Maurice Mazalto : Des espaces scolaires pour le bien-être ? 

Elles sont comment les toilettes dans votre établissement ? La salle des profs vous donne vraiment envie de rester ? A travers ces deux exemples limités, on voit que l'architecture  scolaire influe sur notre rapport à l'établissement et finalement au sentiment de bien être qu'on y ressent. Or ce n'est pas sans rapport avec les résultats scolaires nous dit Maurice Mazalto dans un petit livre richement illustré. Il montre comment on peut pratiquement on peut accompagner des aménagements des espaces scolaires de façon à ce qu'ils répondent mieux aux besoins et aux attentes d'une communauté scolaire.


 Peut-on définir une architecture scolaire idéale ? Non sans aucun doute; Car l'architecture scolaire renvoie à des conceptions pédagogiques. Or celles ci diffèrent d'un enseignant et d'un élève à l'autre. L'école a eu aussi ses utopies architecturales et ses modes. Elles ont rarement  dirigé les pratiques pédagogiques. Inversement les enseignants ont tous eu à travailler dans des locaux qui ne répondaient pas aux besoins pédagogiques voire qui faisaient souffrir élèves et enseignants.


Ancien chef d'établissement, expert et consultant, Maurice Mazalto suit depuis des années des constructions ou des aménagements d'établissements. Son livre en donne de très nombreux exemples, photos à l'appui. On voit comment on peut réaménager les fameuses toilettes ou le restaurant scolaire pour en faire des endroits agréables. On trouve aussi des réponses aux questions que le numérique pose aux locaux scolaire. Aucun espace n'est laissé de coté, de la cour de récréation de maternelle aux barrières d'un lycée.


En quelques pages, M Mazalto partage un petit tour de France bien utile pour tous ceux qui croient que la transmission des savoirs marche mieux quand elle se fait dans des lieux adaptés.


François Jarraud


Maurice Mazalto, Concevoir des espaces scolaires  pour le bien-être et la réussite. L'Harmattan. ISBN : 978-2-343-11447-7


Sommaire et photos



Maurice Mazalto : "Questionner les utilisateurs est la seule façon de réussir"


Pourquoi nos établissements scolaires ne sont-ils pas plus accueillants ? Maurice Mazalto revient sur cette question et sur les exemples d'aménagements réussis ou ratés présentés dans son livre.


Votre ouvrage comporte de nombreux exemples d'architecture scolaire et une centaine de photographies d'établissements dans toute la France. Comment avez vous réuni tous ces éléments très concrets d'information ?


 J'ai été chef d'établissement dans un lycée qui nécessitait une extension. C'est là que j'ai été confronté pour la première fois, parce que le conseil régional m'y invitait, aux questions d'architecture scolaire. Je militais au CEMEA et je voulais apporter des réponses permettant aux adolescents de se sentir bien dans mon établissement.


J'ai travaillé la question et petit à petit j'ai découvert que l'architecture scolaire n'est pas neutre. Elle matérialise des conceptions éducatives déterminées par les personnes en charge des établissements comme les architectes mais aussi les collectivités territoriales. En m'intéressant à cette question j'ai pris de nombreuses photos et je me suis constitué une iconographie de choses fonctionnelles.


Mon livre s'appuie sur cette double expérience qui me fait dire que pour répondre aux demandes il n'y a pas besoin de dépenser beaucoup d'argent. On peut aménager à peu de frais. Mais il faut écouter les usagers et voir avec eux ce qu'il est possible de faire pour qu'ils se sentent bien dans leur établissement.


Peut on réellement affirmer que l'architecture a un effet sur le bien être et la réussite des élèves ?


La réussite éducative c'est à la fois la réussite pédagogique et dans le domaine de la socialisation. L'Ecole a deux missions : transmettre des savoirs mais aussi développer le vivre ensemble. J'ai constaté comme chef d'établissement que ces deux missions sont interactives. Quand le vivre ensemble fonctionne bien les résultats scolaires s'en ressentent positivement. Vivre au maximum la socialisation favorise la qualité de la transmission des savoirs. J'essaye dans ce livre de montrer comment les différents espaces des établissements peuvent installer du bien être à l'école. Je suis ambitieux puisque le livre va de la maternelle au lycée.


Le problème numéro 1 dans les établissements c'est le triste état des toilettes. Que peut on faire ?


Les toilettes ont toujours été négligées et la situation est scandaleuse. Elles sont vues comme un espace d'agressions, de conflits et sont souvent collectives. Je ne comprends pas pourquoi on ne préconise pas des toilettes individuelles. Dans le livre je montre un exemple à Belfort qui fonctionne. Les toilettes doivent respecter la dignité des élèves, prendre les précautions de sécurité nécessaires mais considérer les enfants comme des adultes en devenir.


Mais cela demande des moyens notamment humains qui n'existent pas partout ?


Pour le personnel d'entretien ce n'est pas plus difficile d'entretenir des toilettes individuelles respectées que des collectives esquintées. J'ai connu le cas de dégradations dans un établissement que je dirigeais. Le CPE souhaitait fermer les toilettes. Ce n'est pas la solution. Il faut chercher le bon aménagement qui amènera l'attitude positive. Dans ce cas précis , le livre montre page 98 des sanitaires individuels réalisés avec le soutien de la collectivité locale.


Un autre problème c'est le bruit omniprésent aussi bien en salle des profs qu'au réfectoire...


C'est le problème de la détente. Il concerne plusieurs espaces . Par exemple en cour de récréation certains enfants cherchent le calme d'autres sont toniques. Si on mélange les deux ceux qui ont une activité tonique prennent le dessus. Il faut deux territoires et c'est ce que je montre dans le livre page 69 : une cour de récréation avec un coin lecture et un coin foot. Les aménagements doivent permettre des activités différentes sans frustration.


Un peu plus loin j'aborde la question du self. Je montre page 94 un aménagement à l'ancienne de type cantine qui génère beaucoup de bruit. Je donne aussi la solution : un autre aménagement des tables avec la volonté de créer des espaces conviviaux. Ces aménagements sont modestes. C'est vrai que les tables de cantine en long sont plus faciles à nettoyer. Toute modification doit donc être négociée avec les agents.. On peut aussi leur expliquer qu'ils auront moins de saletés.


Les enseignants manquent de place. Que peut on faire ?


Ils sont mal lotis c'est sur. Je montre des salles de professeurs avec des aménagements différents. Mais il faut aussi parler des parents. Quelle place leur fait on ?


Vous recommandez de consulter les utilisateurs. Mais , outre le fait que cela génère des couts de construction, cela suppose qu'ils soient d'accord. Or dans un établissement il y a des conceptions pédagogiques différentes avec des attentes différentes...


C'est très divers c'est vrai. Et la difficulté quand on ouvre un établissement neuf c'est qu'on ne sait pas si les utilisateurs seront d'accord. Quand il y a réaménagement les personnels sont en place et ils peuvent être associés au travail architectural. J'en montre deux exemples dans le livre. Un où il y a eu désaccord. C'est à Vesoul (page 108). Un autre où la principale  s'est adressée aux enseignants, aux élèves, aux parents , à la collectivité et a obtenu leur accord sur un projet. Souvent les chefs d'établissement reculent devant cette démarche. Or questionner les enseignants, les parents, les personnels techniques est la seule façon de réussir.


Propos recueillis par François Jarraud

Maurice Mazalto, Concevoir des espaces scolaires  pour le bien-être et la réussite. L'Harmattan. ISBN : 978-2-343-11447-7


Sommaire et photos



Par fjarraud , le mercredi 19 avril 2017.

Commentaires

  • Jeandoute, le 03/10/2017 à 14:06
    Principal de collège, lorsque j'arrive dans un établissement je me dirige rapidement vers les toilettes. Celles des élèves, hein.

    Eh bien c'est généralement au-dessous de tout. Moi qui ai souffert des toilettes à la turque lors de mon enfance*, on a en France en 2017 des toilettes aux parois défoncées, des portes aux verrous qui ne ferment pas, aux espaces supérieurs et inférieurs hors de proportion, sans papier hygiénique, sans savon ni sèche-mains.
    Puis-je savoir quels adultes supporteraient un tel état de fait ?
    Sait-on les conséquences sur la santé des enfants, la représentation qu'ils ont d'eux-mêmes, de la société ?

    D'une manière générale, l'école et l'univers carcéral ont beaucoup de points communs.

    * J'ai pu faire une colo avec Maurice Mazalto, en Isère, fin des années 70. Les conditions d'hygiène étaient indignes. Il n'a eu de cesse que d'aménager des sièges en bois au-dessus des wc à la turque, pour que nos petits de six ans aient un minimum de confort.
    Il avait installé des billots de bois avec des marteaux et des clous à volonté, et les gamins venaient enfoncer des clous, ce qui réclame de la technique, éviter de se taper sur les doigts...
    Tout le monde prenait les douches ensemble. Oui oui, évitez les idées sexuelles, qui seraient tout à fait décalées.
    Je ne l'oublierai jamais : le bonhomme et ce que j'ai découvert.
Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces