Les "désobéisseurs" : le mouvement qui secoue l'Ecole 

Par François Jarraud



L'Ecole a toujours connu des grèves, des mouvements de grogne et d'opposition. Avec les "désobéisseurs" il s'agit d'autre chose : un mouvement de refus radical de l'évolution de l'Ecole est-il en train de naître ?


Les "désobéisseurs" sont-ils en train de devenir un mouvement ? Les "désobéisseurs" ce sont les enseignants, généralement du premier degré, qui se sont proclamés en situation de "résistance" contre les mesures Darcos. Ils refusent de mettre en place les heures d'aide, d'appliquer les programmes de 2008. Ils franchissent le Rubicon de l'obéissance à la hiérarchie et à ses instructions.


Soumis maintenant à la pression de la hiérarchie, qui sanctionne par exemple Bastien Cazals d'une retenue sur salaire, ils maintiennent leur position et appellent à la solidarité. Ils affichent la volonté de "construire un mouvement durable, responsable et efficace". Et ils ont de bonnes chances d'y parvenir : malgré ses pannes à répétition, le site "Darcos démission" a réuni 14 000 signatures, celui de B. Cazals environ un millier.


Comme l'inspection, les syndicats semblent un peu embarrassés  face à ce durcissement qui est le symétrique  de certaines positions ministérielles. Le Snuipp est intervenu en faveur d'Alain Refalo. Le Sgen Cfdt vient d'affirmer son soutien à B. Cazals. "Dans ce contexte, le Sgen-CFDT ne peut accepter que la seule réponse aux demandes de réflexion des collègues soit des retraits de salaires pour service non fait… alors que le ministre de l’Éducation refuse tout dialogue sur la question de l’école".

Le blog de B Cazals

http://uneecolepourvictorethugo.hautetfort.com/

Le blog Résistance pédagogique

http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/lirarticle-25214[...]

La pétition Darcos démission

http://darcos-demission.0rg.fr/

Communiqué Sgen

http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1861.html



A l'origine Alain Refalo

Alain Refalo, enseignant à l'école Jules Ferry de Colomiers (31), affirme entrer en "résistance pédagogique". Il refuse les programmes de 2008, la semaine de 4 jours et les deux heures d'aide.


Il justifie sa décision par " le démantèlement pensé et organisé de l'Education Nationale… : des milliers de suppressions de postes…, la diminution du volume horaire hebdomadaire, la préférence accordée à la semaine de 4 jours, pourtant dénoncée par tous les chronobiologistes, l'alourdissement des programmes scolaires…, la disparition annoncée des RASED alors qu'aucun bilan de leur action n'a été réalisé…, la création des EPEP où les parents et les enseignants seront minoritaires dans le Conseil d'Administration, la dévalorisation du métier d'enseignant dans les écoles maternelles et les menaces qui pèsent sur celles-ci". Il ajoute "sans compter, ce qui m'est le plus insupportable, l'insistance à dénoncer le soit disant « pédagogisme », c'est-à-dire les mouvements pédagogiques qui, depuis des décennies, apportent des réponses innovantes, crédibles, raisonnables à l'échec scolaire".


Il appelle à "organiser au sein même de l'Education Nationale la désobéissance ciblée et massive". La résistance pédagogique de M. Refalo c'est "refuser d'appliquer les nouveaux programmes 2008 de l'école primaire et continuer à travailler dans l'esprit des programmes de 2002 ; refuser de se déclarer gréviste 48 h avant la journée de grève, mais prévenir les parents plusieurs jours à l'avance ; détourner les deux heures d'aide personnalisée en accueillant tous les élèves dans le cadre de projets coopératifs et artistiques ; ne pas collaborer à la mise en place du fichier Base Elèves ;… mettre en place une pédagogie de la coopération et du projet...".


L'inspecteur d'académie est saisi de son cas. A. Refalo bénéficie du soutien de ses collègues de l'école Jules Ferry et des sections Snuipp, Se-Unsa et Sud education du département qui soulignent que ce geste résulte d'un climat d'ensemble.

Le blog d'A Refalo

http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/index-252147.html


Puis Bastien Cazals

" Je vous écris cette lettre car aujourd’hui, à l’instar d’Alain Refalo, enseignant à Colomiers…en conscience, je ne puis plus me taire ! En conscience, je refuse d’obéir !" Un second enseignant, Bastien Cazals, cette fois du sud-est de la France, a envoyé à son inspecteur une lettre très proche de celle d'A. Refalo.


Des sanctions pour les maîtres ne mettant pas en œuvre les heures de soutien

L’inspecteur d’académie des Bouches-du-Rhône, comme plusieurs de ses collègues, passe aux actes et met en demeure les enseignants qui déclarent ne pas mettre en œuvre le soutien aux élèves en difficulté dans le cadre des « 24+2 ».

Extraits : « Je tiens à vous rappeler en effet qu’aucun fonctionnaire n’a la faculté de définir les tâches qu’il souhaite accomplir et celles dont il ne veut pas s’acquitter. Il est tenu de mettre en oeuvre l’ensemble des missions qui sont contenues dans les textes définissant son service. La non exécution de tout ou partie de ces missions s’assimile donc à un service non-fait qui, outre des retraits sur salaire, peut se traduire également par des sanctions disciplinaires. Ainsi, le refus d’assurer les heures de soutien aux élèves en difficulté constitue-t-il une forme de de service non fait qui sera sanctionnée du retrait du trentième du salaire pour chacun des jours où ce service n’aura pas été assuré conformément à l’emploi du temps validé par l’inspecteur de circonscription. (…) Au delà de cet aspect réglementaire, l’attitude qui consiste à pénaliser des élèves, et singulièrement les élèves les plus fragiles est particulièrement choquante : elle est bien peu conforme aux idéaux que les maîtres de l’école primaire se sont attachés à promouvoir depuis toujours. Je demande donc aux quelques enseignants qui seraient tentés par cette attitude inacceptable d’un renoncer, faut de quoi je me verrai contraint d’en tirer toutes les conséquences ».


Plusieurs enseignants sont ainsi menacés de sanctions.  Après B. Cazals, c'est Jean-Marc Hostachy, en PACA, qui est mis en demeure de mettre en œuvre l'aide individualisée.


Des directeurs convoqués

Selon Ouest France, une vingtaine de directeurs d'école du Maine et Loire sont convoqués le 9 décembre à l'inspection académique pour ne pas avoir mis en place le soutien scolaire.

Article Ouest France

http://www.ouest-france.fr/ofdernmin_-Mesures-Darcos-une-ving[...]


Un mouvement qui fait son chemin : exemple à Marseille

Le 4 décembre, la "veillée des écoles" a réuni à Marseille parents et enseignants des quartiers populaires dans une ambiance fraternelle. Une centaine d'enseignants ont signé des "lettres de désobéissance" et près de 500 parents des lettres de soutien. Ces pétitions ont été remises à l'Inspection académique. Enseignants et parents refusent les suppressions de poste, la suppression des Rased, les menaces sur l'école maternelle.


Les irréductibles de Base élèves

Ils sont fonctionnaires et pourtant ils refusent d'obéir. Comment expliquer cette situation ? "Nous refusons d’utiliser un fichier national centralisé et partageable dont nous ne pouvons prévoir l’évolution future." Réunis le 8 novembre à Paris, des directeurs d'école persévèrent dans le refus du fichier national des écoliers, Base élèves.


On pouvait croire les doutes levés par la publication le 1er novembre d'un arrêté redéfinissant le fichier et les accès. C'est d'ailleurs la position qu'ont pris aussi bien des syndicats, comme le Se-Unsa, que des parents, comme la FCPE. Il reste pourtant un petit groupe d'opposants qui refuse tout fichage des enfants. "Nous refusons de participer à l’établissement d’un répertoire national d’immatriculations des élèves permettant de conserver des données pendant 35 ans" disent-ils, même si l'arrêté organisant Base élèves précise que " la durée maximum de conservation des données dans Base élèves premier degré n'excédera pas le terme de l'année civile au cours de laquelle l'élève n'est plus scolarisé dans le premier degré".


Mais le mouvement rebondit aussi sur un autre projet ministériel. Pour Yves Scanu, interrogé par le Café, si l'arrêté définit étroitement les données recueillies, "un fichier au nombre de champs limités est sans danger mais  avec cet identifiant on installe un outil qui pourra être inter-connecté à nombre d'autres fichiers. Il sera ensuite facile par décret d'ouvrir de nouveaux champs surtout s'ils seront renseignés par les futurs directeurs d'EPEP".


Plus que cette ultime réforme, ce qui empêche de tourner la page c'est bien le manque de confiance dans l'équipe aux affaires. C'est aussi la création de postes de directeurs, que visent ces jeunes.  Les sanctions commencent à tomber sur ces fonctionnaires qui s'affirment contre "le contrôle social de la population". Sur le site du Snuipp 34, une pétition est ouverte pour soutenir deux directrices sanctionnées.

L'appel des directeurs

http://www.ldh-toulon.net/spip.php?article2964

Sur l'arrêté du 1er novembre

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/11/05112008[...]

La position de la Fcpe

http://www.fcpe.asso.fr/ewb_pages/a/actualite-fcpe-2235.php

La pétition

http://34.snuipp.fr/spip.php?article463



Les inspecteurs en plein désarroi


La suppression des Rased, les débats sur la maternelle, le bac pro en 3 ans, tout cela crée des tensions qui interrogent les inspecteurs de l'éducation nationale (IEN). Venues des régions, plusieurs déclarations, publiées sur les deux sites syndicaux d'inspecteurs de l'Unsa et de la Fsu, témoignent de l'ambiance morose chez ce corps chargé en première ligne de faire appliquer les décisions du ministre.


Ainsi des inspecteurs du Nord expliquent que "les crispations du terrain sont très fortes, les IEN sont parfois des cibles privilégiées et faciles… En ce qui concerne le service d’accueil en cas de grève, les IEN souhaitent rester dans l’application du Texte et ne pas être amenés à interroger les maires". Dans le Val d'Oise, les inspecteurs estiment que " au-delà de la suppression des Rased, la compréhension globale de la politique éducative est actuellement problématique : mise en place des EPEP, suppression des IUFM et de la formation initiale, interrogations sur la formation continue, devenir de la scolarisation des enfants de deux ans, évolution du système de remplacements, perspectives pour l’éducation prioritaire, …  L’absence de lisibilité globale génère une légitime inquiétude chez les enseignants, inquiétude qui compromet la sérénité nécessaire à la qualité des apprentissages. En outre, la multiplication des indemnités et des primes alimente une logique de division des personnels incompatible avec le travail d’équipe dont l’école a impérieusement besoin pour assurer la cohérence des parcours scolaires".

Nord

http://sien.unsa-education.org/sections/lille/Motion_Nord_19-11-2008.pdf

Val d'Oise

http://syndicat.snpi-fsu.org/index.php?option=com_content&task=v[...]


Des inspecteurs écrivent aux parlementaires

"Nous attirons votre attention sur la dégradation du climat au sein des équipes pédagogiques, que ce soit à l’école, au collège, et au lycée". Sous la plume de Dominique Momiron, secrétaire général du SNPI FSU, un syndicat d'inspecteurs, les parlementaires reçoivent une lettre alarmante sur l'état de l'Ecole.


Les inspecteurs du SNPI dénoncent " un désarroi qui va croissant" chez les enseignants. Ils critiquent vertement la prime offerte par X. Darcos aux enseignants effectuant les évaluations nationales. "Nous attirons votre attention sur la démarche hasardeuse engagée dans le système scolaire dans le cadre de la loi du 21 août 2007, en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ». Sa dernière application avec la financiarisation du travail lié aux évaluations nationales de CM2 et de CE1 s’avère contre-productive pour le travail d’équipe et l’engagement collectif et coopératif des enseignants dans le traitement de la difficulté scolaire… L’introduction de cette prime sélective, encore plus que celles qui ont été introduites ces derniers mois, apparaît profondément injuste et inique. Elle est vécue par une majorité d’enseignants comme une insulte à leur engagement. D’aucuns dénoncent déjà la logique d’un paiement à l’acte, incompatible avec l’esprit de l’école de la République".

La lettre ouverte

http://syndicat.snpi-fsu.org/index.php?option=com_content&ta[...]

 

Sur le site du Café

Par fjarraud , le lundi 15 décembre 2008.

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