Elodie Lahaye : Emission TV littéraire au collège 

Peut-on relier apprentissages disciplinaires et Education aux Médias et à l’Information ? Peut-on même amener les élèves à utiliser l’écriture télévisuelle pour travailler sur la littérature ? C’est l’étonnante proposition d’Elodie Lahaye, professeure de français au Collège Honoré de Balzac à Azay-Le-Rideau. Ses élèves de 4ème ont conçu et réalisé toute une émission de télévision autour d’une nouvelle de Maupassant. Au sommaire : interview de l’auteur, critique littéraire, rubriques faits divers, arts, société. Et le travail mené apparait fructueux : construction et fixation des connaissances, travail de l’expression orale, dynamique de classe, estime de soi… « Les élèves « n’ont qu’une envie : recommencer, car ils savent qu’ils sont capables d’y arriver. » Un dispositif  transférable, à découvrir en cette Semaine de la Presse et des Médias dans l’Ecole qui, du 18 au 23 mars 2019, invite à multiplier les actions.

 

Dans quel contexte avez-vous mené ce travail autour de Maupassant ?

 

J’ai mené ce travail en classe de quatrième. Cette émission était le projet final de notre deuxième séquence de l’année intitulée « La nouvelle, miroir de la société du XIXème siècle » à travers les nouvelles de Maupassant. Elle entre ainsi dans la thématique « La fiction pour interroger le réel ». A travers l’étude de La Parure et la lecture cursive de plusieurs nouvelles, nous avons découvert l’univers de Guy de Maupassant et nous nous sommes interrogés sur les fonctions de ces nouvelles : sont-elles le reflet d’une époque et que nous apportent-elles encore aujourd’hui ? Avec cette émission, plusieurs compétences étaient visées : de lecture, à travers l’interprétation des nouvelles, d’écriture avec la rédaction des rubriques, et des compétences orales.

 

Produire en 4ème une émission de télévision sur Maupassant apparait comme un projet un peu fou : comment avez-vous lancé le travail ?

 

Un peu fou sûrement, mais surtout passionnant. Je voulais faire comprendre aux élèves que tout ce que nous avions fait en amont était utile et qu’ils allaient le réinvestir. De plus, arrivant dans l’établissement, c’était aussi un moyen pour moi de mieux faire connaissance avec les élèves par ce travail de mutualisation et de coopération.

 

Je leur ai donc dit que tous ensemble on allait se lancer dans cette aventure et ils ont adhéré aussitôt en raison, je pense, du format d’émission proposée. Après la présentation de l’objectif, je leur ai annoncé qu’ils disposaient de 5 heures de recherches et d’écriture, de 2 heures de préparation à l’oral et de 2 heures de tournage. Ils ont été un peu affolés se disant qu’ils n’auraient jamais assez de temps, mais nous avons tenu les délais.

 

Différentes tâches ont été réparties entre les élèves en fonction des différentes rubriques de l’émission : pouvez-vous nous les présenter ?

 

Nous avons fonctionné comme dans une rédaction dont j’étais le rédacteur en chef. Chaque groupe avait sa pochette avec pour chaque élève une fiche guide préparatoire. A partir de là, ils avaient accès à de nombreux documents pour faire leur rubrique.

 

Les élèves ont été répartis en six rubriques… Les présentateurs ont rédigé le conducteur de l’émission, leurs introductions et transitions. Ils ont aidé leurs camarades à choisir des titres, des lieux pour le fond vert.

 

Pour la rubrique « Faits divers », il s’agissait d’adapter trois nouvelles de Maupassant en faits divers actualisés. Ce fut l’occasion de voir que les thèmes abordés avaient toujours des échos aujourd’hui, comme avec Le papa de Simon. Les élèves ont d’abord relu les nouvelles, travaillé à partir d’une fiche guide sur l’écriture du fait divers. Et ensuite ils ont pu écrire leur rubrique.

 

Avec la rubrique « Interview de Maupassant », il s’agissait de réinvestir les recherches biographiques menées en début de séquence. Pour la « Critique littéraire de la nouvelle »,: les élèves avaient accès au travail mené pendant la séquence, à une fiche guide et ils ont également pu regarder des critiques réalisées par des booktubers.

 

Pour la rubrique de l’émission consacrée à l’art, j’ai choisi de les faire travailler sur l’artiste Jean Béraud, dont les œuvres ornent souvent les manuels scolaires. A la manière de l’émission « D’art D’art » dont ils ont visionné des épisodes, les élèves ont créé leur rubrique : générique, biographie et analyse de trois tableaux sur le Paris du XIXème siècle.

 

Enfin a été réalisée une rubrique « Emission culture sur les droits des femmes au XIXème siècle », sujet très actuel et qui est en lien avec leur programme d’histoire et au cœur de la nouvelle La Parure. Les élèves avaient à disposition des manuels, des ressources documentaires. Ils ont sélectionné les informations essentielles et fait le choix de présenter leur travail sous forme d’interviews.

 

Comment avez-vous mené à bien le tournage ?

 

Pour le tournage, nous avons la chance d’avoir une fois la semaine un créneau de deux heures que nous avons réservé à cette étape. Nous avions à disposition la caméra du collège, un micro zoom ainsi qu’un fond vert.

 

Le jour du tournage, les élèves étaient tous un peu stressés. Nous étions en classe entière. Nous avons d’abord tourné toutes les séquences d’introduction des présentateurs, puis rubrique par rubrique. Evidemment, pour certains, de nombreuses prises ont été nécessaires, mais le travail s’est fait dans la bonne humeur. Ils étaient tous silencieux et respectueux. Chacun savait qu’à un moment ou à un autre ce serait son tour d’être devant l’objectif, ce qui je pense, a permis de créer un climat de confiance.

 

Nous avons dû jouer avec les sorties de cours des autres classes et les essais de sonnerie du collège. Ces interruptions ont permis de détendre l’atmosphère.

 

Et le montage ?

 

Je me suis occupée du montage à partir des demandes des élèves. N’ayant encore jamais réalisé ce type d’émission, j’ai donc appris à me servir d’un logiciel gratuit et simple d’utilisation. Je pense qu’à l’avenir, si je refais ce genre de projet, je demanderai aux élèves de s’occuper eux-mêmes du montage. Mais là, j’ai voulu gagner du temps en le réalisant moi-même.

 

Il est assez rare d’adopter ce format d’émission de télé : quels profits les élèves vous semblent-ils tirer d’un tel travail ?

 

Ce fut une expérience enrichissante pour tous. Tous les élèves se sont impliqués : ils ont eu à cœur de réussir leur rubrique car ils savaient que le rendu final dépendait de chacun d’eux. Il a parfois fallu que je remotive certains groupes paniqués à l’idée de ne pas y arriver.

 

Tous les élèves se sont impliqués à l’oral. C’était un des objectifs et l’une des compétences évaluées : il devait tous prendre la parole. Ils ont su également réinvestir ce qui avait été étudié en classe.

 

Et le plus important, une vraie cohésion de groupe est née à partir de ce projet. Je sens que l’ambiance n’est plus la même entre eux et avec moi. Ils n’ont qu’une envie : recommencer, car ils savent qu’ils sont capables d’y arriver.

 

L’émission se termine par un beau « Merci à tous ! » lancé par toute la classe : en quoi un tel travail vous semble-t-il susceptible de favoriser aussi dynamique collective et compétences collaboratives ?

 

Ce « Merci à tous » est leur idée. Ils voulaient ainsi se féliciter les uns les autres, mais aussi remercier tous ceux qui ont pris le temps de regarder leur travail. La classe a été ravie de recevoir les compliments du principal et du principal adjoint, mais aussi de leurs professeurs. Un vrai sentiment de réussite collective. Et cette émission a donné des idées à ma collègue d’allemand qui pense réutiliser le principe de l’interview fictive, ainsi qu’aux collègues de lettres et langues de mon établissement pour de futurs projets.

 

Quels conseils donneriez-vous à des collègues séduits par le projet, mais un peu inquiets à l’idée de se lancer ?

 

Foncez ! Souvent on pense que de tels projets prennent du temps et que nous ne pourrons jamais les mener à bout. Je dois avouer qu’au début j’avais quelques craintes, concernant notamment mes compétences informatiques pour le montage. Et puis finalement, les élèves m’ont portée par leur enthousiasme et leur investissement. Il faut leur fixer un cadre bien défini, être clair au niveau des exigences attendues et ensuite leur faire confiance. 

 

Propos recueillis par Jean-Michel Le Baut

 

L’émission littéraire des 4èmes sur Maupassant

La rubrique Faits divers

Les consignes pour la rubrique Faits divers

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Sur la Semaine de la Presse et des Médias dans l’Ecole

 

 

 

 

Par fjarraud , le lundi 18 mars 2019.

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