Adèle Encoignard est professeure dans un petit collège rural. Professeure, mais aussi maman. Elle raconte comment son expérience de la maternité influe positivement sur sa posture professionnelle. Éviter les raccourcis pour être plus attentive à chaque élève.
Je suis prof, et je suis une ancienne bonne élève.
J’aime et j’ai toujours aimé les livres. Je suis aussi maman, la maman de M, G et B.
M est une très bonne élève, et lit autant voire plus que sa mère. B a un petit peu moins de facilités, mais c’est une bonne élève aussi. « Elle adore travailler, plus tard elle sera maîtresse » , « pas prof comme toi maman, maîtresse, prof, c’est une seule matière », et elle, « elle aime tout ». Et puis il y a G…
Avant G, je me rends compte que j’avais parfois tendance, en tant que jeune enseignante, à faire des raccourcis trop hâtifs : un enfant peu respectueux des règles de l’école n’était sûrement pas très cadré à la maison, un enfant peu scolaire devait venir d’une famille peu attachée à l’école, etc. Je ne l’aurais pas dit, bien entendu, mais j’ai pu le penser.
Puis G est arrivé et a révolutionné ma manière de voir les choses. G n’est qu’à l’école élémentaire, mais il est déjà certain d’une chose « il ne fera pas d’études, il apprendra un métier ». Depuis qu’il a commencé l’élémentaire, il se demande ce qu’il fait là et pourquoi on lui impose ça. « Ce n’est pas fait pour lui, lui, il a besoin de bouger ». Il a déjà compté les années qui lui restent avant de pouvoir entrer dans une voie professionnelle. Son truc du moment, c’est le bois, « il fera des meubles », dit-il.
Ma foi cela me va très bien, je trouve la voie professionnelle aussi belle que la voie générale, mais le constat est bien là, il n’aime pas le travail scolaire.
Il a la même maman que ses sœurs, qui lui a lu autant de livres et toujours mis en avant la valeur école, mais lui, l’école, ce n’est pas son truc. Grâce à lui, j’ai beaucoup avancé. Bien sûr, en tant que parent, on est responsable de beaucoup de choses, dont celle de transmettre des valeurs. Mais on n’a pas forcément prise sur tout. Peut-être que les parents de tel élève qui ne travaille pas font tout ce qu’ils peuvent pour le pousser, peut-être que cet élève, qui dysfonctionne parfois, a des parents qui font tout pour lui poser un cadre. Peut-être pas, mais peut-être.
Grâce à G, je n’oublie pas cela, je vois les choses d’un autre œil et je garde cette idée en tête lors de tous mes entretiens parents/ professeurs. Cela influe positivement sur la qualité et l’efficacité des entretiens, qui ont tous le même objectif : travailler ensemble avec les parents vers un même objectif, la réussite de leur enfant.
Adèle Encoignard,
adeleoviedo@yahoo.fr