Présidentielle : Libérons le programme économique caché des candidats 

En annonçant, le 2 mars, des temps économiquement et socialement difficiles dans les années à venir, Emmanuel Macron a enfin levé un non dit de la piteuse campagne des présidentielles. Bien avant que la guerre arrive en Europe et bouleverse toutes les prévisions, les perspectives économiques du pays ont été dessinées par la Cour des comptes. Dans un rapport de juin 2021 elle annonçait déjà des temps budgétaires difficiles. La guerre, avec ses retombées économiques et budgétaires, ne va rien arranger. Alors quelque soit le résultat des élections, il vaut mieux  connaitre les prévisions et les recommandations de la Cour et interroger les candidats sur leur futur budget...

 

L'impact durable de la crise sanitaire

 

Traditionnellement la Cour des Comptes publie ses analyses après les élections pour ne pas peser sur les candidats. Cette année, aussi bien sur l'école que sur le budget de l'Etat , la Cour a pris les devants et n'hésite pas à poser des perspectives post électorales.

 

Si, sur l'Ecole, la Cour reprend des propositions déjà anciennes, sur le budget ses propositions sont très actuelles. Et elles portent sur le coeur de la mission de la Cour. Si elles ne s'imposent pas au futur gouvernement, elles fixent un cadre qui de toutes façons s'imposera. En tous cas la Cour dessine une politique budgétaire, financière et économique pour le prochain quinquennat.

 

Pour la Cour, la crise aura un impact durable sur l'économie. Elle n'envisage d'ailleurs une réduction de l'endettement qu'après 2027. La réduction de l'activité avec le confinement a entrainé une baisse du PIB de 7.9% en 2020. Le déficit public a atteint 9.2% du PIB cette même année et reste très élevé en 2021 à 9.4%. La dette publique est passée de 100 à 117% du PIB de 2019 à 2021.

 

"La crise devrait marquer l’économie de manière durable. En éloignant des personnes de l’emploi (ou en retardant l’entrée sur le marché du travail des jeunes générations), elle devrait conduire à une hausse du chômage et à une baisse de la participation au marché du travail. En outre, la crise s’est accompagnée d’une forte réduction de l’investissement des entreprises et pourrait peser sur leur capacité d’innovation. Les capacités de production et la productivité seraient donc plus faibles en sortie de crise que ce qui était anticipé en début 2020", écrit la Cour. Pour elle la France a perdu 2% de capacité d eproduction pendant la crise sanitaire. Par conséquent, "même avec des hypothèses volontaristes, la croissance économique, condition indispensable du redressement des finances publiques, ne permettrait pas à elle seule une décrue durable de la dette publique rapportée au PIB".  Pour la Cour la poursuite de la hausse de la dette finira par poser une question de confiance dans la capacité de remboursement et au final posera un enjeu de souveraineté.

 

Les prévisions budgétaires de la Cour

 

C'est là que la Cour propose ce qui est un véritable programme budgétaire pour le prochain gouvernement. Pour la Cour, même si la décrue de l'endettement n'est envisageable qu'en 2027, le futur gouvernement n'aura d'autre choix que de réduire ses dépenses. Cela passerait par une loi de programmation votée à l'automne 2022 pour la durée du quinquennat.

 

Où engager la réduction des dépenses ? La Cour indique les domaines où la FRance est au dessus des autres pays de la zone euro. C'est le cas de l'enseignement mais la Cour montre que cet écart s'est déjà bien réduit depuis 2001. Les domaines où l'écart est leplus important sont les retraites, les affaires économiques, la santé et le logement.

 

L'impact social

 

La Cour recommande une réforme des retraites pour en réduire le cout. Il faut "poursuivre l'adaptation des régimes de retraite afin de maitriser l'évolution des dépenses". La Cour demande aussi davantage "d'efficience" dans les dépenses de santé. L'instrument pour y arriver est une loi de financement de la protection sociale mettant ensemble la sécurité sociale, les retraites (y compris régimes complémentaires) et assurance chômage. Il y aurait docn aussi "adaptation" de l'indemnisation du chômage et des aides à l'emploi. La Cour demande aussi "d'assurer la soutenabilité" des minima sociaux et des aides au logement.

 

Enfin la Cour demande une réforme de l'administration qu'elle présente comme une "modernisation". Cela passe par l'abandon "des missions que la sphère publique n'a plus vocation à exercer" et la "responsabilisation" des acteurs en développant la contractualisation.

 

La question prioritaire de la présidentielle

 

Depuis ce rapport un élément nouveau est arrivé avec la guerre en Europe. E Macron a annoncé une nouvelle hausse des dépenses militaires. Un récent rapport parlementaire, publié avant l'invasion de l'Ukraine, demandait déjà de passer ces dépenses de 2% à 2.5% du PIB. La situation actuelle laisse envisager une hausse plus forte, peut être d'un point de PIB. Cela représente une vingtaine de milliards qu'il va bien falloir trouver quelque part.

 

Evidemment les candidats ne sont pas obligés de suivre le scénario de la Cour des Comptes, même si c'est elle qui réunit les experts budgétaires de l'Etat. Et le gouvernement n'a encore rien dit de précis sur la prochaine loi de programmation militaire.

 

On peut quand même tirer quelques conclusions. La première c'est qu'il restera bien quelque chose dans l'action gouvernementale à venir du scénario de la Cour des Comptes. La seconde c'est que le discours présidentiel du 2 mars donne l'occasion d'interroger les candidats sur leurs perspectives budgétaires. Disons le : la perspective d'une fragmentation du système éducatif avec une contractualisation généralisée des établissements et des enseignants n'était jusque là soutenue qu'idéologiquement à droite et peut-être aussi chez le candidat Macron. On voit maintenant se dessiner des bases budgétaires pour sa réalisation.

 

François Jarraud

 

Le rapport de la Cour

 

 

 

 

 

 

Par fjarraud , le jeudi 03 mars 2022.

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