JM Blanquer relance le Plan sciences et technologies 

En plein tumulte sur la place des sciences et des maths au lycée, JM Blanquer a annoncé le 2 février, à l'occasion d'une remise des prix La main à la pâte, un plan sciences et technologies pour les écoles primaires. L'intention est de renforcer l'enseignement des sciences à l'école et de montrer, qu'après les plans français et maths, le ministre n'oublie pas les sciences. Encore faut-il ne pas faire d'erreurs dans les démarches de formation. Et là ce n'est pas gagné...

 

Un plan qui fait appel aux expériences et à des partenaires

 

"La science ça commence à l'école primaire ! Par un enseignement explicite et par des expériences". Sur Twitter, JM BLanquer annonce la réunion du comité stratégique du plan sciences et technologies le 15 mars. Selon le ministère de l'éducation nationale, ce plan concerne les professeurs des écoles et sera déployé à la rentrée 2022.

 

"L’initiation de tous les élèves à la démarche scientifique, le développement de leur pensée méthodique, l’acquisition des connaissances et des compétences fondamentales en sciences et technologie dès leurs premières années de scolarité sont les conditions nécessaires à une formation de futurs citoyens éclairés et conscients de la façon dont la science se construit et des différences entre faits avérés et croyances, mais aussi à l’émergence de futures vocations scientifiques et technologiques qui soutiendront cette souveraineté", écrit le ministère. "Déployé de manière concertée avec le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, ce plan bénéficiera de la mobilisation renforcée de nombreux partenaires déjà impliqués dans divers dispositifs dont la stratégie « Science avec et pour la Société » – institutions, universités et grandes écoles, sociétés savantes, mais aussi acteurs industriels – qui pourront apporter localement leur expertise pour contribuer à la formation des professeurs, ainsi qu’à leur accompagnement dans leurs projets scientifiques et technologiques. Les échanges entre enseignants et professionnels des sciences et de la technologie, tout comme la découverte par les élèves des métiers et des personnes qui font la science sont des apports essentiels à la motivation et à la réalisation des objectifs assignés à cet enseignement."

 

L'échec des formations LaMap

 

De son coté, La main à la pâte se positionne déjà pour ces formations rappelant que ses réseaux "proposent une sélection de ressources, de tutoriels et formations pour les enseignants d'école primaire et leurs formateurs. Et la particularité des formations de LaMap c'est l'initiation des professeurs à la démarche d'investigation. Dans le cadre des Maisons des sciences, crées en 2012 avec le soutien de l'Education nationale, La Map  a multiplié les formations d'enseignants. Chaque Maison associe des universités , le rectorat et des entreprises locales. Elles proposent des formations à l'enseignement des sciences basées sur la méthode d'investigation et réalisées avec des scientifiques. Un modèle qui semble correspondre à ce que souhaite le ministre.

 

Malheureusement la première évaluation de ces formations, en 2017, réalisée par Marc Gurgand (PSE) montre que les résultats ne sont pas au rendez vous. Basée sur l'observation des pratiques de classe et de près de 2500 élèves du primaire, l'étude montre une amélioration sensible des connaissances des élèves dont l'enseignant a suivi un stage LaMap, par rapport au groupe témoin. Mais le stage n'a pas d'effet sur la motivation ou sur les compétences des élèves. Chez les enseignants on n'observe pas plus de manipulations chez ceux qui ont suivi le stage que dans le groupe témoin.  Ce qui a changé c'est l'augmentation des heures dévolues aux sciences chez ces enseignants du primaire. Autrement dit le stage a certainement donné envie aux enseignants de faire plus de sciences mais sans changer leurs pratiques. C'est cette hausse de l'horaire qui entrainerait de meilleures connaissances. Il n'y aurait pas d'effet profond sur les pratiques enseignantes. Pour Marc Gurgand c'est justement l'appel à des scientifiques, prêtés par les partenaires, qui explique cet échec.

 

Ce que dit Pisa sur l'enseignement des sciences

 

Il est à rapprocher d'une autre évaluation sur l'enseignement des sciences. Celle de Pisa 2015. "Les résultats de l’enquête PISA montrent que lorsque les enseignants expliquent et démontrent fréquemment les concepts scientifiques, et discutent des questions des élèves (une méthode d’enseignement appelée communément l’enseignement dirigé par l’enseignant), les élèves obtiennent de meilleurs résultats en sciences, affichent de plus fortes convictions par rapport au bien-fondé de la démarche scientifique (ou convictions épistémiques) et sont plus susceptibles d’envisager exercer une profession scientifique à l’âge adulte", écrit l'OCDE. "Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe aucun système d’éducation dans lequel les élèves ayant déclaré être fréquemment exposés à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation (qui leur demande d’effectuer des expériences ou des travaux pratiques) obtiennent un score plus élevé en sciences. Après contrôle du statut socioéconomique des élèves et des établissements, une exposition plus importante à l’enseignement fondé sur une démarche d’investigation est corrélée à de moins bons résultats des élèves en sciences dans 56 pays et économies".

 

L'Education nationale saura t-elle tenir compte de ces études et résister à la mode, en vigueur depuis plus de 10 ans, qui consiste à réunir les sciences dans un enseignement commun, à favoriser la démarche d'investigation et l'appel aux partenaires extérieurs ? Le plan "sciences et technologies" semble bien parti pour continuer sur cette route. S'il n'est pas simplement un outil médiatique pratique en cette période.

 

François Jarraud

 

 

 

Par fjarraud , le mercredi 16 mars 2022.

Commentaires

  • Caroline Caouren, le 12/04/2022 à 12:26
    Cet article du Café pédagogique portant sur le plan sciences et technologie à l’école fait référence à une évaluation conduite par M. Gurgand sur les formations des Maisons pour la science, dont le réseau national est coordonné par la Fondation La main à la pâte, ainsi qu’à une analyse de certains résultats de l’enquête PISA 2015 concernant la pédagogie d’investigation (1). La Fondation La main à la pâte souhaiterait commenter ici brièvement ces points importants. 

    La Fondation La main à la pâte opère dans le secteur de l’éducation scientifique et technologique depuis plus de 25 ans et le fait en co-construisant ses activités à la fois avec des éducateurs - pour en garantir la pertinence dans la classe - et des scientifiques de profession - pour garantir la solidité des contenus scientifiques proposés. Au-delà de l’aide apportée aux professeurs pour enseigner les sciences et la technologie en classe, la Fondation se veut un laboratoire d’idées et d’innovation. Elle s’appuie sur la recherche en éducation portant sur les apprentissages, pour faire évoluer ses ressources en accord avec les connaissances actuelles internationales dans ce domaine et les besoins du terrain.  C’est justement avec cette volonté d'amélioration constante des outils proposés aux professeurs, que la Fondation a engagé dès le début à la fois une veille scientifique et des évaluations des pratiques de classe.  

    Suite à la publication critique de l’article du Café pédagogique, il nous paraît important de remettre en contexte et de préciser les résultats de l’évaluation conduite par M. Gurgand et coll. en 2017, ainsi que les conclusions d’un des rapports de PISA sur l’évaluation, c’est pourquoi nous avons demandé ce droit de réponse à la rédaction du Café pédagogique. 

    Au sujet de l’évaluation conduite par M. Gurgand
    Entre 2014 et 2017, nous avons participé à une évaluation à grande échelle menée par une équipe de chercheurs en évaluation et didactique dont les travaux ont été financés par l’Agence nationale de la Recherche (ANR) (1). Cette évaluation a porté sur les deux premières années de fonctionnement d’un dispositif naissant - les Maisons pour la science. Il nous paraissait important d’y installer dès le début une culture de l’évaluation et de la recherche pour faire évoluer les actions de ce réseau. Nous avons pu constater que la participation aux formations proposées avait pour effet de motiver les enseignants à faire plus de sciences en classe, avec un impact prévisible sur les connaissances des élèves, mais sans l’impact prévu et désiré sur leurs compétences transverses et leur motivation pour la science. Un tel résultat, bien que décevant, n’est pas surprenant quand on sait qu’il est extrêmement difficile de mesurer de manière robuste l’impact des formations des professeurs sur les apprentissages des élèves et que le dispositif testé n’était qu’aux prémices de son déploiement. L’article en préparation issu de cette recherche (voir note 1) ne mentionne pas d’effet négatif de l’engagement des scientifiques pendant les formations comme semble le suggérer le billet du Café pédagogique. Cette évaluation a toutefois eu pour effet de confirmer l’importance d’associer chaque action de développement professionnel à des activités pédagogiques immédiatement transférables dans la classe et d’exploiter la formation pour permettre aux enseignants de s’approprier ces ressources. Les actions proposées dans les Maisons pour la science et plus récemment les tutoriels d’autoformation en ligne de la plateforme L@map présentent donc systématiquement cet équilibre.
    Depuis et compte tenu de ces constats, nous avons établi un partenariat avec l’Université de Mons, et notamment avec le Laboratoire INAS, spécialisé dans les domaines de l’analyse des politiques et des systèmes éducatifs, des pratiques de classes et de la formation des enseignants et des cadres. Nous aurons les premiers résultats de cette évaluation prochainement.
    Notre volonté de nous prêter à l’évaluation et à la recherche autour des pratiques d’enseignement des sciences nous a également amenés au cours des quatre dernières années à nous engager sur deux nouveaux projets financés par l’Agence nationale de la recherche. Dans les deux cas, des activités pédagogiques proposées par La main à la pâte sont testées pour en tirer des indications pour l’amélioration de l’éducation à l’esprit critique et des attitudes envers la science.

    Au sujet de PISA 2015
    L’enquête PISA 2015 traitait en majeur partie des sciences de la nature (expérimentales et d’observation). Elle se voulait une analyse de quatre pédagogies d’enseignement des sciences que pouvaient avoir rencontré les élèves de 15 ans, dans 72 pays, avec un sous- ensemble formé des 35 pays développés de l’OCDE. Elle a procédé d’après les déclarations des élèves, portant sur les modalités d’enseignement qu’ils avaient reçues, en utilisant une typologie qui distingue quatre modalités, dont l’une est “un enseignement dirigé par le professeur“, et une autre “un enseignement fondé sur une démarche d’investigation“. Trois paramètres apprécient un élève : son score aux tests QCM mesuré, puis ses convictions épistémiques et sa projection dans un avenir professionnel, tels que déclarés. L’enquête présente les corrélations observées puis classe les pays et tire des conclusions.
    Parmi celles-ci, en résumant : où que ce soit dans les pays OCDE, quand la pédagogie d’investigation est déclarée significative, le score des élèves est inférieur. Mais il est également indiqué que chez ceux-ci, une conviction épistémique plus forte est observée et leur plan d’avenir est plus favorable à une carrière fondée sur les sciences. La première conclusion, très négative, conduit à questionner plusieurs points, sur lesquels l’enquête fait l’impasse : son appréciation de la modalité de pédagogie est-elle fondée et correcte ? Y a-t-il exclusion mutuelle entre enseignement dirigé et investigation ? Quelle était la compréhension et l’expérience des professeurs rangés dans cette dernière modalité par leurs élèves ? Les scores mesurent-ils l’intégralité de ce qui est attendu d’un enseignement scientifique ?  Etc. Quant à la deuxième conclusion, positive, elle encouragerait au contraire la pratique de l’investigation, et pour de bons motifs.
    La pédagogie promue par La main à la pâte et mise en œuvre de façon indépendante dans un grand nombre de pays depuis deux décennies, mérite mieux. Elle repose sur de nombreux gestes qui selon PISA sont corrélés au succès des élèves mais ne sont pas associés aux méthodes d’investigation : expliquer les idées scientifiques, discuter les questions des élèves, démontrer une idée, adapter le cours aux besoins des élèves, fournir une aide personnalisée pour les élèves en difficulté avec la compréhension d’une idée ou tâche…  La synthèse de PISA 2015 à laquelle fait référence l’article ne rend pas compte de la richesse sous-jacente de notre approche pédagogique et confond les scores avec l’appréciation d’un bon enseignement scientifique. On cite volontiers le cas de la Finlande, dont les excellents scores sont pourtant associés à un profond désintérêt des élèves pour la science. Le récent rapport, très approfondi, de Wynne Harlen publié par l’IAP (2) met en lumière les résultats d’une pédagogie d’investigation. Le recours à cette approche est par ailleurs considéré dans d’autres études comme étant efficace pour favoriser une attitude fondamentale auprès des élèves : la curiosité scientifique (3)  - à condition de mettre en place un ensemble de conditions favorables (4). 
    Les nombreux professeurs qui, en France, à l’école ou au collège, se réfèrent à l’investigation pourront trouver dans ces analyses motif à approfondir leurs propres évaluations, sommatives ou formatives, concernant l’impact de leur pédagogie sur leurs élèves. Mais un rejet de celle-ci, qui se fonderait sur les analyses de Pisa 2015 serait très abusif et réducteur.

    Il nous semble donc que juger de l’impact des actions des Maisons pour la science ou des méthodes d’investigation à la seule vue des études de l’ANR et PISA citées sans faire référence à d’autres travaux reconnus internationalement est un raccourci dangereux et inexact donnant une vue partiale de cette problématique. Mesurer l’impact des méthodes pédagogiques est un travail difficile et nécessaire qui se construit sur le long terme. La fondation La main à la pâte en a conscience et s’efforce de prendre en compte les connaissances solidement établies en matière d’éducation aux sciences et d’apprentissage dans ses activités afin de permettre aux enseignants de s'approprier un ensemble de gestes reconnus comme étant utiles à l’apprentissage des sciences, et à les aider à respecter les conditions nécessaires pour des investigations productives. 
    La place accrue des questions scientifiques et technologiques dans la société actuelle et leur importance pour l’avenir des élèves nous incitent à poursuivre dans cette voie. 

    Daniel Rouan, Président de la Fondation La main à la pâte

    Notes :
    1.Teacher Training Program, Teacher Practices and Student Performance in Science: Evidence from a Randomized Study in French Primary Schools (2021), with Suzanne Bellue, Marc Gurgand, Valerie Munier and André Tricot. R&R Journal of Human Resources [Bellue_etal_WP2021]
    2. Harlen, W (2022) Evaluation et investigation dans l’enseignement scientifique de la politique à la pratique, IAP.
    3. Jirout, J. J. (2020). Supporting Early Scientific Thinking Through Curiosity. Frontiers in Psychology, 11, 1717.
    4. Lazonder, A. W., & Harmsen, R. (2016). Meta-analysis of inquiry-based learning: Effects of guidance. Review of educational research, 86(3), 681-718
    Martella, A. M., Klahr, D., & Li, W. (2020). The relative effectiveness of different active learning implementations in teaching elementary school students how to design simple experiments. Journal of Educational Psychology, 112(8), 1582.




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