Le genre est il affaire d’illusion d’optique ? 

 

Quand  Cendrine Marro, docteure en psychologie parle égalité hommes/femmes,  elle le fait avec humour, traquant les représentations qui collent le genre dans la sphère de l’immuable. Pour elle, le genre n’est pas imposé de l’extérieur, nous le perpétuons dans nos interactions avec autrui. Il se nourrit de préjugés, de stéréotypes.  Elle observe les petites façons et les grosses ficelles avec lesquelles, vous et moi générons la croyance en la différence des sexes, une croyance construite tout au long de notre socialisation dans un véritable conditionnement.   

L’égalité est un principe selon lequel les êtres humains doivent être traités de la même façon avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. La différence distingue un être d’un autre dans une relation d’altérite. Nous l’admettons communément mais parallèlement, nous constatons aussi que l’ordre sexué est perçu comme un ordre naturel auquel on se conforme.  L’emprise du genre est variable selon les individus, les contextes, les situations. Elle renvoie à des enjeux de pouvoir liés à l’appartenance de sexe.  Elle se nourrit de stéréotypes, de préjugés plus ou moins partagés.

Cendrine Marro nous invite à une visite des pages des dictionnaires. « Homme », « Femme », « féminité » , la lecture des définitions est instructive pour mesurer le niveau de sexisme qui envahit encore les représentations. Elle nous incite à nous rendre à la librairie de l’Université pour consulter la définition du mot « Femme » dans un dictionnaire destiné aux élèves de Grande section / CP.  Comme nombre de participants, j’ai suivi ses conseils et voici ce que j’ai lu « Femme : c’est une maman, une mamie ou une jeune fille. Elle peut porter des bijoux, des jupes  et des robes. Elle a de la poitrine. Ex : Miss France est la plus belle femme de France ».

 

 Pour Cendrine Marro, le genre est l’ennemi principal de l’égalité. Le genre est un système hiérarchisant de normes qui légitime les inégalités de sexe.   La différence des sexes est l’idée, la croyance que les deux sexes différent naturellement aux niveaux biologique et psychologique. Le genre incite chacun et chacune à produire des différences qui fondent légitimement les inégalités des sexes. L’emprise du genre sur nos représentations est forte sans même qu’on s’en rende compte.  Elle est source de multiples inégalités invisibles.

 Cendrine Marro a élaboré au cours de ses recherches un système d’observation le DIG pour Dependance/indépendance du genre.  Elle nous invite à nous interroger sur nos propres perceptions, nos propres représentations. L’emprise du genre nous amène à avoir des illusions d’optique qui nous rendent aveugles aux inégalités. La  perception des différences  se manifeste comme le prolongement d’un fait biologique  ou comme une construction sociale liée à des enjeux de pouvoir.  Pour évaluer les dépendances / indépendances à l’égard des genres, ces deux perceptions sont prises en cours.

Cendrine Marro ne se contente pas d’observer la dépendance au genre, elle propose aussi des initiatives à développer en classe pour faire évoluer les perceptions. A l’Université d’Automne, elle nous présente « le rempart des idées reçues sur les filles et les garçons ». La séquence est composée de deux séances de deux heures espacées d’une semaine et a pour objectif de stimuler le débat. Deux groupes non mixtes sont composés. Ils réfléchissent à deux questions par brainstorming. Pour les filles :  « A votre avis qu’est ce que les garçons pensent des filles » et « A votre avis qu’est ce que les garçons pensent de ce que les filles pensent des garçons ».  Chaque groupe présente ses points de vue avec un droit de réponse. Lors de la séance suivante, les groupes sont mixés, écrivent sur un bout de papier les idées reçues sur lesquelles ils ont envie de discuter et bâtissent un rempart des idées reçues.

 Car Cendrine Marro le rappelle,  combattre les stéréotypes passe par l’éducation et c’est en faisant bouger nos perceptions que nous parviendrons à amenuiser la dépendance au genre. A lire les dictionnaires, il y a encore du travail !

 

Monique Royer

Institut Emilie du Chatelet, des ressources sur le genre

http://www.institutemilieduchatelet.org/

Sur le site du Café
Par moniqueroyer , le mardi 30 octobre 2012.

Partenaires

Nos annonces