Le financement des lycées professionnels est-il sauvé ? 

Au terme d'un échange très vif entre la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, et les députés de l'opposition, et d'une pluie d'amendements gouvernementaux contradictoires, un amendement gouvernemental garantit le maintien d'une part "hors quota" dans la taxe d'apprentissage. Cette part sera versée aux lycées professionnels en lieu et place de la taxe d'apprentissage dont ils bénéficient aujourd'hui. Mais cette part passe de 23 à 13% de la taxe. Et il reste à cet amendement de recevoir l'accord du Sénat...

 

Récit d'un bras de fer

 

Blanquer 1 - Pénicaud 0 ? Les Echos avaient signalé le "bras de fer" entre la ministre du travail et le ministre de l'éducation nationale sur le financement de la réforme de la formation professionnelle. On savait que cette question n'était pas tranchée. D'un coté le président de la République avait dit vouloir réserver l'argent de la taxe d'apprentissage au seul apprentissage. Et la rédaction initiale de la loi, défendue par Muriel Pénicaud, prévoyait de verser la taxe aux seuls CFA. De l'autre, le ministre de l'éducation nationale avait fait savoir aux syndicats qu'il y aurait une nouvelle taxe spécifique, puis que le système actuel serait maintenu.

 

Car les lycées professionnels perçoivent aujourd'hui, comme des établissements d'enseignement supérieur, une part de la taxe qui leur est indispensable. Prévue initialement pour des dépenses d'équipement, elle sert aujourd'hui surtout à des dépenses de fonctionnement, par exemple pour régler les achats de fournitures nécessaires aux matières professionnelles. Supprimer cette part de la taxe mettrait les lycées en danger.

 

Dans les derniers jours de présentation de la loi, le conflit est arrivé au grand jour. Le gouvernement a publié jusqu'à 5 amendements de dernière minute, pour finalement aboutir à un texte assurant 13% de la taxe d'apprentissage aux formations professionnelles de la formation initiale, le reste (87%) allant au financement de l'apprentissage.

 

Apprentissage et bricolage

 

"Je parle quand je veux". "Le gouvernement fait ce qu'il veut". L'énervement de Muriel Pénicaud est tangible le 15 juin après midi lors de la discussion de l'article 17. L'opposition ne lui fait pas de cadeau."On voit l'impréparation du gouvernement", dit P Hetzel (LR). Il explique que le financement du hors quota met maintenant en danger celui des CFA.  G Cherpion (LR) parle de "défaite devant le ministre de l'éducation nationale"

 

"L'apprentissage oui. Le bricolage, non", lance B Vallaud (NG)." Vous vous y êtes reprise à cinq fois pour stabiliser votre dispositif. Cinq fois ! Vous pouvez toujours plaider la complexité, la co-construction ou la consultation, le fait est que vous êtes arrivée ici avec un texte qui n’est pas prêt : c’est cela, la vérité objective. La vérité, c’est que vous vous êtes aperçue que votre contribution unique ne marchait pas. Matignon vous l’a dit, et vous avez changé. Votre collègue de l’éducation nationale, lui, a bien compris que votre dispositif siphonnait son propre budget, la taxe d’apprentissage ayant été créée aussi pour l’apprentissage des métiers, quelle que soit la voie professionnelle choisie. Des parlementaires ont d’ailleurs réussi à déposer des amendements dans les délais, contrairement au Gouvernement".

 

" Notre objectif est de clarifier les financements", répond M Pénicaud. " Par la présente clarification, il est proposé de distinguer entre les parts respectivement dévolues à l’apprentissage – 87 % de la taxe – et aux autres formations d’enseignement technique et technologique – 13 %, habituellement désignés comme le solde de la taxe ou le hors quota, qui formeront la contribution aux formations professionnalisantes. Les deux parts concourent, bien entendu, à la formation professionnelle des jeunes"

 

Les L.P. sauvés ?

 

Le financement des lycées professionnels est-il assuré ? Pas sur. En fait la ministre du travail a connu une défaite mais aussi une petite victoire. Car la part du hors quota passe de 23% à 13%. Sur cette part réduite des établissements bien différents vont puiser : les lycées mais aussi les établissements d'enseignement supérieur. Selon G Cherpion on passerait, avec le nouveau calcul de la taxe, de 619 à 400 millions d'euros environ. Une somme qui ne pourra pas satisfaire tout le monde.

 

Enfin ce retrait de 13% va aussi poser la question du financement des CFA. Alors que les régions annoncent la fermeture de 700 CFA, le pas en arrière du gouvernement pourrait être sanctionné au Sénat. Pour avoir défendu un principe  puis être revenu dessus, et surtout pour avoir été incapable d'anticiper un financement assuré de la réforme qu'il porte, le gouvernement pourrait bien être en difficulté devant la Haute Assemblée.

 

François Jarraud

 

Compte rendu des débats

Article des Echos

 

 

Par fjarraud , le lundi 18 juin 2018.

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