Accès au supérieur : Une concertation pour rien ? 

" Cette consultation s’est déroulée de manière remarquable. Les thèmes abordés sont sensibles. Les diagnostics ne sont pas toujours partagés". Daniel Filatre a publié le 19 octobre le rapport qui clôt les débats des 11 groupes de travail qui, depuis le 11 septembre, ont réfléchi à l'orientation des lycéens dans le supérieur. Finalement le rapport ne tranche pas les questions difficiles comme celle des pré requis contraignants. C'est donc la ministre qui décidera, sans être gênée par les débats des universitaires. Alors, une consultation pour rien ?

 

Un mois de consultations

 

Avec des taux d'échec massifs en licence et des milliers de jeunes inscrits dans APB et restés sur le carreau à la rentrée, le système d'affectation dans le supérieur est bien en crise. Et les victimes de la crise sont en priorité les jeunes bacheliers technologiques et professionnels.

 

La ministre a réuni depuis début septembre 11 groupes de travail étudiant soit l'accès à une filière "sous tension" (Staps, santé, psychologie) soit une thématique (orientation au lycée, accès au premier cycle, formations pour tous les publics). Le 19 octobre le moment de la restitution générale des travaux est venu. Daniel Filatre a rédigé un rapport qui synthétise les travaux des groupes.

 

Les professeurs de  lycée mis en cause

 

Et son rapport et ses premières recommandations sur la réussite dans le supérieur commencent par le lycée. Plus précisément, par une critique en règle de l'orientation au lycée et par des injonctions visant les professeurs de lycée.

 

" Il est demandé l’appui consolidé de tous les professionnels compétents pour développer et renforcer l’information des lycéens afin de les préparer à des choix éclairés", écrit le rapport. Il demande " un engagement des conseils de classe à prononcer un avis sur le projet d’orientation de chaque élève". Cette pratique existe pour l'entrée en filière sélective, comme les CPGE. Le rapport veut la généraliser et la rendre obligatoire. De même il demande " l’engagement des équipes pédagogiques de lycée à accompagner de manière systématique l’usage du futur dispositif".

 

Interrogée par le Café, Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes, parle d'un "mise en cause" des enseignants. "Toutes les disciplines sous tension ne sont pas enseignées dans le secondaire. Comment les conseils de classe pourraient ils émettre un avis ?", demande-elle.

 

Pré requis contraignants ou pas ?

 

La seconde partie du rapport traite la question de l'affectation des lycéens.  Obnubilés par le tirage au sort, les groupes  estiment qu'il faut "prendre en compte le profil de l'élève", ce qui  amène les fameux pré requis. Le sujet divise les groupes entre partisans du droit à faire les études de son choix et ceux qui souhaitent définir des pré requis sélectifs.

 

Le rapport ne prend pas parti. Il envisage quatre modes d'accès au supérieur : le A caractérisé par l'accès libre, le B adjoignant à l'accès libre au supérieur des recommandations. L'option C c'est la mise en place d'accès sous conditions. Et la D assume la sélection partout. Qui fixerait les pré requis ? Les groupes se divisent entre partisans de pré-requis nationaux ou propres à chaque université.

 

Chaque filière saturée a imaginé les pré requis qui lui seraient nécessaires. Ainsi dans la filière santé " Des prérequis seraient définis dont la connaissance serait vérifiée par la validation d’un MOOC « préparation à l’entrée dans les études de santé ». Ces prérequis différents selon les modes d’entrée, "garantiraient la possibilité d’accès aux études de santé à différents profils de bacheliers"

 

Le débat a aussi porté sur la refonte de l'offre de formation de l'enseignement supérieur. " Un accord quasi unanime s’est fait jour pour engager fermement, à grande échelle et de manière pérenne, des évolutions sur le premier cycle d’études supérieures". Mais le rapport reste moins précis qu'à propos du lycée... Il recommande des formations plus personnalisées , voire un "contrat pédagogique de réussite" avec l'étudiant.

 

Les bacheliers professionnels absents du rapport

 

Le rapport n'évoque jamais le cas particulier des bacheliers professionnels qui sont actuellement  les premières victimes du système d'affectation dans le supérieur. Rappelons que sur 180 000 bacheliers professionnels, 115 000 souhaitent poursuivre des études mais seulement 45 000 trouvent une place dont 15 000 en université où leur capacité de réussite est très faible. Interrogé par le Café, Daniel Filatre précise l'attachement des groupes au principe de "l'égale dignité des bacheliers". Pour lui il est clair que s'ils s'adressent à des formations appartenant aux groupes B ou C , les pré requis seront prescriptifs.

 

En juillet, E Philipep  avait annoncé " des diplômes de qualification à bac+1" pour les bacheliers professionnels. Il n'en est pas question dans le rapport. L'idée est -elle écartée ou va t-elle  revenir dans le dossier sur la formation professionnelle ?

 

A quoi a servi la consultation ?

 

Au final, le rapport fait l'état des lieux des divergences. Il laisse les mains libres à Frédérique Vidal. Elle pourra faire connaitre ses choix, notamment en ce qui concerne la sélection. Elle devrait le faire début novembre. Ses moyens budgétaires ne lui permettent pas de créer le nombre important de places qui seraient nécessaires.

 

A quoi  a servi la consultation ? Elle a occupé pendant un mois les syndicats et de nombreux spécialistes qui ont surtout débattu de questions pédagogiques. Comme le taux d'échec en université est très fort même pour les meilleurs (seulement 51% de réussite à la licence au bout de 4 ans pour les bacheliers S !) ce n'est pas inutile.

 

On a là la première utilité de cette consultation. Face au scandale du manque de places dans l'enseignement supérieur, la discussion de tous est partie sur les pre requis ou la réforme pédagogique du 1er cycle universitaire. Du coup la question des moyens d'enseignement est peu abordée. Le rapport demande bien des moyens supplémentaires mais en termes vagues. Or la crise d'APB et généralement de l'affectation dans le supérieur provient bien d'un afflux d'étudiants qui n'a pas été anticipé et particulièrement en BTS.

 

La consultation invite à des réformes du premier cycle et à une personnalisation des parcours universitaires. Elle a permis de faire remonter des expérimentations en  ce sens.

 

Cette consultation a-t-elle sauvé le principe du droit d'accès de tous les bacheliers dans le supérieur ? "Dans les intentions affichées  par la ministre oui. Mais on verra en pratique si on met des filtres pour décourager des bacheliers" nous a confié F Rolet. Réponse début novembre avec les décisions de F Vidal.

 

François Jarraud

 

La rapport

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 20 octobre 2017.

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