Macron lance la libéralisation de l'Ecole 

"Nous devons avoir l'audace de changer de méthode.. C'est une révolution culturelle". Emmanuel Macron a présenté le 25 août devant les recteurs et les Dasen, ce qui sera sa politique éducative durant ce quinquennat. Peu de nouveautés par rapport à son programme électoral. Si ce n'est le caractère non obligatoire des débats annoncés à la rentrée et une réforme de la formation des enseignants. Ils seront (dans quelle proportion ?) formés dès le bac. Le montant du Fonds d'innovation pédagogique est ramené à 500 millions. E Macron a confirmé une revalorisation de 10% pour tous les enseignants et de 20% pour ceux qui s'engageront dans le "nouveau pacte". Car, avec la réforme de la voie professionnelle et le nouveau pacte, E Macron engage une libéralisation de l'Ecole tout en maintenant le cap pédagogique fixé par JM Blanquer. Que restera t-il de l'Education nationale dans 5 ans ?

 

Revalorisation promise

 

"Nous avons trop d'élèves malheureux, trop de parents anxieux, de professeurs désabusés ou qui ont le sentiment de ne pas être reconnus et trop d'entreprises qui ne trouvent pas de jeunes formés. Compte tenu de l'investissement de la Nation cela veut dire que quelque chose ne marche pas. Nous devons avoir l'audace de changer de méthode. Cela ne se règle pas par plus de moyens". Emmanuel Macron a dressé un constat alarmant du système éducatif français.. Mais tout en rappelant que les mesures du premier quinquennat allaient certainement donner leur fruit dans les évaluations nationales et en rendant un hommage appuyé à JM Blanquer.

 

Le président de la République a renouvelé la promesse de revalorisation des enseignants présente dans son programme électoral : 10% d'augmentation pour tous les professeurs et 20% pour ceux qui entreront dans le nouveau pacte. Il n'a pas fixé de date pour ces objectifs qui couvrent probablement le quinquennat. Une telle revalorisation représenterait environ 3 fois la hausse budgétaire de cette année.

 

Des professeurs recrutés au niveau bac

 

La seconde annonce concerne la formation des enseignants. "Il faut assumer que des gens s'engagent dans ce métier dès le bac", dit E Macron. Cela fait penser au Parcours préparatoire au professorat des écoles. Il commence par un renforcement des fondamentaux en lycée dès le bac pour aboutir à une licence généraliste. Ce projet, qui n'est pas sans rappeler les écoles normales, a été initié par JM Blanquer. On en trouvera une analyse dans cet article. Apparemment, pour E Macron, cela pourrait concerner le second comme le premier degré. On se demande comment cela est compatible avec la revalorisation.

 

"L'Ecole du futur" pas obligatoire

 

La troisième annonce concerne les débats de "l'Ecole du futur" prévus à la rentrée dans les écoles et les établissements. E Macron en fait le coeur de sa réforme. Il en attend la confiance, ce qui n'est pas sans rappeler le slogan de JM Blanquer. Seuls les écoles et établissements volontaires entreront dans ce processus. Ils rédigeront un projet d'établissement en lien avec les élus locaux, les associations locales et les parents pour passer un contrat avec l'Etat. Pour ceux qui y entreront, un "fonds d'innovation pédagogique" sera doté de 500 millions (et non plus 1 milliard). E Macron a vivement exhorté les cadres de l'éducation nationale (recteurs, dasen) présents devant lui à "être des facilitateurs permanents". Mais il y aura bien un pilotage. Il sera fait par les rectorats avec une petite équipe ministérielle qui sera chargée de "généraliser les bonnes pratiques". C'est un des aspects d'E Macron : il arrive à la fois à vanter la libération de la base et à annoncer des pratiques imposées par en haut...

 

Une vision libérale

 

Ce que promeut E Macron à travers ces nouveaux projets d'établissement  c'est l'autonomie renforcée des établissements. "Il faut donner plus d'autonomie aux établissements dans le recrutement des professeurs", dit-il en faisant référence à l'expérimentation de Marseille. L'articulation entre ces projets et "le nouveau pacte" c'est à dire la réforme du statut des enseignants, avec de nouvelles missions, est encore floue. Selon E Macron, des enseignants en dehors de ces nouveaux contrats pourront  participer au nouveau pacte. Cela laisse penser que les nouveaux contrats entraineront l'adhésion au nouveau pacte.

 

Ainsi se dessine l'Ecole que veut mettre en place E Macron. On aura des écoles (et établissements) en projet Macron, dotées de davantage de moyens, et les autres avec moins de moyens. Ces établissements se feront concurrence pour attirer les professeurs et les élèves. Une "main invisible" viendra assurer le succès de certains établissements, forcément les meilleurs, aux dépens des autres.

 

Cette vision très libérale de l'éducation est aussi très utopique. Elle se situe dans une société idéale et ignore la fonction de tri social de l'Ecole. Dans le monde réel, cette politique, largement diffusée en Angleterre, en Suède et aux Pays Bas en Europe, a conduit à une aggravation des inégalités et a nui aux élèves les plus défavorisés. Cela a aussi accentué la crise de recrutement des enseignants comme le montre cette étude.

 

La réforme de la voie professionnelle

 

Et puis il y a l'enseignement professionnel. Après avoir présenté le lycée professionnel comme "un gâchis collectif" le président estime que "nos entreprises ont besoin de ces talents que l'école méconnait". La réforme de la voie professionnelle doit imiter celle de l'apprentissage. "On a fait confiance aux métiers.., on est sorti des guerres de tranchée. Il faut adapter aux besoins du marché du travail les formations, recruter davantage de professeurs associés venant du monde professionnel, ré-arrimer la voie professionnelle au monde du travail, revoir les cartes des formations, adapter les diplômes aux nouvelles compétences". Là aussi c'est une révolution libérale que veut réaliser E Macron. Des syndicats du secteur sont déjà mobilisés contre cette réforme.

 

On peut se demander ce qu'il resterait d'une Education nationale  avec cette contractualisation générale des écoles et établissements. La "révolution culturelle" que demande E Macron c'est simplement une révolution libérale.

 

E Macron en ministre de l'éducation

 

Comme s'il n'avait pas de ministre de l'éducation, E Macron est aussi entré dans le détail des mesures de rentrée, déjà annoncées dans la circulaire. "A l'école primaire nous continuerons à mettre l'accent sur les fondamentaux et nous généraliserons la pratique quotidienne du sport", dit-il, allusion aux 30 minutes généralisées, sans moyens, à la rentrée. Pour E Macron ces minutes de sport permettent de mieux enseigner aux élèves "dissipés"...

 

En maternelle, il veut renforcer l'attention envers les enfants et mobilise les neurosciences pour  justifier cette politique. Au collège, "nous ferons de la 6ème une liaison efficace avec le primaire en laissant de la liberté sur le terrain". En fait les instructions officielles permettent de renforcer l'enseignement des fondamentaux au détriment d'autres disciplines. A partir de la 5ème, le président veut "ouvrir l'école aux métiers". "Pour mieux choisir il faut informer plus tôt", dit-il. Il veut "lever le tabou de l'école fermée sur elle-même" pour l'ouvrir aux entreprises. Cela fait allusion à la demi journée orientation qui devrait trouver place au collège. Au lycée il confirme le retour des maths dans le tronc commun du lycée général.

 

Quelle détermination !

 

Il y a de la continuité chez E Macron. Son projet pour l'Ecole n'a pas varié depuis le discours marseillais du 2 septembre 2021. Pendant la campagne il a ajusté ses déclarations aux critiques. Pour revenir à la "révolution culturelle" marseillaise début juin  et "l'inévitable" privatisation de l'Ecole. Pour faire passer son projet E Macron compte visiblement surtout sur lui-même. Ce 25 aout il a marqué sa volonté.

 

François Jarraud

 

 

 

 

Par fjarraud , le vendredi 26 août 2022.

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