Eric Millour et Corentin Garrault : La classe inversée en duo au collège  

Comment favoriser la prise d’autonomie des élèves en sciences ? Comment évaluer sans notes des collégiens ? Eric Millour et Corentin Garrault, professeurs de physique-chimie au collège Charles le Goffic de Lannion (22) engagent des démarches innovantes pour transmettre le savoir aux élèves. Ces enseignants ont chacun leur propre chaîne YouTube pour héberger leurs vidéos. Faisant appliquer la méthode Cornell pour la prise de notes, ils utilisent l’ENTBox pour faciliter les échanges de fichiers avec les élèves. Egalement adaptes de Frameno, leurs collégiens font ainsi des travaux de groupe en distanciel.

 

Que trouve-t-on sur vos chaînes YouTube ? Quelles pratiques avez-vous de la classe inversée ?

 

Nous avons 2 chaines You Tube. Chacun la sienne ! Nous y plaçons essentiellement des vidéos d’informations sur la thématique que nous allons aborder en classe. Attention, il ne s’agit pas de vidéos de leçon. En effet, chacune demandera en classe un travail autour de l’information recueillie et de son organisation. Pour préparer ce travail collaboratif, nous demandons aux élèves de réaliser une fiche de prise de notes en appliquant la méthode Cornell. Cette méthode permet d’accroitre l’autonomie des élèves quant à l’élaboration de fiche de mémorisation.

 

Nous y plaçons également des vidéos qui permettent aux élèves de reprendre la correction d’exercices. Cela permet aux élèves de revenir sur les travaux réaliser en classe. Nous insistons de plus en plus sur une partie du travail personnel de l’élève qui consiste à automatiser certaines procédures : méthodologie de rédaction de solution, procédures calculatoires… Ce type de vidéo permet aux élèves de garder le contact à la maison avec le professeur. Certaines autres présentent le scénario de la séance à venir.

 

Comment s'effectue le travail en classe ? Quel usage faites-vous de l'ENT box ?

 

Lors du démarrage d’une nouvelle séquence, il est comme nous l’avons dit demandé aux élèves de visionner au préalable une ou plusieurs vidéos. Suivra un travail de mise en commun et d’organisation de l’information. Cela peut prendre du temps ! Mais nous considérons que d’être capable de traiter l’information est capitale. Une fiche de prise de notes corrigée sera alors rédigée en classe puis distribuée aux élèves à la séance suivante. Cela permet aux élèves de comparer le travail qu’ils ont effectué seul et celui de la classe.

 

Nous insistons beaucoup sur cette partie car elle nous permet de mettre en place l’apprentissage de la leçon. Trop souvent les élèves négligent la partie connaissance qui est pourtant indispensable ! (« il faut savoir pour comprendre » est une phrase nous paraissant venir avant « il faut comprendre pour savoir », réflexion issue des sciences cognitives).

 

Les séances suivantes sont consacrées aux activités. Elles se font systématiquement en groupe. De 2, 3 ou 4 élèves. Les élèves peuvent travailler sur des exercices, avoir des manipulations à effectuer, réaliser une vidéo ou encore un compte rendu de TP. Les ateliers sont sortis et restent à disposition. Nous circulons de groupe en groupe en fonction des besoins ou par souci de contrôle. Nous sommes régulièrement assis aux côtés des élèves pour échanger sur le travail qu’ils réalisent, pour le corriger, le guider, le faire évoluer, le densifier si besoin.

 

Les élèves assimilent très rapidement la méthode de fonctionnement et ne perdent pas de temps. Cela n’empêche pas un fonctionnement en classe entière si besoin pour apporter des précisions, des corrections ou pour rappeler l’agenda que nous avons fixé. Il n’est pas rare que certains élèves perdent le fil du projet quand il s’étale sur plusieurs semaines.

 

Lors de projet, le maintient d’un lien vers l’ensemble des documents proposés est important. Si ce lien est facilité par l’usage de tablettes qui sont connectées à internet via le réseau de l’établissement, il n’en a pas toujours été ainsi. En l’absence de cette dotation de 8 tablettes, nous avons été contraints de trouver des solutions « maisons ». C’est pourquoi, nous avons utilisé ENTBox pour faciliter les échanges de fichiers avec les élèves pour leur fournir des informations et pour recueillir leurs productions.

 

Vous parlez « des » autonomies des élèves, quelles sont-elles ?

 

Nous en distinguerons 6 formes. L’autonomie physique, pratique, affective, intellectuelle, sociale et morale.

 

Il n’est pourtant pas simple de les dissocier totalement. Les autonomies sont interdépendantes les unes des autres et contribuent à définir l’autonomie en fédérant toutes les formes. Ce découpage nous permet en tant qu’enseignant une meilleure prise en compte des qualités et des besoins de nos élèves.

 

Retenons que des formes multiples d’autonomie coexistent, que toutes ces formes doivent se développer pour que l’élève se construise son autonomie. Mais pour que l’élève évolue, il sera important de considérer sa place dans le dispositif d’apprentissage.

 

Vous travaillez en musique ? Quels sont les avantages ? Quelle musique ?

 

Dans un premier temps, nous avons travaillé en musique (flux musical libre de droits via internet) pour apprendre aux élèves à gérer le volume sonore de leurs discussions. Lors des travaux de groupe, les élèves doivent veiller à ne pas dépasser le volume sonore du fond musical. Ainsi, la production de vidéo ou simplement le travail en classe ne fini pas par avoir le volume sonore d’une cour de récréation.

 

Dans un second temps, L’usage de ce flux musical s’est élargi aux évaluations puis devient un élément récurrent lors des séances. Un fond « relaxant » non typé permet d’apporter une ambiance plus propice au travail. Il s’agit plus d’un ressenti qu’une donnée quantifiable (quelques élèves n’aiment pas mais ne semblent pas être pénalisés par ce fond musical). Maintenant, certains le réclame lorsque je l’oublie (les rituels sont importants pour les élèves). Les fonds musicaux utilisés sont par exemple du piano, de la guitare (le tout très doux) ou encore de la musique binaurale.

 

Quels usages faites-vous de Framemo ?

 

Framemo permet de faire un travail de groupe en distanciel. Mais nous préférons faire des mises en commun sous forme d’arbre à idées (carte mentale) plus apte à favoriser la création de logique et d’enchainements et donc une meilleure mémorisation.

 

Nous utilisons également Framemo pour travailler sur la gestion du projet. Chaque groupe dispose d’un Framemo pour établir un agenda des travaux à effectuer. Des travaux pour la séance suivante, à effectuer à la maison seul ou à plusieurs… Nous rangeons tous les Framemo d’une classe sur un Padlet. Cela nous permet d’y avoir accès rapidement et de suivre les travaux des élèves. Nous pouvons également déposer un post sur le Framemo. C’est utile pour recadrer, conseiller le travail des élèves. Notons que tous les groupes ne s’engagent pas dans l’utilisation du Framemo. Ils se mettent d’accord en classe et notent dans leur agenda les travaux prévus. Nous n’avons pas encore utilisé ENTBox en ce sens.

 

Comment évaluez-vous vos élèves ? Peut-on se passer de notes au collège ?

 

Nous évaluons nos élèves par compétences. Ces compétences sont issues de celles données par le B.O. Nous les avons réarrangés pour qu’elles correspondent à l’utilisation que nous souhaitions en faire. De plus, nous avons créé une compétence : CEC (acronyme pour Connaissances Exigibles du Cours). Nos évaluations de cette « compétence » (qui n’en est pas une) sont fréquentes. Elles permettent un suivi et un engagement régulier de l’élève dans l’apprentissage de sa leçon.

 

Cependant, nous n’arrivons pas encore à transformer les raisons de l’investissement du groupe classe à apprendre ses leçons, sans avoir recours à une évaluation sanction (à prendre ici au sens d’attribuer une valeur à son travail). Le principal moteur reste encore la réussite de l’évaluation et non le plaisir d’apprendre, de satisfaire sa curiosité, de s’améliorer etc.

 

Le reste de l’équipe pédagogique continue à évaluer avec des notes et nous estimons qu’il s’agit ici du principal frein à l’engagement total des élèves vis-à-vis de l’évaluation par compétences.

 

Eric : Pour ma part, j’en arrive à proposer une double évaluation note / compétences. Cette double évaluation me permet paradoxalement de mieux faire entrer les élèves dans la compréhension des compétences évaluées. Le point négatif étant le temps de correction par copie !

 

Corentin : Sur ce point, je ne rejoins pas Eric, car j’ai déjà mené cette expérience au lycée de Corbeil-Essonnes (91) et mon constat était l’inverse de celui d’Eric… Mais je compte bien revoir mon point de vue au regard de son expérimentation.

 

D’autre part, des évaluations plus conséquentes mais moins nombreuses viennent émailler l’année. Ces dernières font la part belle aux compétences, c’est-à-dire : la validation de la résolution d’une situation nouvelle, proposée à l’élève, à partir de ressources internes ou externes. Là encore, nous nous concentrons sur l’évaluation des compétences réellement travaillées et non celles simplement mises en œuvre.

 

Par exemple : lors de la vidéo de synthèse d’un projet (électricité, Proxima b etc..) les élèves vont être évalué sur leur compétence à appliquer une méthodologie plus que sur leur capacité à s’exprimer à l’oral. En parallèle, une attention toute particulière sera portée sur l’utilisation du « langage scientifique » lors de cette vidéo (schémas, incrustation de texte papier pour faire émerger les lois de l’électricité, vocabulaire scientifique etc.).

 

Nous testons en ce moment, une évaluation en deux temps (niveau 6ème) : le premier temps est « à chaud » à la fin du chapitre (par exemple) puis un mois plus tard (alors que les élèves sont sur un autre chapitre). Les deux évaluations sont semblables (similitude avec la méthode Antibi) mais le résultat final des deux évaluations n’est pas une moyenne des deux. Nous privilégions la progression et donc valorisons l’acquisition, le renforcement de la maîtrise d’une compétence travaillée. Nous mettons ainsi en avant la possibilité laissée à l’élève de prendre le temps nécessaire à sa progression et à l’acquisition des notions et compétences travaillées (certains ont besoin, plus que d’autres, de répéter plus souvent des procédures pour les acquérir. Exemple : l’utilisation de la proportionnalité).

 

Nous pensons que les notes, comme les compétences ne servent pas à grand-chose si elles ne sont pas accompagnées par un système de remédiation (permettant la progression individuelle des élèves). Nous essayons de placer l’élève dans une situation où il va trouver un intérêt à examiner sa réussite et lui permettre de progresser. En ce sens, les compétences nous permettent de mieux cerner les difficultés et les facilités d’un élève. Puis de lui proposer une lecture facilitée de son travail à réaliser pour progresser. En ce sens, nous entamons une réflexion pour proposer des parcours individualisés de progression (niveaux d’exercices, travailler une compétence spécifique, repasser à un moment choisi sur la compétence à travailler…etc.). En la matière bon nombre de nos réflexions s’appuient sur le travail de Pierre Merle.

 

Entretien par Julien Cabioch

 

La chaîne de Corentin Garrault

La chaîne d’Eric Millour

Programme du CLIC 2018

Pierre Merle : Que sait on des pratiques d'évaluation ?

 

 

Dans le Café

CLICx 2017 : La classe inversée pour gagner du temps ?

Romain Bourdel-Chapuzot : La physique en classe inversée

Clic 2016 : La classe inversée en sciences physiques

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 26 juin 2018.

Commentaires

Vous devez être authentifié pour publier un commentaire.

Partenaires

Nos annonces