Manifeste d’enseignant•es contre une règle scélérate 

7 novembre 2017 : 313 enseignant•es publient un manifeste. Ils s’y engagent à ne plus enseigner la règle grammaticale selon laquelle « le masculin l’emporte sur le féminin ». Explications ? Cette « règle scélérate », récente, peut être facilement remplacée, par exemple  par la règle de proximité qui a longtemps été d’usage en français, à l’instar du latin. Cette « règle scélérate », idéologique, a été édictée au XVIIème siècle pour asseoir dans la langue la hiérarchie des sexes. Cette « règle scélérate », institutionnalisée, contribue à faire du sexisme la norme, linguistique, scolaire, sociale. Les signataires du manifeste appellent chacun•e à les rejoindre pour participer au changement des pratiques et des mentalités. Voici le texte du manifeste …

 

 «  Nous, enseignantes et enseignants du primaire, du secondaire, du supérieur et du français langue étrangère, déclarons avoir cessé ou nous apprêter à cesser d'enseigner la règle de grammaire résumée par la formule « Le masculin l'emporte sur le féminin ». Trois raisons fondent notre décision.

 

• La première est que cette règle est récente dans l'histoire de la langue française, et qu’elle n’est pas nécessaire. Elle a été mise au point au XVIIe siècle. Auparavant, les accords se faisaient au gré de chacun•e, comme c’était le cas en latin et comme c’est encore souvent le cas dans les autres langues romanes. Bien souvent, on pratiquait l'accord « de proximité », venu du latin, qui consiste à accorder le ou les mots se rapportant à plusieurs substantifs avec celui qui leur est le plus proche. Par exemple : « afin que ta cause et la mienne soit connue de tous » (Ronsard, épître à la Response aux injures et calomnies…, 1563). La nouvelle règle a d’ailleurs dû attendre la généralisation de l'école primaire obligatoire pour être appliquée massivement : « On peut aller sur le lac [d’Évian], en bateaux à vapeur ou petits-bateaux, et visiter les coteaux et montagnes voisines, à pied ou en voiture » (Dr Linarix, Guide pratique de la Savoie et Haute-Savoie médicale et pittoresque, 1896).

 

• La seconde raison est que l’objectif des promoteurs de la nouvelle règle n’était pas linguistique, mais politique : « Parce que le genre masculin est le plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins, quoiqu’ils soient plus proches de leur adjectif. » (Dupleix, Liberté de la langue françoise, 1651) ; « Le masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » (Beauzée, Grammaire générale… 1767). Si l'école de la République a préféré abandonner cette formule au profit de celle qu'on connaît, c'est en reconduisant l'ordre de valeur qui est à son fondement. Un ordre que les classes politiques maintenaient parallèlement, en refusant aux femmes les droits politiques jusqu'en 1944, et en refusant plus longtemps encore de leur ouvrir les grandes écoles ou d'abroger les dernières dispositions du « Code Napoléon ».

 

• La troisième raison est que la répétition de cette formule aux enfants à partir de l'âge de sept ans, dans les lieux mêmes qui dispensent le savoir et symbolisent l’émancipation par la connaissance, induit des représentations mentales qui conduisent femmes et hommes à accepter la domination d'un sexe sur l'autre, de même que toutes les formes de minorisation sociale et politique des femmes. Pourquoi n'accepteraient-elles pas de gagner moins que leurs collègues, ou d'accomplir des corvées dont leurs compagnons se dispensent, ou de supporter leurs coups, s’il est admis au plus haut niveau que « le masculin l'emporte sur le féminin » ?

 

La lutte contre les stéréotypes de genre, qui est essentielle au progrès de l'égalité réelle des femmes et des hommes, ne peut être efficacement menée si cette maxime n'est pas mise au ban de l'école. D’autres mesures travaillant à l’expression d’une plus grande égalité dans la langue sont nécessaires, mais le plus urgent est de cesser de diffuser cette formule qui résume la nécessaire subordination du féminin au masculin.

 

En conséquence :

- Nous déclarons enseigner désormais la règle de proximité, ou l’accord de majorité, ou l’accord au choix ;

- Nous appelons les enseignantes et les enseignants de français, partout dans le monde, à renouer avec ces usages ;

- Nous les appelons à ne pas sanctionner les énoncés s’éloignant de la règle enseignée jusqu’à présent ;

- Nous appelons le Ministère de l'Éducation nationale à donner à ses personnels et à ceux des établissements sous sa tutelle des instructions précises allant dans le même sens ;

- Nous appelons les professionnelles et les professionnels de la presse et de l'édition, les correcteurs et correctrices, les écrivaines et les écrivains à en faire autant ;

- Nous appelons les citoyennes et les citoyens francophones à en faire autant. »

 

La pétition de soutien :
https://www.change.org/p/eliane-viennot-nous-ne-voulons-plus-que-le-masculin-l-emporte-sur-le-f%C3%A9minin

 

Par fjarraud , le mardi 07 novembre 2017.

Commentaires

  • amorin, le 07/11/2017 à 11:46
    Pitié M Jarraud, n'adoptez pas cette règle typographique - règle scélérate ? -  qui consiste à rendre illisible un texte en mettant des points au milieu des phrases. En plus d'être disgracieux, la lecture en devient vraiment pénible. Et pensez à faire tourner le correcteur orthographique pour éliminer les fautes de frappe que nous sommes tous amenés à faire. Avec les remerciements des lecteurs.

  • Petelo, le 08/11/2017 à 03:33
    Je ne m'attendais pas à ce que des Enseignants se fassent le relais de la contestation idéologique de notre structure linguistique, comme en témoigne le troisième point de leur manifeste: "la troisième raison est que la répétition de cette formule aux enfants..."
    Je ne m'attendais pas à ce que des Enseignants qui ont pour mission de transmettre les principes de notre langue en viennent dans leurs conclusions à promouvoir les fautes d'orthographe.

    Par ailleurs, et la dernière ligne du texte en témoigne, si les thuriféraires de cette horreur linguistique, s'en tiennent à la règle de proximité, le genre marqué (féminin) sera rarement démarqué puisqu'une énumération de type "citoyennes et citoyens" voudra par exemple que l'on écrive "français". Si on veut à tout prix que le féminin apparaisse, il faudra inverser l'expression, et la femme sera seconde, le féminin derrière le masculin... 
    • masikrok, le 07/11/2017 à 14:25

      Bravo à celles et ceux qui tentent de dépoussiérer notre langue machiste, bourgeoise et paternaliste (francophonie de domination en Afrique néo-coloniale). Ses prétendus richesse et prestige ne sont que des outils, prétextes à la domination.
      Les conservateurs, tentant de se faire passer pour excellents, ne manqueront pas de lever leurs boucliers, crier au scandale, avancer leurs arguments bidons puisque ces processus de domination leur conviennent.

      Juste pour les embêter: 

      Bravo a sèl é se ki tant de dépousyéré notr lang matshist, bourjwaz é patérnalist (frankofoni de dominsasyon an Afrik néo-kolonyal). Sé prétandu rishés é préstij ne son ke dé zouti, prétékst a la dominasyon. Lé konsérvater,tantan de se fèr pasé pour éksélan, ne mankron pa de levé ler bouklié, krié o skandal, avansé ler zarguman bidon puiske sé prosésus de dominasyon ler konvyén.

      • Petelo, le 08/11/2017 à 03:52
        La langue n'est ni machiste, ni etc... Elle est ce qu'elle est: un outil de communication d'abord et avant tout: communication orale ou écrite. Il faut avoir un esprit torturé par je ne sais quelle idéologie perverse pour l'affubler ainsi.

        Au passage, pourquoi dit-on une route, une voie (du milieu?), un sentier, un chemin (tous menant à Rome) puisque ces quatre mots désignent le même concept initial? Et: un rosier mais une rose (Mignonne, allons voir si la rose...). Pourquoi en latin tous les noms d'arbres sont féminins, l'inverse en français? Pourquoi en allemand la femme est du genre marqué - die Frau - tandis que la jeune fille est du genre non marqué, ici neutre - das Mädchen -, le soleil du féminin - die Sonne - et la lune masculin - der Mond -? Pourquoi les langues polynésiennes, par exemple, ignorent cette question du "genre" des substantifs puisqu'il n'y a ni genre marqué, ni genre non-marqué?


        .
    • Annalou, le 07/11/2017 à 10:17
      "des enseignants ... en viennent", Monsieur ou Madame ! Je ne m'attendais pas à ce qu'un (e ) donneur/se de leçons sur  la transmission des "principes de notre langue" fasse une aussi grosse faute d'orthographe !!!  C'est du niveau CE2, Monsieur ou Madame ! C'est vrai qu'il y a une relative entre le sujet et le verbe : de quoi en perdre la tête !!!

      • Petelo, le 08/11/2017 à 03:33
        Merci. C'est corrigé.
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