A quoi servent les évaluations nationales ? 

Alors que le ministère informe les médias du lancement de la "campagne nationale" pour les évaluations en Cp, Ce1, 6ème , 2de et Cap, leur utilité est interrogée par les études ministérielles elles-mêmes. Si l'on suit un rapport de l'Inspection générale de 2020, les évaluations nationales dans le second degré ont été conçues en totale déconnexion des usages et attentes des enseignants. On imagine sans peine ce qu'ils en font. Dans le premier degré les enseignants leur ont trouvé une utilité : elles servent à justifier les décisions de l'enseignant vis à vis des parents. Seule une minorité les utilisent pédagogiquement. C'est la  4ème année de déploiement pour cette machine qui touche plus de 3 millions d'élèves. Il serait peut-être temps d'interroger leur utilité...

 

Evaluations : le passif de JM Blanquer

 

"Ces outils d'évaluation nationaux constituent une approche inédite dans le monde. Nous donnons ainsi à chaque professeur un point de repère pour l'aide personnalisée éventuellement nécessaire à chaque enfant. Cela nous permet de mesurer les progrès accomplis". Dans "Ecole ouverte", son dernier livre, JM Blanquer ne tarit pas d'éloges sur les évaluations nationales présentées comme une innovation géniale pour aider les élèves. A preuve : les évaluations auraient "effacé les dernières scories de la méthode globale", une méthode de lecture qui avait déjà presque totalement disparu en 2006 quand JM Blanquer , directeur adjoint du cabinet de G de Robien, avait utilisé une opposition bidon globale - syllabique pour jeter les parents sur les professeurs au moment où il supprimait des postes par milliers.

 

Autant dire que ces évaluations nationales sont tout sauf "inédites". En réalité JM Blanquer a un passif sur les évaluations nationales. Entre 2009 et 2012, comme Dgesco, il avait déjà lancé des évaluations nationales , comme nous l'avons rappelé dans cet article de 2017. L'idée venait de N Sarkozy qui souhaitait disposer d'un outil pour évaluer "l'efficacité" de chaque enseignant. C'est pour cette raison que ces évaluations doivent toucher tous les élèves et non seulement un échantillon qui serait bien suffisant pour " mesurer les progrès accomplis" par le système éducatif. Déjà les évaluations de 2009-2012 prétendent assurer à la fois l'évaluation du système éducatif et le diagnostic de chaque élève. Déjà des voix s'élèvent chez les enseignants contre ces évaluations inutiles et décourageantes pour les élèves en difficulté. Un certain nombre refuse de les faire passer. Dans la "centrale", la Depp montre qu'elles ne sont pas fiables. Surtout le Haut Conseil de l'Education, une instance officielle mais indépendante,  dénonce le caractère "trompeur" des résultats. On comprend que JM Blanquer ne tienne pas à rappeler cet épisode...

 

Des évaluations inutiles au primaire

 

Alors que la campagne des évaluations est lancée le 13 septembre, le ministère veut convaincre de leur utilité. " Ces évaluations mise en place depuis 2018 doivent permettre à chaque professeur de mieux saisir le niveau de chacun de ses élèves et de pouvoir ainsi mieux adapter son accompagnement dès le début de l’année. Ces évaluations sont des points d‘appui nécessaires pour permettre à l’ensemble des professeurs de contribuer à la réussite de leurs élèves. Elles permettent également d’engager un dialogue avec les familles pour améliorer l’accompagnement de l’enfant", écrit le ministère.

 

Techniquement, les évaluations mises en place depuis 2017 ont elles aussi été critiquées.  Roland Goigoux explique en 2019 qu'elles "font mentir les chiffres". Mais ce qui est plus gênant pour le ministre c'est qu'à nouveau des rapports officiels en contestent aussi l'utilité.

 

Ainsi dans le 1er degré, la Depp a publié les résultats des évaluations de mi CP en mars 2021. Contrairement à ce qu'a pu dire JM Blanquer, ces évaluations montrent un creusement des écarts entre les élèves de l'éducation prioritaire et les autres. Ainsi pour la compréhension à l'oral 14% des élèves échouent hors rep et 38% en Rep+. Malgré les dédoublements la moitié des élèves de Rep+ sont en difficulté en compréhension d'un texte lu seul. Un pourcentage identique ne sait pas additionner.

 

Surtout ce que montre l'étude de la Depp c'est qu'on se demande à quoi servent ces évaluations. En principe elles devraient permettre à l'enseignant de découvrir les difficultés des élèves et d'y remédier. En fait c'est à peine la moitié des enseignants qui lui reconnaissent une certaine influence. Seulement 30% la juge utile pour découvrir des difficultés d'élèves. Elle sert surtout pour se justifier lors de rencontre avec les parents (65% des professeurs) mais sert très peu entre enseignants (27% en conseil d'école). Les seuls professionnels qui s'en servent sont les IEN qui déclarent à 90% qu'elle sert pour le plan de formation.

 

Des professeurs indifférents dans le second degré

 

C'est encore pire dans le second degré comme le montre un rapport de l'Inspection générale (B Buschini, O Hunault, J Yebbou) publié en août 2020. " Il n’y a pas eu de rejet des enseignants quant à la passation de ces évaluations. Respectueux des consignes, ils restent cependant en retrait, une grande partie oscillant entre léger intérêt et indifférence", note le rapport. Rien d'étonnant : le rapport relève que les évaluations ont été conçues, par les « experts » du conseil scientifique et la Dgesco, sans tenir aucun compte des attentes et des pratiques des enseignants. En conclusion le rapport demandait au moins la suppression des évaluations en 2de.

 

Indifférent même à ses études, le ministère entame la 4ème campagne d'évaluations nationales en sachant qu'elles ne servent à pas grand chose...

 

François Jarraud

 

2008 : l'appel de 100 enseignants contre les évaluations nationales

 

 

 

Par fjarraud , le mardi 14 septembre 2021.

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