Nouveaux programmes d'EPS du lycée : L’AE-EPS plutôt favorable 

L’association pour l’enseignement de l’EPS (AE-EPS) accueille plutôt favorablement ce projet de programme. Elle apprécie notamment la liberté laissée aux enseignants de choisir les formes de pratiques scolaires travaillées. Malgré tout, un certain nombre de points posent question. La programmation lui semble trop floue. L’option trop ambitieuse. Et la liste d’activité est à questionner…

 

François Lavie, comment réagissez-vous à cette publication ?

 

Au préalable, je précise que je m’exprime au nom de l’AE-EPS et non pas en mon nom propre. Il est important de rappeler pour les lecteurs et pour nos adhérents que notre association, depuis un an, s’est structurée et organisée dans le but de répondre à aux sollicitations institutionnelles qui s’annonçaient. Ce n’était pas simple car notre association souhaite préserver la diversité des approches et construire de manière démocratique un point de vue. Nous avons donc constitué un groupe ad hoc formé de membres du Bureau et du Conseil national et des représentants de nos 4 groupes ressources (CEDREPS, Plaisir & EPS, Analyse des Pratiques, EPIC) afin d’avoir une représentation assez fidèle de la « pensée collective ». C’est donc ce point de vue que je fais valoir ici. Cela étant dit, notre avis sur ce texte est plutôt favorable car il fait référence à de nombreux aspects que notre association partage et a parfois même initié. Il reste toutefois quelques points qui nous semblent encore devoir être précisés et/ou modifiés.

 

Quels sont les points qui vous paraissent innovants et intéressants ?

 

Deux points peuvent être relevés selon nous. Le premier est le concept « d’expériences corporelles » qui est introduit dans les programmes et peut sembler nouveau. En fait, il ne l’est pas ! Si l’on relit attentivement les programmes précédents du collège (2008), de la voie professionnelle (2009) et du lycée d’enseignement général (2010) on constate qu’il est chaque fois présent. Par exemple, dans le BO spécial n°4 du 29 avril 2010 on lit que « Le parcours d’expériences corporelles proposé à l’élève se traduit par le choix d’activités physiques, sportives et artistiques. »

 

Nous avions proposé au GEPP celui de « champ d’expériences motrices », dont l’esprit est proche de celui « d’expériences corporelles caractéristiques (ECC) ». Il prend davantage en compte l’activité adaptative que déploie le pratiquant lorsqu’il est confronté à des pratiques physiques qui ont des traits communs entre-elles. Pour nous ce n’est pas qu’un habillage différent, c’est un changement de sens plus fonctionnel et réaliste que celui de « compétence propre » dont l’atteinte, dans la réalité, était difficile à mesurer. Ce concept renvoie à une conception écologique de l’apprentissage qui lie de manière indissociable l’individu et son environnement au sens où ses actions sont culturellement, socialement et émotionnellement situées ! Toutefois nous pensons que le législateur n’est pas allé assez loin et aurait pu proposer pour chaque ECC, des thèmes d’enseignement plutôt que des PPSA.

 

La liberté laissée aux enseignants de choisir la forme de pratique scolaire la plus appropriée est-elle intéressante selon vous ?

 

Le second point selon nous très intéressant, et en cohérence avec le précédent, concerne la totale liberté laissée à l’enseignant pour choisir la forme de pratique la plus appropriée permettant l’atteinte des attendus de fin de lycée (AFL1). Le texte va beaucoup plus loin que les précédents qui faisaient seulement référence à la pratique d’une forme scolaire des APSA. Maintenant l’enseignant a la pleine responsabilité de créer des contextes d’apprentissage adaptés et d’organiser « la forme de pratique qui lui paraît la plus pertinente pour créer les conditions d’enseignement optimales, adaptées aux enjeux de formation précisés par les attendus de fin de lycée ainsi qu’aux caractéristiques et besoins des élèves de la classe ou du groupe ». En clair, cela signifie que l’enseignant peut prendre des distances avec les pratiques sociales pour les adapter aux spécificités scolaires à condition bien sûr d’en préserver leur fond culturel. Cette vision correspond tout à fait au point de vue développé par tous nos groupes ressources et en particulier le CEDREPS.

 

Et pour ce qui concerne l’expérience corporelle qui permet au lycéen de savoir se préparer et savoir s’entraîner à pratiquer, individuellement et collectivement ?

 

Là nous sommes un peu plus réservés ! Sur le fond on peut tout à fait concevoir que ces savoirs relèvent d’une expérience corporelle singulière car ils ne font pas partie des attributs essentiels de chacune des 5 expériences corporelles caractéristiques. Mais sur la forme, cette notion introduit une ambiguïté entre « s'entraîner » pour se développer/ s’entretenir et « s’exercer » pour progresser. De plus cela amène une confusion avec l’ECC5 centrée sur le « savoir s’entraîner physiquement » et qui vise l’accès à une culture de l’intervention sur soi pour se transformer. Si c’est bien de « s’exercer pour progresser » dont il est question, alors cela renvoie surtout à des savoirs et des savoirs-faire méthodologiques liés à l’organisation et la gestion autonome de sa pratique pour qu’elle puisse être réinvestie. Donc pour résumer, nous proposons de remplacer « s’entraîner à pratiquer » par « s’exercer pour progresser ».

 

Est-ce la seule critique que vous émettez ?

 

Non, bien sûr ! Il y aurait de nombreux points de détail mais nous préférons nous centrer sur les aspects les plus essentiels. D’ailleurs dans le cadre de la consultation sur les projets de programmes du lycée général et technologique, nous sommes conviés à une réunion à la DGESCO jeudi 15 novembre pour en discuter. Deux points seront à éclairer et/ou à faire évoluer selon nous : la programmation et la liste nationale.

 

La programmation est-elle trop floue ?

 

Pour ce qui concerne la programmation, les règles nous paraissent encore trop floues et pourraient favoriser une EPS du zapping. En effet, rien n’oblige l’enseignant à programmer 2 fois une pratique physique, sportive, artistique (PPSA) sur les 3 années du lycée sauf pour l’ECC5. Si le standard devient 3 PPSA par année, cela fait 9 plages de programmation sur les 3 années du lycée dont 2 sont attribuées à l’ECC5. Reste donc 7 plages qui peuvent être occupées par 7 PPSA différentes. On a donc, si on fait ce choix-là 8 PPSA différentes sur le lycée dont une seule a été vue 2 fois. D’ailleurs le texte laisse entendre que l’on peut accéder au niveau de compétence attendu sur un cycle d’enseignement : « L’organisation de trois cycles d’enseignement par année scolaire est un standard qui garantit à chaque élève un temps d’apprentissage suffisant pour pouvoir accéder au niveau de compétence attendu ». Certes le temps d’apprentissage est plus long sur une année mais moins long finalement sur les 3 années. Au vu de la lecture des AFL1 et au regard du parcours de formation de l’élève que l’on pourrait attendre, nous sommes plus que réservés. Notamment si on se fonde sur « une progression non pas linéaire et cumulative, mais spiralaire » comme cela est annoncé. Rappelons qu’actuellement les 3 APSA support de la formation en terminale ont forcément fait l’objet d’un enseignement en seconde ou en première. Nous sommes pour le maintien a minima de cette disposition.

 

Que pensez-vous de la liste nationale d’activité qui est maintenue ?

 

Au sujet de la liste nationale notre groupe est plus partagé. Certains y sont favorables car elle garantit une certaine unité nationale mais s’interrogent sur la disparition de certaines PPSA par rapport à la liste précédente (exemple : course de haies, natation de distance en ECC1) ou au premier projet présenté (exemple le Cross-fitness) ainsi que l’apparition de la danse de couple en ECC3. Soulignons toutefois que cette unité sera quelque peu battue en brèche avec la possibilité, en terminale, de choisir en plus 1 PPSA parmi les 5 de la liste académique et 1 PPSA d’établissement. C’est la raison pour laquelle d’autres souhaiteraient que les enseignants aient l’entière liberté de choisir les PPSA les plus pertinentes pour viser l’appropriation des différentes expériences corporelles. Dans ce cas, l’unité nationale n’est pas dans la liste de PPSA mais dans les AFL. Plus que les PPSA, nous pensons que ce sont les thèmes d’enseignement précis qui devraient être imposés pour chaque ECC. Après tout les programmes de Français n’imposent pas une liste de romans ou d’œuvres mais des thèmes d’étude ? Enfin, dernier argument, le débat sur la liste nationale n'a plus vraiment lieu d'être dans la mesure où le principe d’accepter des formes de pratique scolaire diverses pour atteindre les AFL est retenu et généralisé.

 

L’esprit de ce texte interroge  la certification non ?

 

Bien qu’il n’en soit pas question, ces programmes interrogent fortement la certification qu’il y ait ou non une liste nationale. Dans le cas d’une liste nationale, il faudra que les référentiels proposés puissent englober les différentes formes de pratique scolaire qui auront émergé pour favoriser l’atteinte des AFL1. Ils devront prévoir des possibilités d’aménagements d’épreuves, comme cela était le cas pour le DNB dans les programmes collège de 2008. Pas si simple ! S’il n’y a pas de liste nationale alors ce serait les établissements scolaires qui auraient à définir et à faire valider par l’Inspection pédagogique leurs modalités d’évaluation au regard des AFL. Cela aurait le mérite de créer une dynamique très favorable à notre discipline.

 

Pour terminer, que pensez-vous de l’enseignement optionnel proposé ?

 

Pour nous c’est un véritable problème et nous ne partageons pas du tout les propositions qui nous semblent beaucoup trop ambitieuses et impossibles à mettre en œuvre dans le temps imparti de 3h par semaine et cela pour chaque niveau d’enseignement. Le législateur semble hésiter entre une option centrée sur le perfectionnement de la pratique personnelle et une véritable formation à l’orientation notamment en STAPS. La poursuite des 2 objectifs, préserve d’une certaine manière les 2 options qui existaient, mais n’est pas réaliste ! Le volume horaire nécessaire pour mener l’analyse réflexive dédiée aux différents projets amputera de manière drastique la pratique.

 

Par exemple les programmes de seconde notamment les attendus de fin de lycée spécifiques à cette option (AFL3) sont déconnectés de la réalité de la pratique. En effet, il s’agit de connaissances théoriques sur les métiers du sport et non d’une sensibilisation à ces métiers comme cela était le cas dans les précédents programmes qui liaient obligatoirement un thème d’étude à 2 PPSA pratiquées. Ainsi les élèves pouvaient développer certaines compétences (organiser, concevoir, coacher, manager, animer, rendre compte, analyser, etc.) directement en lien avec les PPSA support de leur formation. Dans le nouveau texte rien n’incite l’enseignant à faire ces liens. Combien d’enseignants le feront ? Et combien d’élèves seront intéressés par un tel projet ?

 

Seul le programme de première est véritablement ancré dans la réalité des pratiques physiques, sportives, artistiques ! Mais là encore, les thèmes d’étude ont disparu pour réapparaître en terminale en vue de les initier à une démarche scientifique. Là nous sommes plus que sceptiques. Cette ambition pourrait éventuellement être approchée dans le cadre d’un enseignement de spécialité mais au vu des moyens alloués, c’est totalement impossible.

 

En définitive, le rapport investissement/bénéfice sera maigre pour les élèves sauf pour ceux qui sont sûrs de poursuivre leurs études dans la filière STAPS à condition toutefois que ce soit un critère retenu par Parcoursup !

 

Par Antoine Maurice et Benoît Montégut

 

L’analyse du Café

L'AE EPS

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 22 novembre 2018.

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