Rubrique juridique 

Par Laurent Piau


La crispation de divers acteurs du système éducatif sur des positions parfois radicales entraîne un recours croissant aux juridictions internes ou externes à l'administration de l'Education Nationale. Dans ce numéro 101, nous allons donc étudier les moyens d'action de l'administration que sont la suspension de l'agent public et les sanctions disciplinaires qui peuvent lui être infligées. Cela étant, pour les situations les plus difficiles, je vous invite fortement à vous entourer de professionnels du droit qui sauront se détacher du côté affectif de l'affaire et vous conseiller au mieux.


La suspension


Il s'agit d'une mesure conservatoire, et non d’une sanction disciplinaire, qui vise à écarter du service, pour une durée maximale de 4 mois, l'agent à qui il est reproché d'avoir commis une faute grave.


Cette décision n'a pas à être motivée ni à être précédée de la communication du dossier administratif et elle peut être prise alors même que les faits retenus ne sont pas définitivement établis mais qu'ils présentent un caractère de vraisemblance suffisant.


Elle ne présume pas des suites qui seront réservées à l'affaire sur le plan disciplinaire et l'administration n'est pas liée par cette durée maximale de quatre mois pour prendre une sanction disciplinaire à l'égard de l'agent. Cela étant, la mesure de suspension prend nécessairement fin au bout de quatre mois ou au prononcé de la sanction.


Durant cette période, l'agent perçoit l'intégralité de son traitement mais en cas d'incarcération ou lorsqu'il est placé sous contrôle judiciaire, le versement du traitement est interrompu.


Enfin, lorsqu'elle vise un fonctionnaire en service détaché, la mesure de suspension est prononcée par l'administration de détachement mais c'est l'autorité investie du pouvoir de nomination qui a seule compétence pour prononcer la sanction après avis de la commission administrative paritaire compétente de l'administration d'origine.

 


 

Les sanctions disciplinaires


Le pouvoir d'infliger une sanction disciplinaire appartient à l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce pouvoir étant partagé entre le Recteur et le Ministre, cette compétence est donc aujourd'hui partagée entre ces deux seuls acteurs.


Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes :


1) Sanctions du premier groupe

  • L'avertissement
  • Le blâme

Le conseil de discipline n'est pas consulté pour ces deux sanctions et seul ce dernier figure au dossier de l'agent tant qu’il n’est pas amnistié.


2) Sanctions du second groupe

  • La radiation du tableau d'avancement est prononcée pour la seule année scolaire au cours de laquelle la sanction à été prononcée.
  • L'abaissement d'échelon est au singulier, vous reculez donc d’un seul échelon.
  • L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de quinze jours vous prive automatiquement de traitement durant cette période.
  • Le déplacement d'office peut être prononcé à l‘intérieur mais aussi à l‘extérieur de votre académie.

 

3) Sanctions du troisième groupe

  • La rétrogradation ne s'applique que lorsqu'il existe un grade immédiatement inférieur à celui dont vous êtes titulaire, soit de la hors-classe à la classe normale par exemple. Le fonctionnaire rétrogradé est considéré comme n'ayant jamais été promu au grade dont il est déchu et sa carrière est reconstituée fictivement dans le nouveau grade, compte tenu de l'ancienneté acquise dans le grade précédent.
  • L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans est privative des droits à rémunération, avancement et retraite. Elle peut être assortie d'un sursis total ou partiel qui ne peut avoir pour effet de ramener la durée de cette exclusion à moins d'un mois. L'intervention d'une sanction disciplinaire du deuxième ou du troisième groupe pendant une période de cinq ans après le prononcé de la sanction entraîne la révocation du sursis. Le poste duquel le fonctionnaire est exclu devient vacant et peut être mis au mouvement. Au moment de la réintégration de l'intéressé, si le poste est pourvu, celui-ci peut être affecté dans un emploi vacant situé dans une autre résidence administrative, sans qu'il soit nécessaire de consulter au préalable la commission administrative paritaire compétente.

 

4) Sanctions du quatrième groupe

  • La mise à la retraite d'office entraîne l'exclusion définitive du service et la perte de la qualité de fonctionnaire. Elle ne peut être prononcée que si le fonctionnaire justifie de la condition de quinze années de services effectifs valables pour l'ouverture des droits à pension, même si l'intéressé n'a pas l'âge requis pour l'entrée en jouissance de la pension, qui est alors différée.
  • La révocation emporte également l'exclusion définitive de fonctions et la perte de la qualité de fonctionnaire, mais elle peut être prononcée quel que soit le nombre d'années de services effectifs. La révocation diffère de la mise à la retraite d'office par son caractère infamant.

Sachez que, seule la commission administrative paritaire nationale est compétente pour les sanctions disciplinaires du quatrième groupe prononcées par le Ministre et que, le statut des professeurs certifiés prévoit que l'interdiction d'enseigner pour une durée maximum de cinq ans ou l'interdiction absolue d'enseigner peut, à la demande du Ministre, être prononcée comme sanction complémentaire.


Les agents non titulaires noteront que les sanctions disciplinaires susceptibles de leur être appliquées sont les suivantes :

  • L'avertissement ;
  • Le blâme ;
  • L'exclusion temporaire des fonctions avec privation de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ;
  • Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement.

 

Le déroulement de la procédure disciplinaire


L'agent doit tout d'abord être informé par lettre recommandée avec accusé de réception de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre. A peine de nullité, ce courrier doit l'informer des dates auxquelles il pourra consulter son dossier et de la possibilité qui lui est donnée de se faire assister par un défenseur de son choix et de citer des témoins dont il devra communiquer l'identité à l'administration.


Un délai suffisant devant être laissé à l'agent pour lui permettre de préparer sa défense, le conseil de discipline pourra éventuellement être renvoyé à une date ultérieure.


La communication du dossier a lieu au rectorat ou à l'inspection académique. Toutes les pièces de ce dossier doivent être numérotées sans discontinuité dans l’ordre chronologique et inscrites sur un bordereau récapitulatif. L'agent a droit à la communication personnelle et confidentielle de tous les documents composant son dossier. Il peut être accompagné d'un représentant du personnel ou d'un avocat ou peut autoriser ce dernier à prendre connaissance seul de son dossier administratif.


Toutes les pièces du dossier administratif peuvent être photocopiées, mais ces photocopies peuvent être payantes. Par conséquent, avant de vous rendre au rectorat pour consulter votre dossier administratif, vérifiez cela auprès du service.


En règle générale, c’est la commission administrative paritaire académique ou départementale siégeant en conseil de discipline qui est saisie de l‘affaire, mais :

  • Pour les fonctionnaires détachés, le pouvoir disciplinaire appartient à l'administration d'origine qui peut infliger des sanctions pour des fautes commises pendant une période de détachement, l'administration d'accueil ne pouvant prononcer que des sanctions disciplinaires ne nécessitant pas la réunion du conseil de discipline, soit l‘avertissement et le blâme.
  • Pour les personnels affectés en vice-rectorat, c’est la commission administrative paritaire nationale qui est consultée sur toute l'échelle des sanctions.
  • Pour les fonctionnaires stagiaires, c’est la commission administrative paritaire académique qui est compétente et c’est le Recteur qui prononce les sanctions de l'avertissement, du blâme et de l'exclusion temporaire avec retenue de traitement pour une durée maximale de deux mois.

Vous noterez que si le conseil de discipline peut valablement siéger en l'absence de l'agent mis en cause si celui-ci a été régulièrement convoqué, les trois quarts au moins des membres de la commission paritaire réunie en conseil de discipline doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres est présent.


L'ensemble de l'affaire doit faire l'objet d'un rapport détaillé établi soit par le supérieur hiérarchique de l'agent mis en cause, soit par un fonctionnaire spécialement désigné pour procéder à l'enquête. Le rapport et les preuves ou les présomptions sérieuses doivent être insérés dans le dossier administratif de l'intéressé. La charge de la preuve des faits reprochés incombe à l'administration, et la procédure disciplinaire ne peut être engagée que sur des faits matériellement établis. Ces faits doivent être précis, circonstanciés et vérifiés. Enfin, le lien de causalité entre les faits et la faute doit être clairement démontré.


Après la lecture du rapport disciplinaire, il est éventuellement procédé à l'audition de l'agent enquêteur, puis à l'audition des témoins. Les témoins cités par l'agent poursuivi sont entendus après ceux cités par l'administration et ils ne sont pas tenus de prêter serment. La parole est ensuite donnée à l'agent mis en cause et à son défenseur. Ceci fait, ces derniers et le secrétaire de séance se retirent afin que les membres de la commission puissent délibérer sur la sanction à prononcer puisque les délibérations du conseil de discipline sont secrètes.


Le conseil de discipline n'est pas tenu de se prononcer immédiatement. Selon les circonstances il peut décider de mettre l'affaire en délibéré ou de demander un complément d'enquête. De même, il peut proposer de suspendre la procédure disciplinaire jusqu'à l'intervention de la décision du tribunal ; dans la réalité, cette suspension est à l'initiative du Chef de service en application du principe de la présomption d'innocence.


C'est la proposition motivée de sanction qui recueille la majorité des voix ou, en cas de partage égal des voix, celle qui recueille la voix prépondérante du président qui est réputée adoptée par le conseil de discipline.


L'autorité qui prend la sanction disciplinaire, soit le Ministre, le Recteur ou l'Inspecteur d'Académie, n'est pas liée par la proposition du conseil de discipline. Mais la décision qu'elle prend doit viser les textes sur la base desquels elle a été prononcée ainsi que l'avis du conseil de discipline et elle doit préciser les griefs retenus à l'encontre de l'agent poursuivi.


L'arrêté de sanction disciplinaire est remis directement à l'intéressé par le supérieur hiérarchique si l'agent sanctionné a été maintenu en fonctions ou transmise par lettre recommandée avec accusé de réception s'il est provisoirement écarté du service (mesure de suspension).


Cette sanction disciplinaire prononcée est ensuite portée au dossier administratif dans les conditions suivantes :

  • Toute mention au dossier du blâme infligé est effacée au bout de trois ans si aucune sanction n'est intervenue pendant cette période.
  • Le fonctionnaire frappé d'une sanction disciplinaire autre que l'avertissement ou le blâme mais non exclu des cadres peut, après dix années de services effectifs à compter de la date de la sanction disciplinaire, introduire auprès du Ministre dont il relève une demande tendant à ce qu'aucune trace de la sanction prononcée ne subsiste à son dossier. Si, par son comportement général, l'intéressé a donné toute satisfaction depuis la sanction dont il a fait l'objet, il est fait droit à sa demande. Le Ministre statue après avis du conseil de discipline et le dossier du fonctionnaire est éventuellement reconstitué dans sa nouvelle composition sous le contrôle du conseil de discipline.

Vous noterez que si la date de signification de la sanction disciplinaire fait courir les délais de recours devant l'autorité qui a prononcée la sanction, le Conseil supérieur de la fonction publique de l'État ou le Tribunal administratif, la sanction reste immédiatement exécutoire.

 


 

La saisine de la commission de recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État


Lorsque l'autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé une sanction de mise à la retraite d'office ou de révocation alors que celle-ci n'a pas été proposée par le conseil de discipline à la majorité des deux tiers de ses membres présents, l'intéressé peut saisir la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État dans le délai d'un mois à compter de la notification.


Lorsque l'autorité ayant pouvoir disciplinaire a prononcé l'abaissement d'échelon, le déplacement d'office, la rétrogradation ou l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée supérieure à huit jours, même assortie du bénéfice du sursis, alors que le conseil de discipline a proposé une sanction moins sévère ou qu'aucune des propositions soumises au conseil, y compris celle consistant à ne pas prononcer de sanction, n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents, l'intéressé peut saisir de la décision, dans le délai d'un mois à compter de la notification, la commission de recours.


Les conditions de saisine de cette commission étant strictes, il est impératif de connaître les votes sur chaque proposition de sanction mise aux voix pour déterminer si le recours est recevable. Les représentants du personnel sont en mesure de fournir ces données ; mais l'administration doit aussi communiquer à l'intéressé les informations de nature à lui permettre de déterminer si les conditions de saisine se trouvent réunies.


Une fois saisie, la commission de recours peut, si elle ne s'estime pas suffisamment éclairée sur les faits qui sont reprochés au requérant ou les circonstances dans lesquelles ces faits se sont produits, ordonner une enquête.


Lorsque, par suite d'un jugement devenu définitif, l'agent a perdu ses droits civiques, le président de la commission de recours le met en demeure de présenter de nouvelles observations dans un délai de quinze jours. A défaut de cette présentation dans le délai prescrit, l'intéressé est réputé s'être désisté de son recours.


Au vu, tant de l'avis précédemment émis par le conseil de discipline que des observations écrites ou orales produites devant elle et, compte tenu, le cas échéant, des résultats de l'enquête à laquelle il a été procédé, la commission de recours émet, soit un avis déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit une recommandation tendant à faire lever ou modifier la sanction infligée.


Cet avis ou cette recommandation doit intervenir dans le délai de deux mois à compter du jour où la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État a été saisie. Ce délai est porté à quatre mois lorsqu'il est procédé à une enquête.


L'avis ou la recommandation émis par la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État est transmis au Ministre intéressé. Si celui-ci décide de suivre la recommandation, cette décision se substitue rétroactivement à la décision initiale.


Les conditions de signification de cet avis et d'inscription au dossier administratif sont les mêmes que celle de la procédure devant le Conseil de discipline.

 


 

Les autres recours contre les sanctions disciplinaires


Si une sanction disciplinaire vous a été infligée, vous pouvez, selon les cas, faire un recours gracieux ou un recours hiérarchique, même s'ils ont peu de chance d'être couronnés de succès, ou bien un recours contentieux devant la juridiction administrative.


Le délai pour exercer un recours administratif ou un recours contentieux contre la décision du Ministre est de deux mois et court à partir de la notification de sa décision.


Mais ce délai est suspendu jusqu'à notification soit de l'avis de la commission de recours du Conseil supérieur de la Fonction publique de l'État déclarant qu'il n'y a pas lieu de donner suite à la requête qui lui a été présentée, soit de la décision définitive du Ministre.



Laurent Piau


Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF


 

Sur cet ouvrage :

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Par fjarraud , le dimanche 15 mars 2009.

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