Violence scolaire : Blanquer donne des satisfactions symboliques 

31 octobre 2018 - "J'accorde plus d'importance et de crédit à la parole du professeur qu'à celle de l'élève". Très fort dans les symboles, Jean-Michel Blanquer a repris la main sur la question de la violence scolaire le 31 octobre. En réponse au mouvement #pasdevagues, il se range du coté des enseignants, du moins dans les mots. Ensuite il a su se placer pour la première fois dans une certaine continuité assumant l'héritage de Chatel et de Vallaud Belkacem. Mais les mesures concrètes restent faibles. Il ne suffit pas de citer l'importance du collectif  dans les établissements . Encore faut-il lui donner les moyens d'exister.

 

Agir dans la continuité ?

 

"Faire respecter l'autorité des professeurs c'est l'ordre républicain". Face au mouvement #pasdevagues qui a démontré le vide du thème de "l'école de la confiance" en quelques jours, JM Blanquer reprend la main le 31 octobre. Il le fait de façon symboliquement très forte.

 

Premier symbole : JM Blanquer réussit ce que N Vallaud-Belkacem n'a jamais osé. Le ministre apparait entouré de 30 recteurs. Il se positionne en vrai chef de la maison Education. Et il redouble l'effet en faisant allusion, pour la première fois, à ce qui s'est fait avant lui. Le ministre cite les Etats généraux réunis par L Chatel à l'invitation d'E Debarbieux en 2010. Il cite aussi les rencontres qui ont suivi les attentats de 2015 sous N Vallaud-Belkacem. Il se place ainsi dans une continuité.

 

Une des mesures annoncées est d'ailleurs la réalisation d'une enquête de victimation des enseignants et personnels. E Debarbieux en avait réalisé une en Seine Saint Denis en 2012 qui a fait date. La nouvelle enquête devrait être publiée en juin 2019. L'enquête de 2012 avait notamment montré l'importance du harcèlement entre adultes dans les établissements.

 

Le "ministre des enseignants" ?

 

Second symbole : JM Blanquer multiplie les appels vers les enseignants. Il promet en cas d'agression d'un enseignant de simplifier la protection fonctionnelle et un accompagnement juridique et psychologique "systématique". Le professeur  sera systématiquement accompagné par un membre de la direction lors du dépot de plainte.

 

Ce sont des points forts des annonces ministérielles. Le phénomène #pasdevagues a mis en évidence la rupture entre les enseignants et leur hiérarchie. Elle a aussi démontré la nullité du thème de "l'école de la confiance" qui a été l'étendard du ministre depuis 2017.  JM Blanquer apporte par ces engagements une satisfaction symbolique forte aux enseignants. Interrogé par le Café pédagogique il affirme qu'il " accorde plus d'importance et de crédit à la parole du professeur qu'à celle de l'élève... Par définition ce que dit le professeur est la première parole au sens hiérarchique". Or concrètement, les enseignants souffrent de devoir se justifier et de voir la parole de l'élève opposée à la leur.

 

Ces propos ministériels ont aussi leur limite. Juridiquement des sanctions importantes ne peuvent être prises légalement qu'au terme d'une procédure contradictoire. Autrement dit les enseignants devront toujours faire un rapport et la parole de l'élève devra toujours être entendue et au même niveau. Sans témoins ou sans preuves, la parole du professeur ne vaudra toujours pas plus. Les propos ministériels ne vont rien changer à cela. Elle ne changera rien non plus au fait que la protection fonctionnelle (c'est à dire la défense de l'enseignant assurée par l'institution)  est souvent refusée parce que le rectorat a une autre vision de l'incident. En dernier recours ce sont toujours les recteurs qui décideront de l'accorder ou pas. Or ils peuvent être juges et partie dans des affaires et l'expérience montre qu'ils ne font un usage des plus limités. Voir sur ce point le tchat de l'Autonome de solidarité.

 

Des mesures concrètes limitées

 

Sur le plan concret les mesures annoncées par le ministre restent faibles. Il y aura dans chaque établissement un registre numérique où seront inscrits les incidents et les réponses apportées. Les conseils de discipline seront "simplifiés"  c'est à dire que le délai de convocation sera réduit et qu'ils ne comprendront que 6 membres au lieu de 14. Sur ce point les questions de la représentation des parents et des élèves demeurent. Après chaque exclusion l'élève sera dans une "période probatoire" d'un mois c'est à dire qu'il devra passer voir le CPE tous les jours. La présence ponctuelle d'un policier dans un établissement sera possible à la demande du chef d'établissement "quand le contexte le rend nécessaire". Sur ce point aussi il n'y a rien de neuf, els établissements ont déjà des contacts avec la police et n'hésitent pas à faire appel à elle quand c'est nécessaire.

 

Les réponses gouvernementales

 

Le ministre prend de la distance avec les mesures gouvernementales qui devraient être annoncées le 15 décembre. Il constitue un groupe de travail sur la violence scolaire confié à la rectrice  Béatrice Gille. Ce groupe comprendra un maire et un parlementaire.

 

Des pistes gouvernementales , JM Blanquer ne parle que de la responsabilisation des familles de façon vague et de la création d'un nouveau type d'établissement. Le ministre veut relancer les classes relais, des dispositifs qui accueillent des collégiens exclus pendant quelques semaines. "Entre elles et les centres éducatifs fermés il manque quelque chose", dit-il. Il veut "tirer les leçons " des ERS que Sarkozy avait créé et des EPIDE, dont il dit beaucoup de bien. Citer ces deux dispositifs, très critiqués, notamment par E Debarbieux, c'est un signal envoyé au camp sécuritaire. JM Blanquer l'envoie mais sous la responsabilité du gouvernement...

 

Une réponse équilibrée ?

 

JM Blanquer se positionne aussi dans l'équilibre. "On n'encourage pas l'exclusion définitive. Elle n'est pas une bonne chose quand on déplace simplement le problème dans un autre établissement", précise t-il. Il demande une "palette de sanctions" qui doivent être "mieux ajustées". Le ministre défend les "mesures éducatives, proportionnées et justes". Il veut promouvoir les mesures de responsabilisation qui ne constituent aujourd'hui que 1% des sanctions. "Il faut progresser dans le partenariat avec les associations" demande t-il comme si c'était facile pour les établissements. Mais, une minute plus tard, il affirme son soutien aux lignes copiées, une sanction officiellement interdite depuis 1895, même si elle continue à être très présente à l'école et au collège. En fait JM BLanquer semble surtout multiplier les petites phrases pour donner raison à tout le monde...

 

Le ministre situe bien aussi la question de la violence scolaire en lien avec celle du collectif d'établissement. Il veut "assurer l'unité des adultes dans l'établissement", en y incluant le chef d'établissement. C'est effectivement la base d'une amélioration du climat scolaire et d'une baisse des tensions dans un établissement. Faire accompagner le professeur par un personnel de direction va en ce sens. Mais c'est une réponse faible. Pour que le collectif existe et fonctionne il lui faut des institutions, des moyens, des acteurs. Trois conditions sur lesquelles le ministre reste muet.

 

JM Blanquer a entendu la puissance du phénomène #pasdevagues et tente de reprendre la main. Il n'apporte pourtant aucun moyen , ni pour la formation, ni pour la diminution du nombre d'élèves par classe, ni pour faciliter l'existence de collectifs dans les établissements, ni pour la stabilité des équipes, ni pour redresser la position sociale des enseignants. Pour le moment, JM Blanquer tente simplement la guérison des maux avec des mots. Et il le fait bien.

 

François Jarraud

 

La déclaration gouvernementale du 26 octobre

Il est temps d'écouter les profs

Debarbieux : les profs se sentent méprisés

 

Debarbieux : l'impasse de la punition

Enquete victimation 2012

 

Le tchat de l'Autonome

Su rles ERS

Debarbieux en 2010

Inefficacité des epide

Sur le cout des epide

 

 

  

Par fjarraud , le samedi 27 octobre 2018.

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