Comment évaluer l'éducation prioritaire ? 

" Ces indicateurs doivent être interprétés davantage comme un état des lieux initial de la réussite scolaire des élèves en REP+ que comme une évaluation de ce dispositif. En effet, le dispositif REP+ n’est entré en application qu’à la rentrée 2015". Dans une nouvelle Note la Depp, division des études du ministère, publie un prudent "état des lieux" de l'éducation prioritaire. Il chiffre l'écart existant aussi bien en moyens qu'en résultats entre l'éducation prioritaire. Survenant après une article publié par la Depp qui mettait en douce l'efficacité du dispositif, alors que la carte de l'éducation prioritaire arrive à terme, cette Note alimente un débat que le ministre va bientôt trancher.

 

Des moyens à la hauteur ?

 

Contrairement à ce qu'on pourrait penser seulement un faible pourcentage des enfants défavorisés est scolarisé en éducation prioritaire : seulement 31% des élèves de 6ème de PCS défavorisée sont scolarisés en Rep ou en Rep+(12%). Mais ce qui singularise l'éducation prioritaire c'est la concentration des élèves défavorisés. Alors qu'on trouve 39% d'enfants d'ouvriers et d'inactifs hors éducation prioritaire (EP) , ils sont 75% en Rep+ et 61% en Rep. Inversement on ne trouvera que 8% d'enfants de cadres en Rep+ contre 35% hors E.P. Autrement dit l'éducation prioritaire correspond à la forte ségrégation sociale existant dans certains établissements scolaires.

 

La Note fait le point aussi sur les moyens attribués à l'EP. Au niveau collège comme dans le premier degré on trouve en moyenne 21 élèves par classe en Rep+ , 22 en Rep et 24 hors EP. Un écart qui reste faible malgré les dédoublements en CP de Rep+. Ces chiffres illustrent d'ailleurs le faible impact de cette politique. Le seul point où se distingue l'EP c'est sur la scolarisation à deux : 20% des enfants sont scolarisés à 2 ans en EP contre 10% hors EP. Mais on sait que cette particularité est maintenant sur la sellette...

 

Dernière caractéristique de l'EP : le fort pourcentage d'enseignants ayant peu d'ancienneté dans l'établissement. 45% des professeurs de collèges de l'EP sont là depuis moins de 2 ans contre 33% pour les autres collèges.  Ce chiffre occulte une autre réalité : ces enseignants sont plus souvent des débutants. 38 % des professeurs de Rep+ ont 35 ans ou moins contre 22% hors EP.

 

Quels résultats ?

 

La Note s'attache aussi aux résultats des élèves. Elle souligne le faible niveau à l'entrée au collège. " En REP+, en début d’année scolaire 2015-2016, les élèves entrant en sixième maîtrisent la compétence 1 du socle à 60 % contre 72 % en REP et 83 % dans les autres collèges publics. Pour la compétence 3, les proportions sont respectivement de 44 %, 56 % et 73 %. Finalement, seuls 36 % des élèves entrant en sixième de REP+ maîtrisent à la fois les compétences 1 et 3 en début de sixième, contre près d’un élève entrant en sixième sur deux en REP et deux tiers des élèves entrant en sixième hors EP".

 

En sortant d'EP, ces élèves réussissent moins bien. A la session 2016 du brevet " 44 % des élèves des collèges REP+ et 54 % des élèves des REP ont obtenu plus de 10 sur 20 aux épreuves écrites contre 73 % ailleurs" (il s'agit là des seules épreuves écrites finales et non du taux de réussite au brevet). Par suite les élèves de l'EP se trouvent plus souvent en 2de professionnelle ou en CAP que les autres : " le taux d’accès de la troisième vers la seconde professionnelle est de 31 % pour les élèves scolarisés dans un collège REP+ contre 21 % hors EP".

 

Où en est l'éducation prioritaire ?

 

Cette Note fait suite à une étude de la Depp qui a fait du bruit. Dans Education & formations, A Stefanou mettait en doute l'efficacité du dispositif. " " L’écart entre les élèves de RAR et les élèves hors éducation prioritaire passe d’environ un écart-type à environ un dixième d’écart-type quand on contrôle le niveau initial des élèves et les caractéristiques socio-démographiques. Pour les élèves de RRS, l’écart passe d’environ 0,5 écart-type à environ un dixième d’écart-type... Nous avons évoqué plus haut les deux raisons qui fondent l’éducation prioritaire : cibler les difficultés où elles se trouvent et tenir compte des effets délétères de la ségrégation sociale. Si seule la première raison existait, ces résultats, avec toute la prudence que l’on doit conserver du fait de leur caractère descriptif, seraient assez décevants. Malgré des moyens supplémentaires, les élèves de RAR ne progressent pas plus que les élèves hors éducation prioritaire au collège et ne peuvent pas rattraper le retard important qui existe à l’entrée en sixième."

 

Mais c'était aussi pour rappeler que " les écarts ne se creusent pas sensiblement. En d’autres termes, les dispositifs d’éducation prioritaire semblent parvenir à contenir l’effet de la très forte concentration de difficultés sociales, qui selon les travaux du Cnesco, devrait provoquer une forte dégradation des performances dans ces établissements".

 

La publication de cette Note intervient aussi alors qu'on attend pour 2019 la confirmation ou pas de l'éducation prioritaire et éventuellement une nouvelle carte. En décembre 2017, Marc Douaire, président de l'Observatoire des zones prioritaires marquait ses inquiétudes. " La question qui  est posée est celle de la volonté ou non du nouveau ministre de poursuivre et d’accentuer la politique de refondation de l’Education prioritaire engagée en 2013/2014, après la consultation nationale sur l’Ecole de 2012. En d’autres termes, encourager, accompagner, renforcer l’action engagée depuis des années par les réseaux au nom du pragmatisme et de la bienveillance… Ou bien tenter de déconstruire insidieusement les orientations politiques , les évolutions professionnelles, les innovations pédagogiques , comme cela a été pratiqué en 2010/2011 en remplaçant sans évaluation les RAR par Eclair, au nom du dogmatisme idéologique et de la défiance". 2010-2011 c'est le moment où JM Blanquer était numéro 2 du ministère...

 

L'OZP était inquiète de la déconstruction du dispositif Plus de maitres que de classes, qui va s'aggraver à la rentrée. Elle pourrait l'être aussi quand on entend le ministre préférer "l'immatériel" au "matériel" ou quand on constate , comme F Dubet, son "indifférence à la question des inégalités sociales".

 

Mais le ministre est "en même temps" en train d'achever les dédoublements des CP Rep+. Autrement dit l'avenir de l'éducation prioritaire attend toujours un engagement clair.

 

François Jarraud

 

Note Depp

Etude Stefanou

L'OZP et la question de confiance

 

 

  

Par fjarraud , le lundi 19 février 2018.

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