Valérie Tabuteau : A la conquête littéraire de l’ICN 

Les modalités de l’épreuve facultative d’Informatique et Création Numérique (ICN) en ES et L viennent de paraitre au B.O. : la présentation d'un projet de création numérique réalisé collectivement par un groupe d'élèves doit permettre d’évaluer les compétences acquises en informatique ainsi que dans les « enjeux épistémologiques ou sociétaux » du numérique. Comment en saisir l’esprit ? Comment s’y préparer au mieux ? Comment y mener un travail de création véritablement interdisciplinaire ? Dans l’académie de Nantes, Valérie Tabuteau, professeure de français au lycée Jean Bodin aux Ponts-de-Cé, trace de jolies perspectives à travers un module mené dès la seconde : les élèves sont amenés à enrichir numériquement un roman de Pierre Lemaitre et s’initient aux plaisirs neufs de l’hyperlittérature ...

 

Ce travail a pris place dans le cadre d’un module en ICN : pouvez-expliquer ce qu’est l’ICN et quel dispositif de travail a été mis en place ?

 

L’ICN (informatique et création numérique) est un nouvel enseignement d’exploration proposé aux élèves de seconde. Il permet de s'initier au numérique (codage, traitement de l'information, de l'image, du son), de s'informer sur les droits et devoirs sur la toile, de comprendre comment le numérique peut être présent dans notre quotidien, de découvrir des métiers et formations dans ce secteur porteur et d'aborder les arts numériques. Je travaille en binôme avec un collègue, Eric Baum, qui se charge de l'aspect plus technique et j'aborde de mon côté la création numérique.

 

Le travail mené porte sur « l’hyperlittérature » : de quoi s’agit-il ? quels vous semblent les intérêts d’aborder avec les élèves un tel domaine que certains jugeront « avant-gardiste » ?

L'hyperlittérature est en fait un développement de ce que l'on appelle le concept de l'hypertexte (mise à disposition collective et souple de l'information par le biais de blocs reliés entre eux et organisés pour en faciliter l'accès, imaginé dès 1945 par l'armée américaine). Cette conception mise au service de la littérature permet de développer la fiction en reliant certains éléments du texte à d'autres parties du livre ou à d'autres médias afin d'enrichir une œuvre littéraire classique qui se présente sous une forme linéaire. L'intérêt de travailler avec les élèves sur cette nouvelle forme de littérature est d'exploiter leurs compétences certaines en informatique, d'évaluer leur compréhension du texte et de leur laisser un nouvel espace de liberté pour s'approprier les œuvres.

 

Les élèves ont été invités à enrichir numériquement le roman de Pierre Lemaitre « Au revoir là-haut » : quels ont été étapes, modalités et outils de travail ?

 

Ce travail est un module d'initiation et ne devait pas prendre plus de 3 séances d'1h30. Dans un premier temps nous avons vu des œuvres hypermédias sur le site de la revue Bleu Orange : « In the White Darkness » de Reiner Strasser qui propose des liens et des effets graphiques et « For all seasons » d'Andréas Müller avec une animation syntaxique. Je leur ai ensuite présenté l'auteur et l'œuvre puis un corpus de 6 extraits. Après le choix d'un des textes, ils ont repéré les éléments qui pourraient être complétés, découpé l’extrait en unités de sens et l'ont augmenté par l’insertion d’autres éléments (texte, son, vidéo, photo...) sur le support Prezi.

 

A la lumière de leurs réalisations, quels profits les élèves ont-il selon vous tirés d’un tel projet ?

 

Les productions ont fait apparaître qu'un même extrait pouvait être compris différemment par les élèves et qu'une lecture va au-delà du décryptage de signes, c'est aussi mettre un peu de soi. Ainsi, certains ont ajouté des informations pour éclairer le sens quand d'autres ont fait le choix de poursuivre la création par l'insertion de sons qui surprennent le lecteur, illustrent le propos. Ils ont compris que ce travail demandait une réelle appropriation du texte mais aussi leur ouvrait des possibles qu'ils n'envisageaient pas dans le cadre d'un exercice scolaire. En fin d'année, nous leur proposons de mener à bien un projet personnel en réutilisant ce qui a été vu et certains veulent exploiter ce module.

 

De manière générale, en quoi le français vous semble-t-il avoir sa place dans un enseignement tel que l’ICN ?

 

Le choix du français dans cet enseignement est d'abord une volonté forte du chef d'établissement et de l'équipe. Tous les élèves sont confrontés aujourd'hui au numérique et il ne se résume pas en la manipulation d'un outil technique, c'est aussi une éthique à acquérir et un autre mode de création. D'ailleurs, les textes officiels proposent de poursuivre cette option en 1ère et terminale des filières ES et L. D’autre part ce travail permet de revenir à une approche plus sensible des œuvres littéraires qui à mon avis est devenue trop « technique » avec les exercices de l’EAF.

 

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

 

Sur le site de l’académie de Nantes

L’épreuve du bac au B.O.

Une piste avec Serge Bouchardon dans le Café

 

 

Par fjarraud , le mardi 09 mai 2017.

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