Que sait-on de l'effet des pairs sur la réussite des élèves ? 

" Au sein d’un établissement, les élèves sont influencés par la composition socio-économique et le niveau scolaire de leurs pairs. Les élèves de milieu défavorisé, ou en difficulté scolaire, y sont en général plus sensibles". Denis Fougère (CNRS), Pauline Givord (Insee), Olivier Monso et Claudine Pirus (Depp) publient pour le Liepp Sciences Po une étude que l'effet de pairs dans l'enseignement primaire et secondaire. Des effets difficiles à évaluer ce qui explique les conclusions prudentes des auteurs. Les résultats des recherches tendent à montrer l'intérêt de la mixité sociale dans les établissements scolaires, un objectif perdu de vue aujourd'hui alors que la France a un des systèmes scolaires les plus inégalitaires.

 

Un effet statistiquement modeste...

 

   L'étude de Denis Fougère, Pauline Givord, Olivier Monso et Claudine Pirus fait un état des lieux des études existant sur les effets des pairs en éducation. C'est un domaine où les travaux ne sont pas toujours convergents ce qui amène les auteurs à développer un regard critique. C'est aussi un domaine où l'évaluation est difficile. Et toute une partie de l'article, que nous passerons ici, revient sur les méthodes employées pour identifier les effets de pairs et les mesurer.

 

" La plupart des recherches des économistes concluent que la composition socio-économique ou scolaire des pairs a une influence sur les résultats scolaires des élèves", établit cette étude. Les deux caractéristiques sont d'ailleurs particulièrement liées en France.

 

" La composition scolaire et socio-économique des camarades a une influence sur les résultats scolaires", estiment les auteurs. Mais mesuré dans sa globalité , l'effet semble modeste. " À partir des données du panel d’élèves entrés au CP en 1997, Davezies (2005) constate que le fait d'être scolarisé dans une école parmi les plus favorisées socialement, plutôt que dans les écoles les plus défavorisées, augmente le score de l’élève en sixième d’environ 5 points sur 100 en mathématiques, et de 2 à 3 points en français aux évaluations nationales de début de sixième". Cet effet global est moins efficace que la réduction du nombre d'élèves.

 

Mais socialement important

 

Pour autant, cet effet est nettement plus important quand on quitte la moyenne et qu'on l'observe pour les élèves de faible niveau scolaire ou défavorisés. " C’est notamment le cas de l’étude de Davezies... Être scolarisé dans une école parmi les plus favorisées socialement, plutôt que parmi les plus défavorisées, produit un impact deux à trois fois supérieur pour des élèves qui sont parmi les plus faibles que pour ceux les plus performants à l’entrée au CP", note l'étude. Dans une étude de sur les effets de la composition scolaire des classes de terminale, "l’effet d’une hausse du niveau scolaire des pairs est cinq fois supérieur pour les élèves initialement les plus faibles". Une évaluation confirmée par d'autres études internationales, comme la recherche menée sur l'ouverture des grammar school en Irlande.

 

Les auteurs concluent que " dans la plupart de ces recherches, ce sont donc les élèves aux acquis les plus fragiles, ou dont l’environnement familial est le moins favorable à la réussite scolaire, qui sont les plus sensibles à la composition sociale et scolaire de leur classe. Ils bénéficient de l’entourage de camarades de niveau scolaire supérieur même si dans certains cas, une hétérogénéité trop forte leur est préjudiciable".

 

Cet avantage pour les élèves plus défavorisés ne se retrouve pas dans l'orientation , notent les auteurs. Etre dans une classe de très bon niveau pénalise l'orientation des élèves plus faibles, même si les élèves admis dans une classe de composition sociale favorisée envisagent des études plus longues. Les établissements élèvent dans ce cas leur niveau d'exigence. Inversement les élèves des collèges défavorisés ont un taux de passage en 2de générale plus élevé malgré des notes au DNB plus faibles.

 

" D’autres sphères que la seule réussite scolaire doivent être également prises en compte", ajoutent les auteurs. "En effet, plusieurs études mettent en avant des effets « sociaux » importants. Par exemple, au Danemark constatent que les jeunes entrant au lycée professionnel ont une probabilité plus grande de commettre un délit lorsqu’ils côtoient, dans leur établissement, des camarades ayant déjà commis un délit durant leur scolarité au collège. Pour les jeunes ayant déjà commis au moins deux délits, la probabilité de récidive est fortement réduite lorsque la proportion de camarades au passé délinquant est plus faible. D’autres travaux montrent aussi que les comportements et la sociabilité des élèves sont soumis à des effets de pairs significatifs".

 

Plaidoyer pour la mixité sociale

 

La conclusion que tirent Denis Fougère, Pauline Givord, Olivier Monso et Claudine Pirus c'est que "les élèves ayant de bons résultats scolaires, ou issus de milieux socio-économiques favorisés, ont plutôt un effet d’entraînement sur l’ensemble des élèves. Inversement, la concentration d’élèves en difficulté scolaire, ou issus d’un environnement familial moins propice à la réussite scolaire, est un facteur pénalisant les performances scolaires, surtout pour ces groupes d’élèves".

 

Pour les auteurs, " les phénomènes de ségrégation peuvent aggraver les inégalités scolaires". Or on sait qu'on touche là un tabou absolu du système éducatif.

 

Entre 2012 et 2017, de nombreuses études ont été menées, d'abord par la région Ile de France, puis par le Cnesco, sur la mixité sociale. Le colloque du Cnesco en 2015 a été déterminant pour la mise en route d'une politique ministérielle timide, largement appuyée sur les acteurs locaux. En 2017 une trentaine d'opérations étaient en cours à des stades variés d'avancement.

 

Pour pouvoir continuer ces opérations de mixité ont besoin du soutien de l'Education nationale. D'abord parce que la mixité passe par la réduction des inégalités de l'offre scolaire. Ensuite parce qu'elle implique un accompagnement pédagogique nécessitant des moyens pour réduire les difficultés scolaires des élèves fragiles.

 

Il est apparu qu'avec le changement de gouvernement ces moyens ont été gelés stoppant nettes les opérations de mixité. La réforme du lycée , en accroissant les inégalités d'offre scolaire, va renforcer les inégalités entre établissements, la logique bureaucratique poussant à renforcer l'offre là où elle est "rentable" c'est à dire dans les établissements les plus privilégiés.

 

Ainsi l'éducation nationale se prive d'un des leviers pour tirer vers le haut les élèves les plus fragiles qui sont aussi ceux des quartiers les plus populaires.

 

François Jarraud

 

L'étude

Le colloque du Cnesco sur la mixité

Des progrès fragiles à Paris

Les mères du Petit Bard au ministère

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 09 avril 2019.

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