Réforme de l'affectation et du recrutement des enseignants en vue 

En pleine période des mutations, JM Blanquer vient de semer la poudre. Devant l'Assemblée nationale, JM Blanquer a annoncé une nouvelle fois une réforme du recrutement des enseignants. Il promet "une vision plus académique, plus proche du terrain" dans le recrutement et l'affectation. Il annonce aussi un prérecrutement des enseignants dès le lycée et une refonte des concours. Des propos qui font écho à des déclarations tenues cet été où il donnait aux chefs d'établissement la capacité de choisir les enseignants.

 

L'affectation des enseignants décidée localement

 

"Le système actuel est sans doute trop aveugle et des améliorations devront certainement être apportées dans le futur. Ces dernières devront être cohérentes avec l’ensemble des évolutions souhaitables pour la gestion des ressources humaines du ministère de l’éducation nationale. Cela suppose une gestion des ressources humaines plus humaine et probablement une vision plus académique, c’est-à-dire plus proche du terrain. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler".

 

Répondant aux questions des députés le 16 janvier, JM Blanquer est revenu sur la question de l'affectation des enseignants. Comme il l'avait fait en aout dernier, il a distillé des petites phrases qui, répétées, dessinent une nouvelle politique.

 

" L’objectif est de mener une gestion des ressources humaines plus humaine, c’est-à-dire plus proche du terrain... Nous devons gérer les équipes au plus près du terrain, ce qui fera l’objet de discussions avec les organisations syndicales au cours des prochains mois", répond il au député P Berta.

 

Des chefs d'établissement recruteurs ?

 

En aout denrier dans Acteurs publics, le ministre avait déjà avancé l'argument de l'humain pour une réforme de l'affectation des enseignants.  Il disait : " Pour le mouvement des enseignants, il ne faut pas s’en remettre uniquement à la « machine » et à l’ancienneté. Nous devons remettre de l’humain dans la gestion des ressources humaines". Il disait à la fois que le recrutement serait régional et que les postes à profil se multiplieraient "notamment pour favoriser al constitution d'équipes pérennes" dans les établissements.

 

En aout, dans le Nouvel observateur, il annonçait que les chefs d'établissement auraient leur mot à dire. " Mon objectif est simple : des établissements avec des équipes unies, partageant un projet éducatif fort. Dans ce cadre, oui, il est logique que le chef d’établissement ait un rôle à jouer en matière de recrutement. Cela se pratique d’ailleurs dans les lycées français à l’étranger et participe à leur rayonnement. Les professeurs auraient tout à gagner à ces évolutions".

 

Le fait nouveau c'est que JM Blanquer s'est fixé un délai devant les députés. C'est "dans les mois qui viennent" que la réforme sera engagée. La déclaration arrive pile au moment de la gestion du mouvement des enseignants, un mécanisme où les syndicats tiennent un rôle déterminant. S'attaquer à l'affectation des enseignants en la décentralisant aux niveaux académiques et local c'est aussi briser les syndicats.

 

Le concours en licence ?

 

Le ministre a aussi évoqué une réforme des concours et du recrutement des enseignants. "Nous devons aller plus loin dans le prérecrutement", a t-il déclaré. "Cela nécessite de développer les processus initiés par la loi de 2013, qui ne concernent aujourd’hui que quelques centaines d’étudiants par an. Les évolutions prochaines iront dans ce sens. Le déploiement du prérecrutement passe d’abord par les bourses, qui peuvent être octroyées dès le lycée à des élèves exprimant le souhait de devenir professeur. Une autre voie, qui m’est chère, est l’évolution du statut des assistants d’éducation, aujourd’hui au nombre de 50 000 environ en France... Nous ferons évoluer leur statut pour qu’il devienne un avantage et permette aux assistants d’éducation de mieux se préparer à la fonction professorale ; c’est un point important".

 

S'agissant des concours, le ministre ne semble pas satisfait du concours au niveau Master1. "La situation actuelle, avec le concours en fin de master 1, ne satisfait pas tout le monde et suscite beaucoup d’interrogations. La réflexion est ouverte... Ce sera l’objet de discussions dans les temps à venir", répond il à Mme Faucillon. "Le passage du concours en licence 3 présenterait un réel intérêt. L’idée d’un concours en master 2 pourrait aussi être défendue. Tout dépend de la nature du prérecrutement organisé en amont du concours", dit-il à Mme Hérin.

 

Très clairement le ministre a ouvert la boite de Pandore. Le dossier du recrutement est particulièrement stratégique pour le ministère. Il est plein de risque spour le ministre. Il devrait pourtant être lancé prochainement officiellement.

 

F Jarraud

 

A l'Assemblée

Enseignants recrutés par chefs d'établissement

Les réformes de gouvernance

 

 

Par fjarraud , le jeudi 18 janvier 2018.

Commentaires

  • Guillaume35, le 18/01/2018 à 21:16

    Ces orientations vont dans le bon sens :
    - mettre le concours en licence permettra aux étudiants de faire le masterd'enseignement plus sereinement en enlevant la pression du concours. Ilobligera surtout les étudiants à se focaliser sur leur pratique d'enseignementnon plus sur l'année de master 2 mais bien sur les deux années de master. Celaaméliorera donc la professionnalisation des enseignants.
    - en ce qui concerne les affectations, il est effectivement temps de revoir leschoses. Le système actuel d’affectation repose sur un système trèsadministré. Pour postuler dans un établissement que l’on souhaite, il fautobtenir des points d’ancienneté ou être en situation de perte de poste. Toutcela est extrêmement encadré et contrôlé par les syndicats. Les chefsd’établissement y compris dans l’enseignement privé sous contrat, ne peuventrefuser un enseignant nommé, même si celui-ci n’a pas nécessairement le profilrequis pour les besoins ou projets de l’établissement. Dès lors, commentsusciter la cohésion d’une équipe lorsque le chef d’établissement n’a pas sonmot à dire dans la nomination des enseignants de son établissement. 

    De plus, en faisant reposer le système d’affectation  surl’ancienneté, on ne crée pas un système responsabilisant. Les jeunesenseignants sont nommés dans des établissements avec un climat scolaire souventdifficile tandis que les enseignants les plus expérimentés enseignent dans desétablissements plus réputés et de centre-ville. Est-ce un système vraimentmarqué par le souci d'égalité ? Non, ce serait hypocrite de le nier. Ce systèmeest aujourd’hui à bout de souffle car il ne prend pas en compte les profils,les aspirations et compétences des enseignants. La nomination d’un enseignantdevrait correspondre à un besoin et à un projet d’établissement bien défini.
    Devons-nous rappeler qu'en Finlande, qui est cité comme pays égalitaire, lesenseignants sont recrutés par les communes. 

    Enfin, ignore-t-on que dans la fonction publique territoriale française,le concours ne donne pas droit à une affectation mais à une possibilité d’exercer et que la liberté de recrutement est laissée aux collectivités locales ? Cela fait-il de notre fonction publique territoriale un système ultralibéral ?
     

    • EVOLTE, le 20/01/2018 à 01:44
      Pour la place du concours :
      le sujet est complexe car il concerne aussi bien les professeurs des écoles que les professeurs de Lycée et Collège dans toutes les disciplines. La maîtrise des contenus disciplinaires est parfois difficilement atteinte au niveau de la licence. Mais pourquoi pas ? Il faut préciser alors le projet en donnant par année de formation le nombre d'heures en établissement et le nombre d'heures en ESPE. Je doute que le ministère propose un M1 avec 1/3 en établissement et 2/3 en ESPE suivi d'un M2 avec 1/2 en établissement et 1/2 en ESPE.

      Pour l'affectation, il y a des leviers simples et non couteux :
      1) Arrêter de gagner des points (de mutation) lorsqu'on reste trop longtemps dans le même établissement (par exemple au delà de 6 ans).
      2) Donner la possibilité d'aller enseigner en REP puis de retrouver son poste.

      Un recrutement par les chefs d'établissement ne donnera rien de bon. Ce genre d'idée vient du milieu de l'entreprise qui n'a pas les mêmes objectifs ni les mêmes contraintes. De plus la Finlande est trop particulière pour être prise en exemple. Voir par exemple l'article de la DEPP :
      http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_92/08/5/depp-2016-EF-92-metier-enseignant-en-Angleterre-Pays-Bas-Suede-voies-sinueuses-professionnalisation_686085.pdf


  • Bernard Girard, le 18/01/2018 à 09:24

    Acte 1 : contrôle renforcé des programmes, de la pédagogie, de l’évaluation, de la vie scolaire (cf l’interdiction des portables, un objet qui relève en toute logique du règlement intérieur de chaque école) :

    Acte 2 : contrôle renforcé sur les personnels, par le biais d’une « autonomie » en réalité un autoritarisme accru. Donner un droit de regard au chef d’établissement sur le choix des enseignants et le déroulement de leur carrière, comme Blanquer en a manifesté le souhait à plusieurs reprises, vise surtout à renforcer l’autorité centrale, la sienne, sur la marche de l’enseignement. Le chef d’établissement demeurant, par principe, un subordonné, le dernier échelon de la vertigineuse hiérarchie constitutive de la machine Education nationale, le choix des enseignants qui lui sera(it) concédé, loin de favoriser la responsabilisation des acteurs, une libération des initiatives du terrain, aura(it) en fait un effet contraire, mais un effet voulu : en érigeant l’obéissance comme principe de fonctionnement, le ministre se débarrassera(it) du même coup de l’indépendance dont jouit de fait le dernier échelon de la pyramide, celui des enseignants... Même si ces derniers en usent bien peu.

    • cdivoux1, le 19/01/2018 à 21:12
      Très bonne analyse.

      Comme les étudiants qui vont petit à petit devoir montrer un CV le plus étoffé possible pour entrer à l'université, les professeurs devront montrer leur meilleur profil, leur investissement bénévole dans les projets d'établissements, le nombre de voyages qu'ils ont organisés avec des élèves, leur lutte acharnée pour "raccrocher les élèves décrocheurs", leur implication associative, leur participation aux réunions, aux pots amicaux, avoir été référent de ceci et de cela, être spécialise en informatique... Être ultra motivé par les réformes toujours positives...
      Tout ça pour avoir le poste "à profil" dans un lycée tranquille de centre ville. 

      Au bout du compte, les jeunes professeurs vont se retrouver en banlieue dans des établissements difficiles, loin de chez eux et vont surtout apprendre à se taire et subir pour être bien vu et espérer rentrer chez eux.

      Même scénario qu'actuellement, mais avec des méthodes pires.

      • Ricos71, le 14/03/2018 à 21:36
        Et le cousin de la nièce du principal ou de l'inspecteur ne verra jamais la rep+... qui par ailleurs ne sera qu'un lointain souvenir, prime comprise.
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