Parcoursup : L'urgence à rétablir les droits des jeunes à choisir leur avenir 

" Forcés d’accepter un numéro de place dans une file d’attente pourtant en grande partie artificielle, la nouvelle procédure fait porter (aux élèves) la responsabilité de voir les portes de certaines formations se fermer, et d’échouer à intégrer la filière de leur choix. Cette culpabilisation des familles est le prix d’un autre échec : celui du service public à saisir l’opportunité d’une augmentation du nombre de bacheliers pour affronter les défis auxquels notre société fait face, en ouvrant davantage de places dans l’enseignement supérieur public pour garantir à chacun.e une place dans la filière de son choix". Analysant le fonctionnement de Parcoursup, le collectif "Nos services publics" remet en question les bases même du nouveau système de tri des bacheliers. En supprimant la hiérarchisation des voeux par les jeunes, Parcoursup les soumet à une logique de classement qui piétine leur droit à décider de leur avenir et qui pervertit la relation pédagogique au lycée. Tout cela sans avoir des meilleurs résultats d'entrée dans le supérieur et à un coût estimé à 100 millions rien que dans l'enseignement secondaire. Le collectif demande le retour au droit de choisir et en conséquence à un effort budgétaire pour les universités.

 

Un renversement des principes d'orientation

 

" L’Etat est-il plus légitime que les jeunes à décider des formations dont ils vont bénéficier ?" Le collectif Nos services publics, créé par des cadres de la fonction publique, pose cette question de fonds à propos de Parcoursup.

 

La loi ORE, qui a créé Parcoursup, a carrément retiré du Code de l'éducation ce droit des bacheliers à choisir la formation supérieure de leur choix. Selon le collectif, Parcoursup a remplacé les critères objectifs et publics d'affectation d'APB par 15 000 algorithmes locaux secrets. On a ainsi un véritable renversement des principes d'orientation. Concrètement la hiérarchisation de leurs choix par les lycéens est supprimée avec Parcoursup. C'est dorénavant Parcoursup qui choisit à la place du jeune son affectation à travers un classement remis à jour au fil de la procédure. Le collectif souligne la contradiction avec le discours sur "l'orientation active" qui est tenu par l'institution. On fait remplir des lettres de motivation aux élèves mais les algorithmes locaux restent secrets. Les élèves choisissent des spécialités mais selon des universitaires ces choix ne sont pas pris en compte.

 

Un parcours du combattant sans véritable gain

 

Ce nouveau système crée des listes d'attente "considérables" selon le collectif. Avec APB la moitié des élèves avait leur affectation à l'ouverture des résultats. Avec Parcoursup ce n'est plus que 20%. Quatre élèves sur cinq font l'amère expérience du rejet de keurs demandes et de la mise en liste d'attente avec des numéros parfois très élevés. C'est un exercice amer de dévalorisation pour ces jeunes, explique Emmanuel Zemmour, professeurs du secondaire et membre du collectif. Il leur fat attendre en moyenne 4 jours en série générale, 9 en professionnel pour avoir une première proposition.

 

Au final Parcoursup fait-il mieux que APB : Selon Arnaud Bontemps, du collectif, il est difficile de répondre. Le nombre de décrochages est stable : environ 150 000 jeunes ne sont pas affectés par Parcoursup. La moitié d'entre eux est pourtant resté actif sur la plateforme jusqu'au bout. C'est exactement le même nombre qu'avec APB. Il n'y a eu aucun progrès.

 

Mais on ne peut pas estimer la qualité de l'affectation. Avec APB 92% des néo-bacheliers obtenaient leur voeu n°1 en licence et 62% en STS. Avec Parcoursup impossible de savoir puisqu'il n'y a plus de hiérarchisation des voeux.

 

La relation pédagogique gangrenée par le classement

 

Ce que montre aussi le collectif c'est la dégradation qu'a apporté Parcoursup à l'enseignement secondaire. "La logique de classement a contaminé toute la relation pédagogique", explique Emmanuel Zemmour. "Une évaluation ratée est vécue comme remettant en question le futur. On le ressent au quotidien : évitements, négociation : tout cela est très difficile à vivre par les enseignants. Et cela empêche de progresser les élèves : une note n'a pas le même effet si elle sert à classer ou à évaluer". E Zemmour souligne aussi la désorganisation de l'année de terminale. "Les dernières notes prises en compte sont en mars. Les élèves n'ont plus que 20 semaines de cours pour faire le programme soit 60% de l'année. On perd 80 heures de cours". A cela s'ajoutent les heures de cours perdues pour faire l'orientation et accompagner les élève dans Parcoursup. En théorie 54 heures sont prévues mais elles ne sont pas budgetés. Par conséquent les enseignants prennent des heures de cours pour ce travail.

 

Un lourd coût pour le second degré

 

Selon les calculs du collectif ce sont 2.6 millions d'heures de cours qui sont nécessaires pour  Parcoursup dans le seul enseignement secondaire. C'est l'équivalent de 2000 professeurs à temps plein soit environ 100 millions d'euros.

 

Le collectif pointe aussi des effets sur l'enseignement supérieur. " Depuis 2010, et singulièrement à partir de 2016, la part des formations privées dans l’enseignement supérieur augmente très fortement, jusqu’à représenter près d’un quart des nouvelles inscriptions en 2020", note le collectif. Rappelons que Parcoursup propose ces formations de façon identique aux formations publiques. Parallèlement l'Etat a diminué les budgets universitaires. " Les dotations universitaires par étudiant ont été diminuées de 12,6 % entre 2013 et 2019. Conséquence directe de cette baisse des moyens, le taux d’encadrement global55 est passé de 9.8 emplois pour 100 étudiants à 8.9.

 

Redonner aux jeunes leur place

 

Le collectif demande un véritable changement de politique qui privilégie le droits des jeunes à choisir leur orientation. " Redonner aux jeunes toute leur place dans la définition de leur avenir implique deux grandes évolutions. La première serait de revenir à une logique de choix des élèves et de mettre fin à l’omniprésence des classements. En permettant aux élèves de hiérarchiser a priori leurs choix ils retrouveraient leur place à l’origine de leur affectation, et non seulement en bout de chaîne. En mettant fin au classement dans toutes les filières non-sélectives, et à toutes les lourdeurs et coûts que celui-ci implique (fiches avenir, lettres de motivation, algorithmes locaux) le système sortirait en outre de l’ambiguïté et réaffirmerait la priorité donnée aux voeux des lycéen.ne.s. La seconde grande évolution consisterait dans l’accompagnement de la hausse du nombre de bacheliers, notamment dans les filières générale et professionnelle, par une hausse du nombre des places dans l’enseignement supérieur public. La réinscription dans la loi de la liberté pour les jeunes de s’inscrire dans l’établissement de leur choix apparaît ainsi comme une garantie importante. Elle devra être accompagnée par la création de places dans l’enseignement supérieur public à la hauteur des besoins et préférences exprimées, en particulier en STS et à l’université".

 

François Jarraud

 

L'étude

 

 

Par fjarraud , le jeudi 02 juin 2022.

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