Blanquer va-t-il changer la gouvernance de l'éducation nationale ? 

Et si on prenait les propos de JM Blanquer au sérieux ? Dans le Nouvel Observateur, en annonçant le recrutement des enseignants par les chefs d'établissement, le ministre de l'éducation nationale ouvre un nouveau chantier, celui de la gouvernance du système éducatif. Alors prenons le au sérieux. Quelles sont les idées de JM Blanquer en ce domaine ? Comment peut-il les pousser ? Bref à quoi faut-il s'attendre ?

 

Un nouveau tempo politique

 

Dans Le Nouvel Observateur, JM Blanquer montre beaucoup de détermination. "Il y a eu une élection présidentielle, des élections législatives... le peuple français a approuvé les orientations présentées, chacun doit en tenir compte", dit-il. Et il annonce sa volonté de faire recruter les enseignants  par les chefs d'établissement.

 

"Mon objectif est simple", dit-il. "Des établissements avec des équipes unies, partageant un projet éducatif fort. Dans ce cadre, oui, il est logique que le chef d’établissement ait un rôle à jouer en matière de recrutement... Les professeurs auraient tout à gagner à ces évolutions".

 

A quelques jours de sa rentrée officielle, le 29 août au matin, le ministre marque sa volonté et ouvre un nouveau chantier. Pas n'importe lequel: celui qui peut mobiliser le plus les enseignants contre lui. Et il le fait à un moment clé de l'année scolaire : la rentrée.

 

Il y a donc dans ces propos plus qu'une idée lancée en l'air. C'est un nouveau tempo politique qu'annonce JM Blanquer. Celui des réformes de fond alors que le gouvernement et le président gardent encore une opinion majoritairement favorable. Des idées que le ministre devrait développer le 29 mars lors de sa conférence de presse de rentrée dont on sait déjà qu'elle est prévue pour être exceptionnellement longue.

 

Quelle sont les idées de Blanquer sur la gouvernance ?

 

Alors prenons JM Blanquer au mot. Et cherchons ses idées sur la gouvernance de l'Education nationale.

 

Faire recruter les enseignants par les chefs d'établissement n'a pas fait partie du programme Macron. Par contre l'idée est bien développée dans "L'école  de demain", le livre programme publié par JM Blanquer en 2016.

 

"Il faut repenser les mécanismes d'affectation et de mouvement qui constituent l'un des freins majeurs à la transformation du système éducatif", écrit-il."Le recrutement sur profil pourrait être généralisé... comme c'est le cas dans l'enseignement privé".

 

Ce que propose Blanquer c'est déjà de distinguer le concours et l'affectation. Après le concours les candidats enseignants devraient trouver un poste par eux mêmes en sollicitant les établissements. Le concours ne serait plus qu'une "habilitation à enseigner", précise JM Blanquer, "le recrutement étant de la responsabilité du chef d'établissement". Pour lui c'est même le minimum, ou le premier pas vers l'autonomie.

 

Jean-Michel Blanquer défend l'idée d'un chef d'établissement "véritable responsable" de son établissement, assisté d'une équipe de direction de 5 à 10 personne comprenant des enseignants. Le chef d'établissement évaluerait les enseignants, les inspecteurs ayant en charge des audits d'établissement. La direction déciderait de la paye de chaque enseignant, celle  ci étant composée d'une partie récompensant "le mérite". Le service des enseignants serait annualisé de façon à faciliter les remplacements.

 

JM Blanquer voit dans ce système l'avantage de favoriser la cohésion des équipes et l'adhésion au "projet" de l'établissement. "Ce système offre une liberté nouvelle aux professeurs qui peuvent candidater à des postes qui correspondent davantage à leur projet". A noter que ce système ne serait pas mis en place que dans l'enseignement du second degré. Dans le primaire , JM Blanquer imaginait en 2016 des directeurs chefs d'établissement ou des circonscriptions associant collège et écoles de secteur.

 

Ce qu'on sait des pays où ce principe s'applique, la Suède ou les pays anglo saxons, c'est que se crée une hiérarchie des établissements, les enseignants jugés les meilleurs se dirigeant vers les établissements les plus gratifiants. Au lieu d'un recrutement par affinité, qui n'existerait que si les établissements étaient égaux,  on obtient une aggravation des écarts entre établissements, ceux des quartiers populaires récoltant les enseignants les moins bien formés.

 

Une nouvelle structuration de l'Ecole

 

Pour JM Blanquer,l'établissement doit disposer d'une large autonomie. Dans son livre JM Blanquer fustige "l'égalitarisme" dans les mêmes termes que dans Le Nouvel Observateur. Chaque établissement aurait une large autonomie en ce qui concerne les enseignements. Mais il serait soumis à un contrôle de ses objectifs. C'est cette logique de contrat que Blanquer imagine partout, dans les relations entre Etat et établissement comme entre celui-ci et les professeurs.

 

Mais la réflexion de JM Blanquer ne s'arrête pas au niveau de l'établissement. Il propose aussi de revoir l'organisation territoriale de l'Education de l'éducation nationale. Dans son livre il dessine trois niveaux de gestion. Celui des 13 académies, le département et une nouvelle circonscription taillée sur celles des IEN et regroupant primaire et secondaire. C'est gommer la vingtaine d'anciennes académies qui aujourd'hui gardent leurs compétences.

 

Que va retenir JM Blanquer de toutes ces idées ? La totalité ? Une partie ? Une chose semble certaine : c'est que la violence de ses attaques , dans le Nouvel Observateur, montre que le ministre est  déterminé à aller loin et fort. Il semble décidé à affronter l'opposition des enseignants et des "pédagogistes".

 

A quoi sert la querelle des méthode de lecture ?

 

C'est peut-être l'autre élément qu'il faut retenir de cet entretien de rentrée. JM Blanquer affirme avoir le complet soutien de Macron. Le fait qu'il n'y ait pas de conseiller éducation scolaire à l'Elysée (mais un conseiller enseignement supérieur et scolaire) va en ce sens. La  nomination de son directeur de cabinet et du nouveau Dgesco aussi.

 

Le ministre n'hésite pas à relancer la guerre des méthodes de lecture. On se rappelle à quel point l'offensive menée par Robien et son directeur adjoint de cabinet, JM Blanquer, en 2006 a affaibli l'école , dressant les parents contre les professeurs des écoles. On sait aussi que cette querelle est totalement artificielle et qu'il n'en sortira rien que des violences inutiles.

 

C'est pourtant cette manoeuvre que JM Blanquer tente en ce moment. C'est peut-être sa façon de montrer sa détermination et de créer un rapport de force politique qui affaiblisse le monde enseignant. Dans tous les cas, il faut s'attendre à une rentrée offensive quai de Grenelle. Première étape le 29 août ou avant ?...

 

François Jarraud

 

Blanquer :les enseignants recrutés par le chef d'établissement

L'école de demain

Dossier Blanquer

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 25 août 2017.

Commentaires

  • Guillaume35, le 27/08/2017 à 18:30

    Est-il possible d'avoir un débat serein sur le recrutement des enseignants par les établissements scolaires ?  Pourquoi les poils de certains en France se dressent en évoquant ce sujet alors que cela se pratique dans des pays comme la Finlande qui a une politique très soucieuse de l'égalité des chances ?

    Ignore-t-on les recherchesde grande ampleur qui montrent l’impact positif du chef d’établissement dans sonrôle de leadership pédagogique ?¹

    Ignore-t-on en France lesMaisons Familiales Rurales (MFR) où les directeurs, entourés d'un conseild’administration, recrutent leurs propres enseignants ? Ces établissementsont des résultats remarquables et les enseignants y travaillant sont trèsheureux.

    Ignore-t-on que dans lafonction publique territoriale française, le concours ne donne pas droit à uneaffectation  mais à une possibilité d’exerceret que la liberté de recrutement est laissée aux collectivités locales ? Celaen fait-il de notre fonction publique territoriale un système ultralibéral ?

    Faut-il balayer ce sujet parce que le seul fait d’introduire une autorité verticale suscite des boutons chez certains ? Pourquoi autant de méfiance vis-à-vis de l’autorité comme sielle était nécessairement malveillante alors que sa mission première est d’impulser une dynamique ? Comment peut-on récuser l’autorité alors qu’on la demande pour nos élèves ?  Sans doute y a-t-ilune crainte du chef d’établissement tout puissant. Pour autant, celui-ci ne peut exercer seul sa responsabilité et c’est la raison pour laquelle il peut être épaulé par différents conseils (conseil d’administration, conseil pédagogique…)et doit pouvoir rendre des comptes aux autorités académiques.

    Que penser de notre systèmeactuel de mutation français où c’est le nombre d’années d’ancienneté ou uneperte de poste qui compte plus que la liberté de l’enseignant ?

    Peut-on se réjouir desituations aberrantes comme celle-ci : http://www.ouest-france.fr/normandie/alencon-61000/alencon-le-professeur-attend-sa-mutation-depuis-six-ans-4157326

    La France n’est-il pas lepays de l’OCDE où les enseignants sont les moins satisfaits professionnellement ? http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2015/04/24042015Article635654585305215511.aspx

    Idem pour les inspecteurs http://www.lexpress.fr/education/alerte-sur-l-epuisement-des-inspecteurs-de-l-education-nationale_1851635.html

    Le système de recrutement n’explique-t-ilpas en partie cette insatisfaction ?

    De plus, comment faireadhérer des enseignants à un projet éducatif d’établissement pourlequel ils n’ont pas été recrutés ? La cohésion d'une équipe éducative est-ellesimple à mettre en œuvre avec des enseignants qui ne partagent pas le mêmeprojet ?

    On peut être d’accord ou pas avec les décisions du ministre Blanquer (je ne partage pas son point de vue sur le retour aux 4 jours) mais dans tous les cas, la mesure et la clairvoyance doivent rester de mise. La position du Café pédagogique interroge lorsqu’il évoque « la violence des attaques » du ministre Blanquer et de son souhait « d’affronter l'opposition des enseignants et des « pédagogistes ». Pourquoi le Café pédagogique emploie-t-il un vocabulaire presque guerrier ? En quoi serait-il  le « défenseur » de la cause enseignante ? Pourquoi une telle réaction épidermique au lieu de poser sereinement le sujet sur la table ? 
    Bien sûr que le recrutement des enseignants par les chefs d’établissements ne fera pas tout dans l’amélioration du système éducatif (il y a la formation, le travail coopératif des enseignants). Mais, au lieu d’en faire un sujet « brûlant », faisons en un débat digne de ce nom !

    ¹ «  L’efficacité dans l’enseignement », dirigépar Xavier Dumay et Vincent Dupriez  etpublié en 2009 fait état des différentes recherches sur l’efficacité de l’enseignement.

    • Viviane Micaud, le 28/08/2017 à 09:41
      Il me semble que votre raisonnement a une faille de logique.
      - Oui, l'animation faite par le chef d'établissement de son équipe est fondamental pour la réussite des élèves. Cela suppose de lui donner les moyens d'établir la confiance dans une équipe, des missions claires et stables, une formation au management par l'empowerment.  Le plus important est que le rectorat soit capable de ne pas désavouer les profs chaque fois qu'un parent se plaint (à tort ou à raison). Et que le "système de gouvernance" de l'Education nationale soit capable de ne pas envoyer d'instructions infantilisantes sur ce qui devrait être de la liberté d'action du chef d'établissement. 
      - Oui, il y a un problème dans le système d'affectation, de mutation et de promotion des enseignants. Pour les enseignants et pour l'efficacité du système. Il n'est pas souhaitable d'avoir des enseignants débutants dans les classes les plus difficiles. Ni pour l'enseignant, ni pour l'élève, ni pour la nation (car le suivi à l'âge adulte d'un jeune qui sort du système scolaire sans maîtriser la lecture en état de découragement a un coût chiffrable, en partie.)
      - Non, la solution du recrutement par le chef d'établissement dans tous les établissements, n'est pas pertinente. Pourquoi? parce que cela crée une concurrence entre les écoles qui crée un comportement de consommateur chez les parents, et un comportement "marketing" des établissements. Or dans l'éducation tout ce qui est important n'est pas mesurable. C'est pour cela qu'une gestion basée uniquement sur les indicateurs mettrait en place une "tyrannie du chiffre" qui conduit à des dysfonctionnements graves au bout de 2 ans. (désengagement généralisé des impliqués-sincères, or ce sont les impliqués-sincères qui font la performance en tirant les opportunistes).
      Donner cette possibilité dans les établissements à valoriser car souffrant d'un déficit d'image, où étant situés dans une zone particulière peu accessible, peut être intéressante. Les critères doivent être précis.
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