Romain Bourdel-Chapuzot, enseignant de physique-chimie au collège Château Double d’Aix en Provence (13) cherche à améliorer chez ses élèves la mémorisation des notions clés. Systématisation des quiz et mise en place de plans de travail en collaboration avec les SVT depuis 7 ans sont parmi les recettes éprouvées par l’enseignant. Des évaluations nommées « 2e essai » avec séance de remédiation permettent « d’être plus efficaces auprès des élèves en difficulté et une consolidation des acquis des élèves en réussites ».
Comment les neurosciences ont-elles influencé la mise en place du projet au fil des années ?
Le projet que j’ai présenté lors du forum des enseignants innovants de Poitiers est la continuité de ce qui est fait en classe depuis quelques années. L’apport des sciences cognitives a permis d’améliorer des modalités déjà installées, de conforter des choix qui avaient été faits ou encore de mettre en place de nouvelles pratiques.
À l’inverse de ce que l’on peut trouver dans certains établissements où il y a des cogniclasses (et qui sont de très beaux projets), l’idée de départ n’a pas été de partir des sciences cognitives et d’établir un protocole à partir des travaux de recherche, mais plutôt de voir ce que la recherche pouvait apporter aux pratiques déjà mises en place dans la classe. Naturellement, cet apport est loin d’être terminé et le projet est en perpétuelle évolution.
Pouvez-vous détailler quelques-unes des modalités spécifiques pour améliorer la mémorisation des élèves ?
Un des aspects importants de l’apport des neurosciences est effectivement le travail sur la mémorisation. Si l’on souhaite que les élèves puissent réussir à raisonner sur des situations nouvelles, il est nécessaire d’avoir un bagage de notions solides. La métacognition, le fameux « apprendre à apprendre » occupe donc une place non négligeable dans le travail avec les élèves. Pour cela, on pourrait citer deux modalités mises en place pour favoriser la mémorisation chez les élèves.
La première se passe en classe, il s’agit de quiz en début de séances à l’aide d’un outil comme Plickers ou QCM Cam. Les élèves répondent à des questions à choix unique (entre 5 et 10). L’intérêt de ces quiz est multiple. Tout d’abord, pour mémoriser, il est beaucoup plus efficace de répondre à des questions que de lire le cours. Ensuite, le taux de bonnes réponses permet de faire un point sur les notions qui sont bien passées auprès des élèves, permettant ainsi de faire de la remédiation en cas de souci. Enfin, ces quiz permettent aux élèves de faire le point sur ce qu’ils savent et sur ce qu’ils ne savent pas. L’apport des neurosciences a été de faire ces quiz de façon systématique en adoptant un rythme expansé : l’intervalle entre deux reprises sur les mêmes notions est de plus en plus grand (voir le tableau en lien) afin que la notion soit mémorisée dans la mémoire à long terme (mémoire sémantique).
La deuxième modalité se passe en dehors de la classe. Toujours dans l’optique de mémoriser des notions importantes, les élèves ont une fiche mémo pour chaque chapitre (voir lien) sur laquelle il y a des questions et les réponses (cachées à la façon des leçons à manipuler). L’élève répond à la question dans sa tête ou sur une feuille puis il vérifie ensuite la réponse. Il arrive que ces quiz soient aussi au format numérique. Des outils permettent aussi de gérer le rythme expansé (Wooflash ou Anki par exemple).
Finalement, qu’avez-vous changé dans vos pratiques ces dernières années ?
Comme tous les enseignants, les pratiques évoluent au fil du temps, au gré des lectures d’ouvrages, d’échanges avec d’autres enseignants et des apports de la recherche. Il est donc difficile de pointer des changements particuliers. Cependant, après avoir mis en place il y a plusieurs années le travail en groupes et les plans de travail communs en SVT et SPC avec certaines activités communes entre les deux matières où nous prenons la classe à deux lors des dédoublements, il est vrai que le travail sur l’évaluation et la mémorisation sont des thèmes sur lesquels nous avons travaillé avec ma collègue de SVT, Fanny Grauer.
Nous n’avons rien inventé mais nous avons mixé des pratiques observées pour les intégrer à notre mode de fonctionnement. Ainsi, les évaluations « 2e essai » avec séance de remédiation nous ont permis d’être plus efficaces auprès des élèves en difficulté, de permettre aux élèves en réussite de bien consolider leurs acquis et de diminuer le stress des élèves lié à l’évaluation (87% des élèves de nos classes se disent moins stressés alors que l’audit fait au collège pointait du doigt le stress des élèves lié à l’évaluation).
En quoi ce projet a contribué à créer un climat de classe serein ? Qu’est-ce que cela change dans le quotidien des élèves ?
En fin d’année, nous avons demandé un retour à nos élèves. Le but est de voir quel est leur ressenti et de le confronter à notre point de vue ainsi qu’au point de vue de la littérature. Le questionnaire a donc été présenté à près de 200 élèves que nous avons dans nos classes partagées.
Ce qui en ressort, c’est que les élèves estiment que le travail de groupe leur est bénéfique pour 89% d’entre eux (la recherche montre que l’apport des pairs est important pour la compréhension), 87% pensent aussi qu’ils sont moins stressés lors des évaluations et 89% des élèves estiment que les quiz faits plus souvent les ont aidés. Finalement, 95% des élèves disent apprécier de travailler comme nous le faisons.
Naturellement, il n’y a pas de recette miracle et toutes les séances ne sont pas parfaites, je ne souhaite pas faire croire que notre façon de fonctionner doit être dupliquée telle quelle. Ce qui est important, c’est d’arriver à trouver des modalités efficaces et qui correspondent à l’enseignant.
En quoi les plans de travail communs en SVT et SPC ont-ils joué un rôle central dans le succès du projet ?
L’apport principal du côté enseignant est de travailler à deux, que chacun apporte ce qu’il a lu, vu, trouvé et que l’on puisse le mettre en place dans les deux disciplines. Cela permet de faire un retour sur les pratiques qu’il serait difficile de faire seul.
Côté élève, le gros avantage est que tout ce qui est mis en place est vu dans deux matières, cela permet d’installer plus facilement les routines, on « perd » moins de temps au démarrage.
Cependant, même si le fait de travailler à deux nous a permis de mettre en place beaucoup de choses depuis sept ans, il me semble important de préciser que chacun peut installer de nouvelles modalités dans sa classe même s’il est seul au départ. L’apport des sciences cognitives étant transversal, il est possible d’être rejoint ensuite par d’autres enseignants de son établissement.
Entretien par Julien Cabioch
Le support utilisé lors du FEI
Le tableur pour le rythme expansé
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