour progresser dans la preuve de sa maîtrise des compétences listées dans le référentiel (voir le tableau des compétences). Enfin il faut absolument revenir sur la certification "externe" de ces compétences. Si les institutions scolaires permettent le développement des compétences des élèves (un enseignement ? une préparation ?) et leur permettent de les valider, cette validation est faite "en ligne", donc de l'extérieur (un peu comme le TOEIC et le TOEFL). Si pour PIX cela se confirme, pour le socle commun actualisé, il n'en est pas de même. la "PIXélisation" de l'évaluation est encore partiellement en attente

 

Des connaissances aux compétences

 

Le socle commun institué en 2005 - 2006 avait entériné une approche que le B2i avait rendue explicite en 2000. Celui-ci s'appuyait aussi sur l'approche par compétences initiée en 1995 dans les directives pour l'école primaire. Car c'est bien le passage du primat des connaissances à celui des compétences qu'ont développé ces évolutions. La fameuse approche par compétences, souvent décriée, en particulier par les anti pédago mais pas uniquement, pose de nombreux problèmes dont le principal est celui de l'évaluation. Entre les notes, les validations de critères ou de compétences, le débat continue de faire rage, pas encore tranché d'ailleurs. Pour le dire autrement près de vingt années après ses premières mises en place, l'évaluation des compétences reste encore quelque chose de compliqué dans l'esprit de nombre d'enseignants, ou au moins de difficile à mettre en place. Et ce ne sont pas les logiciels proposés qui facilitent réellement la tâche. Car s'il est facile de remplir des cases, voire de mettre des notes, il est plus difficile de justifier objectivement cela. La question de l'évaluation est d'abord celle de l'objectivation des acquisitions cognitives.

 

En faisant confiance aux enseignants, avec le B2i en 2000 et le socle de 2005, l'institution ne faisait qu'aller dans le sens de la profession qui revendique légitimement d'être en mesure d'évaluer objectivement en interne les apprentissages sans avoir recours à un service externe (comme pour le bac ou encore le TOEIC). Malheureusement force est de constater que le résultat n'est pas à la hauteur des attentes. Il semble que ce soit les objets eux-mêmes (B2i et socle) qui ont provoqué cet écart. D'une part ces deux certifications sont mineures dans la représentation sociale de acteurs de la scolarité, d'autre part la complexité du passage à l'approche par compétences, ont renforcé l'attentisme ou les contournements observés.

 

Quel avenir pour Pix et le LSUN ?

 

Qu'en est-il alors de ces deux nouveautés, LSUN (N pour numérique) et PIX ? Pour le LSUN, le ministère a mis en place son système de recueil d'informations et semble prêt à entériner les éléments transmis par les établissements. Mais c'est là que se trouve la difficulté : en cette fin d'année, plus de trois mois après la rentrée, les spécifications permettant aux développeurs d'ENT et autres logiciels d'évaluation/notes n'ont toujours pas été transmises (source syndicale) et donc les logiciels habituels n'ont pas encore permis l'entrée dans l'évaluation nouvelle. On peut s'attendre à ce que cela ne fasse que confirmer ce que l'on a observé pour le socle... Aussi bien sur le plan pédagogique que sur le plan technique les difficultés restent grandes. En d'autres termes, le Socle commun de connaissances et de compétences, risque de rester encore longtemps un étendard de la lutte contre les inégalités dont la traduction dans le réel se fait encore attendre... Autrement dit ces élèves qui finissent leur scolarité sans diplôme (ou si peu) ayant décroché ou pas resteront les parents pauvres de notre système éducatif.

 

Quant à PIX, les soubresauts de l'organisme de tutelle (démissions et remplacements à la tête du CNEE Conseil National Education et Economie) de ce projet doivent être rapprochés de cette valse-hésitation traduite par un calendrier qui va laisser une année vide (au moins) entre l'ancien B2i et le nouveau PIX. Nous ne contesterons pas ici le bienfondé de ce nouveau dispositif, il faudra simplement vérifier que les promesses se traduisent par des effets, en particulier d'une part sur la reconnaissance de la certification, d'autre part sur la mise en œuvre d'une véritable formation aux compétences numériques disciplinaire et interdisciplinaire. Quels enseignants se sentent en mesure de valider les compétences numériques des élèves et dans quels contextes ? Quels enseignants se sentent en mesure de permettre aux élèves de développer des compétences numériques dans leurs enseignements ? Plus largement quelle politique et quelles stratégies mettre en place dans les établissements scolaires si l'on veut que la question du numérique ne soit pas l'objet de querelles de territoires disciplinaires (ou personnels).

 

PIX comme le LSUN ne résoudront rien par eux même. Pour PIX, on peut simplement penser qu'une évaluation externe des compétences et la reconnaissance professionnelle de celles-ci sera peut-être un moteur pour la prise de conscience des responsables comme des acteurs du quotidien (on ne pourra plus valider en interne, par complaisance). Pour le LSUN, ne nous illusionnons pas ! Le socle n'est pas une baguette magique qui fera changer les statistiques PISA. Il faut une réelle prise de conscience de l'enjeu du passage à l'approche par compétences à tous les niveaux d'enseignement pour que le socle puisse trouver sa place. Sinon il sera condamné à l'exotisme.

 

Car c'est bien ce que révèle l'observation de vingt années de mise en place progressive de cette approche : les représentations sociales de l'apprendre et de son évaluation restent très marquées par le modèle des notes institué au 19è siècle... Dénoncé par de multiples travaux de recherche, en docimologie notamment, ce modèle est tellement structurant par rapport à une société qui classe qu'il semble difficile d'en changer à court terme... Si on y ajoute une couche de numérique, il est probable que les récurrents accusateurs de tout changement vont, à nouveau se mettre en avant... sans pour autant faire l'effort de compréhension nécessaire à toute réflexion et à tout débat sérieux.

 

Bruno Devauchelle

 

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Adieu B2i, bonjour Pix

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 25 novembre 2016.

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