Seconde carrière 

Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs



Ce mois-ci, nous attirons votre attention sur :


          - la richesse des métiers qu’a offerts le CNED depuis 10 ans au moins à des enseignants en quête d’une seconde carrière, soit parce-que leurs compétences correspondaient à un besoin, soit parce-que leur santé nécessitait un travail plus adapté que le face-à-face avec des élèves.

          - les récentes déclarations de monsieur Luc Chatel interrogent la communauté éducative sur la volonté de revaloriser moralement le métier d’enseignant.

          - les concours ITRF : vous avez jusqu’au 26 mars pour renvoyer votre dossier. Un éventail des emplois que nous avons repérés vous permettra d’évaluer l’intérêt de ces concours sur dossier :

http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=News_displa[...]

          - peut-on croire encore au développement des secondes carrières hors de l’Education nationale ?

          - plus de 50% des professeurs d’EPS ressentent déjà la pénibilité de leur métier vers 35-39 ans.

          - Le colloque de l’AFAE : il se déroulera du 26 au 28 mars à Bordeaux et il est encore temps de vous inscrire, puisque le thème est fédérateur : « Equipe de direction, équipe enseignante », et permettra de réfléchir sur les moyens de rapprocher ces deux univers pour créer des synergies au sein des EPLE, en imaginant peut-être des possibilités de secondes et de fins de carrières comme nous le préconisons : www.afae.fr  

          - Enfin, Francine Duprouilh, après 12 ans d’enseignement en collège, a réalisé un très beau parcours de carrière au service de la formation continue, avant de créer COMPETENCES PLUS, son cabinet. Son témoignage très riche et dynamique prouve qu’une seconde carrière s’appuie autant sur les compétences détenues que sur une entière motivation, qui rime avec passion pour les fonctions occupées.


Les secondes carrières des enseignants au CNED et leur devenir


De 1998 à 2009, le CNED a publié de nombreuses offres d’emploi accessibles en MAD et en détachement : des secondes carrières passionnantes, nécessitant des compétences en ingénierie de formation et en ingénierie pédagogique.


QUELS SONT ACTUELLEMENT LES METIERS DU CNED ?


Le CNED emploie des fonctionnaires titulaires et des contractuels :


Outre les métiers liés aux fonctions administratives que l’on rencontre dans toute administration (Direction de ressources humaines, services comptables, personnels de secrétariat et de direction, cet organisme comprend aussi des fonctions pédagogiques (responsable de formation, responsable de département pédagogique, responsable de service d’ingénierie pédagogique, responsable de service de scolarité, responsable d’actions de formation, chargé de mission à la prospective, professeurs principaux, professeurs coordinateurs, professeurs correcteurs, etc.), des fonctions techniques (responsable de pôle multimédia, responsable de la maintenance informatique, responsable des installations électriques, responsable de production imprimée, responsable des expéditions, etc.).


QUI SONT LES ENSEIGNANTS QUI TRAVAILLENT AU CNED ?


En 2005, d’après le mémoire de Master de Catherine Terseur, le CNED employait 4421 enseignants vacataires (http://www.univ-rouen.fr/civiic/index.php?id=74) et 1820 enseignants à plein temps qui se répartissaient ainsi :


          - 830 enseignants en réadaptation et 661 enseignants en réemploi : ces professeurs, après avoir connu différents problèmes de santé qui les ont empêchés de continuer à enseigner, réalisent des tâches essentielles au bon fonctionnement du CNED : ils coordonnent la scolarité des élèves à distance, gèrent la réception et le retour des copies, participent selon les disciplines à la conception des contenus, corrigent les copies, etc. Sans leur action au quotidien et leur dévouement, le CNED ne serait pas, pour la scolarité obligatoire, l’organisme de Service Public qu’il est aujourd’hui. Pourtant, depuis la réforme en 2007 de statuts de réadaptation et réemploi, devenus PACD (Postes à courte durée : de 1 à 4 ans) et PALD (Postes à longue durée : plafonnés en fait à 4 ans éventuellement renouvelables), les moyens mis à disposition du CNED sont en diminution, et les demandes des enseignants qui auraient besoin d’un poste en PACD ne sont satisfaites qu’à hauteur de 20%. Que deviennent donc les 80% qui auraient besoin d’une affectation de ce type, au CNED ou ailleurs ? Le Sénat s’est interrogé récemment sur ce point : depuis 2004-2005, ce sont en effet 1 175 enseignants du second degré qui bénéficient du dispositif de réadaptation et 466 qui sont en situation de réemploi : « Au demeurant, votre rapporteur ne laisse pas d'être intrigué par la parfaite stabilité de ces chiffres sur trois ans :
http://www.senat.fr/rap/a07-092-5/a07-092-54.html

A l’issue de leur période en PACD, ceux qui ne sont pas prolongés en PALD réintègreront à plein temps devant une classe. A noter que les professeurs en PACD réalisent 26h à 28h de travail par semaine, eu égard à leur état de santé, conservent leurs congés scolaires, mais ne bénéficient pas de l’ARTT. Vous pouvez consultez dans le n° 84 du 15 juin 2007 l’éclairage qu’Aide aux Profs avait réalisé sur ces types de statuts :

http://www.cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages[...]


          - 130 enseignants mis à disposition : les enseignants concernés étaient nommés au CNED par le Rectorat, pour une durée d’une année renouvelable. L’enseignant ne savait donc jamais si son investissement au profit de l’organisme serait ou non pérenne. Ces professeurs contribuaient eux aussi à la scolarité de chaque élève, sous forme de tutorat électronique, de correction de copies, de relation téléphonique avec les parents ou leurs enfants, et pour la gestion des copies. Ces professeurs conservaient l’indemnité d’orientation (ISO), parfois la prime de professeur principal si c’était leur fonction. En mise à disposition, ils conservaient la possibilité de revenir sur leur poste antérieur, ce qui était d’une grande sécurité, sauf s’ils étaient TZR. Ces 130 postes font désormais partie du passé, puisque sur les 5217 postes de MAD qui existaient dans l’EN, ces secondes carrières temporaires, il ne devrait plus en subsister nulle part à la rentrée 2010 pour l’EN. Alors que le MEN aura en 5 ans supprimé toutes les secondes carrières qui existaient sous forme de mises à disposition, les autres ministères ont conservé, eux, ce type de statut. C’est la raison pour laquelle Aide aux Profs est en train de constituer l’inventaire global de tous les postes en MAD et en détachement présents dans tous les ministères pour mieux aider ses adhérents dans leurs différents projets de mobilité dans la fonction publique.


          - 173 enseignants détachés : affectés par contrats de 3 ans renouvelables, ces professeurs sont affectés sur des postes à responsabilité, comme «responsable de département de formations », « coordinateur de départements de formations », « responsable de formation » (dans toutes les disciplines et niveaux d’enseignement), « responsable multimédia », « chef de projet multimédia », « responsable de pôle de formation adulte », « chargé de communication », « responsable de la prospective », « responsable de la scolarité », etc. Les conditions du détachement leur font bénéficier de 2 échelons supplémentaires que la loi du 3 août 2009 sur les parcours de mobilité interministérielle leur permet désormais de conserver s’ils décident un jour de réintégrer ; d’une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) d’un montant variable en fonction de la productivité demandée, tandis qu’ils effectuent un horaire compris entre 36h30 et 38h30 selon leur nombre de jours de congés (entre 45 et 51 jours ouvrables). En détachement, l’enseignant a perdu son poste fixe et ses points de barème, et a été sélectionné à l’issue d’un recrutement nécessairement sélectif et basé sur les savoirs, savoir-faire et savoir-être qu’il peut apporter à l’organisation apprenante qu’est le CNED, dans l’optique de favoriser son développement. Le détaché ne peut pas s’intégrer sur ce type d’emploi, car il ne conduit pas à pension. Lorsque le détaché souhaite par exemple prendre sa retraite, il réintègre dans un premier temps son ancienne académie via les mouvements de mutation inter puis intra académique avant de demander la liquidation de sa pension. Dans le cadre de la loi sur les parcours de mobilité interministérielle, il sera possible dans les ministères de demander à être intégré dans le corps d’accueil au-delà de 4 ans de détachement, mais il semble que cela ne soit pas prévu dans les EPA.


          - 26 professeurs en service partagé : ils réalisaient un mi-temps au CNED (18 heures) et un mi-temps en établissement, selon l’horaire lié à leur statut défini dans les décrets de 1950 : comme les MAD, ce statut aura bientôt disparu au CNED.


A compter de 2005, après que le rapport n°2215 de l’Assemblée Nationale l’ait préconisé, le stock des postes en MAD a commencé à fondre. Comme nous l’a précisé Bernard de Saint-Girons lors de notre entretien le 27 novembre 2009, « tous les postes en MAD de l’EN auront disparu à la rentrée 2010 ». 


Dans le même temps, entre 2005 et 2009, le nombre d’emplois de professeurs en détachement est passé de 173 à 120 au CNED, montrant ainsi que l’Education Nationale, dans son ensemble, comme nous le vérifions sur d’autres structures (CRDP, CDDP, INRP, CRAP, LIGUE DE L’ENSEIGNEMENT, etc.) a choisi de diminuer ces secondes carrières plutôt que de les pérenniser, alors qu’en parallèle le dispositif dédié aux secondes carrières ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour créer des postes ou en proposer, puisque le portail www.education.gouv.fr  se contente d’orienter les candidats vers quelques portails comme la BIEP ou la Gazette des Communes, et affiche toujours les postes déjà pourvus depuis juillet 2009 sur sa page web dédiée aux secondes carrières.


Les emplois en PACD et PALD, de loin les secondes carrières les plus indispensables à maintenir car elles s’adressent à des enseignants devenus inaptes à enseigner, mais toujours capables de travailler dans tout autre domaine,  semblent eux aussi orientés à la baisse, alors que l’une des récentes études de Georges Fotinos montre bien que les fins de carrière, dans certaines disciplines, méritent qu’on y consacre un budget bien plus conséquent :

http://www.aideauxprofs.org/Index.asp?affiche=News_Dis[...]


Depuis 2009-2010, le CNED, dont la mission de Service Public a été enfin reconnue à sa juste valeur par le MEN, avec le projet Académie en Ligne décidé fin Janvier 2009 par Xavier Darcos et confirmé par Luc Chatel (www.academie-en-ligne.fr) s’est engagé dans un plan de modernisation destiné à optimiser le fonctionnement de ses différentes implantations  afin de dégager des économies d’échelle pour demeurer concurrentiel sur son cœur de métier, l’enseignement à distance :

http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/pour_vous/perspec[...]


Tout changement génère toujours de l’incertitude, mettant chaque individu face à ses capacités d’adaptabilité et de mise en action de ses propres compétences dans de nouveaux contextes. Le 6 mars 2010, Gabrielle Lamotte avait relaté sur son portail dédié à la Vie Scolaire les différentes interrogations qui préoccupent pour l’instant les syndicats : http://www.viescolaire.org/


Il n’en reste pas moins que le CNED, d’après les déclarations de son nouveau Recteur, s’engage actuellement dans un processus de long terme qui le maintiendra parmi les principaux acteurs de l’enseignement à distance, avec une meilleure efficacité, une meilleure productivité : « c’est une nouvelle porte qui s’ouvre » a déclaré à « VousNousIls » Michel Leroy, qui ajoutait « Le CNED dont la mission de service public vient d’être officiellement reconnue est en train de passer d’une industrie de contenus à une industrie de services ». Nul doute que le développement exponentiel de l’enseignement à distance et la mise en œuvre sur la période 2010-2013 des différentes restructurations dans la FPE, la FPH et la FPT, qui nécessiteront des formations, des reconversions, permettront au CNED de se doter d’un nouveau visage, d’une nouvelle image, afin de conquérir de nouveaux marchés.


Pour mieux comprendre l’importance de cette modernisation qu’est en train d’opérer le CNED, EducPros avait réalisé une interview du Recteur Michel Leroy le 16 juillet 2009, nommé à la direction de cette 31e académie, que nous vous invitons à relire attentivement :

http://www.educpros.fr/d[...]



L’élévation du niveau de recrutement des enseignants, couplée à leur remplacement temporaire par des personnels vacataires :



Les récentes déclarations de monsieur Luc Chatel interrogent la communauté éducative sur la volonté de revaloriser moralement le métier d’enseignant.

Alors que la masterisation élèvera le niveau d’entrée dans le métier à Bac+5 au minimum, le projet de pourvoir aux absences courtes des enseignants en faisant assurer leurs cours par des « étudiants et diplômés », de « jeunes retraités de l’enseignement » satisfait certes les associations de parents d’élèves (PEEP, FCPE) mais dévalorise du coup la fonction d’enseignant : il n’y aurait donc plus besoin d’obtenir un Master pour enseigner ?

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/100[...]


http://www.leparisien.fr/societe/chatel-on-va-faire-appel[...]


Dans ce contexte de manque d’enseignants, peut-on croire encore aux secondes carrières ?


Ici et là, des rectorats rapatrient devant élèves les enseignants qui avaient encore la chance d’occuper une seconde carrière provisoire en MAD, tandis que des disponibilités pour convenances personnelles ne sont pas toutes reconduites même si l’enseignant en émet le souhait, la priorité de l’EN étant de compenser la suppression d’un fonctionnaire sur deux en puisant dans la ressource de ses brebis égarées…

Des offres d’emplois de professeurs remplaçants sont proposées par le Pôle Emploi (académie de Créteil, de Versailles, de Caen…) : il est désormais clair que la « seconde carrière » des enseignants n’est plus à l’ordre du jour : l’a-t-elle d’ailleurs été depuis sa conception dans l’article 77 de la loi de 2003 ? Nous avons régulièrement dénoncé dans cette rubrique le manque de moyens évident affecté à ce dispositif, dont les offres d’emplois dites de « seconde carrière » datent toujours de juillet 2009 et font illusion :

http://www.education.gouv.fr/cid23346/seconde-carrier[...]


Nos relais dans les différentes académies nous indiquent que les rectorats constituent des « viviers de seconde carrière » : pour devenir chef d’établissement, inspecteur, puisque, là aussi, avec le papy-boom, d’ici 2015, 50% à 80% des emplois occupés actuellement se libèreront selon les académies.


Il devient évident que la « seconde carrière » ne peut exister en-dehors de ce que le MEN a à proposer, puisque la commission de déontologie chargée d’analyser les dossiers n’en a pas validé plus d’une vingtaine depuis 2006 au niveau national. En constituant des « viviers internes », le MEN contrôle mieux ainsi les volontés de départ, alors que les enseignants désireux de partir n’ont pas besoin de s’adresser à ce dispositif s’ils sont vraiment motivés pour faire autre chose : il leur suffit de tenter un autre concours externe, ou de demander à bénéficier de leur IDV pour s’engager dans un projet personnel ou créer leur entreprise.

Pour tous ceux qui souhaitent s’engager dans une démarche personnelle et confidentielle de seconde carrière et qui ont déjà une idée de leur projet de reconversion, Aide aux Profs, elle, n’a pas lâché prise, en créant récemment une rubrique dédiée à toutes les publications d’emplois que nous prospectons sur la Toile :

http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=R[...]


Aide aux Profs ne peut que regretter que ce dispositif, pourtant prometteur dans sa conception, n’ait pas pu jusqu’ici bénéficier d’un budget suffisant, à la hauteur des enjeux, pour atteindre les 500 à 1000 emplois annoncés par an en 2005-2006 par le Gouvernement. Dans le contexte actuel et à venir des parcours professionnels interministériels mis en avant depuis 2009 par Eric Woerth, les enseignants vont-ils enfin pouvoir réaliser leur mobilité comme le prévoit la loi avec un préavis de 3 mois et en cours d’année, au lieu d’être cantonnés à tenter de la réaliser entre le 1er juillet et le 1er septembre ? Ce serait une avancée capitale.


Plus de 50% des profs d’EPS souffrent de leur métier dès 35-39 ans : quelles seront leurs fins de carrière ?

Par François Jarraud et Rémi Boyer

Heureux les profs d'EPS ? Il semble que oui, affirme un numéro spécial des dossiers du ministère, 85% étant satisfaits de leur métier. Les profs d'EPS sont particulièrement heureux des relations qu'ils tissent avec leurs élèves, des particularités d leur enseignement et de leur liberté. Ainsi, "62% des enseignants ont mis en avant la socialisation des élèves ; 55% « le contact avec les jeunes qui permet aux enseignants de suivre l'évolution de la société », 50% les rapports plus vrais avec les élèves, l'EPS étant une discipline où on ne peut pas tricher".

Mais les professeurs d'EPS souffrent. Sur le plan moral, le manque de considération de la discipline est mal ressenti. Mais la profession est marquée par de profondes souffrances physiques. Dès 35-39 ans la moitié des enseignants ont  des problèmes de santé, ce taux double chez les quinquagénaires.

http://www.education.gouv.fr/cid50749/etre-professeur-d-e[...]


Le 21 novembre 2009, lors de la conférence débat sur les secondes carrières des enseignants, Georges Fotinos avait lui aussi abordé ce problème :

http://www.aideauxprofs.org/Index.asp?affiche=News_Displa[...]


Dans la foulée est paru le rapport de Dominique Cau-Bareille (publié en novembre 2009 au Créapt-Centre d'Etudes de l'Emploi) qui a eu pour thème d'étude: "Vécu du travail et santé des enseignants en fin de carrière: une approche ergonomique" :

http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=News_display[...]


La Fédération Nationale des Enseignants d'E.P.S. de l'Enseignement Catholique mène elle aussi depuis 2002 des travaux de recherche et d’enquête sur cette problématique :

http://www.fnepsec.com/pages/enquetespbpag.html



Francine Duprouilh, de l’enseignement des Lettres en collège à la création du Cabinet de Conseil « Compétences Plus »


Pouvez-vous nous retracer votre parcours de carrière ?


« Après des études de Lettres Classiques  jusqu’à l’agrégation, j’ai enseigné 12 ans en collège de la 6e à la 3e à Dieppe et à Elbeuf en Seine-Maritime, puis j’ai eu l’opportunité de faire autre chose. Je me suis lancée dans la formation professionnelle en devenant  « coordonnateur relais », sorte de CFC « Jeunes »  dans l’académie de Rouen (créé par le Ministère) pour organiser les stages des 16-25 ans en Greta. Ensuite, je suis devenue CFC et  j’ai poursuivi deux ans en région parisienne dans un autre Greta de l’Académie de Versailles, mon mari   proviseur doit lui aussi être mobile géographiquement. Je suis devenu une CFC « terrain », rayonnant sur les Yvelines et le Val-d’Oise.

Ensuite, forte de cette longue expérience du métier de CFC, j’ai été nommée Responsable Départementale pour encadrer des CFC du Département des Yvelines. J’avais alors un portefeuille de clients à gérer, et j’établissais des conventions régionales et nationales avec le Ministère de l’Education Nationale.

Ensuite, je suis devenue Chargée de mission à la DLC10 nationale. J’étais Responsable du Conseil en France pour l’Education Nationale, je m’occupais de la gestion des Grands Comptes, pendant deux ans. Ensuite, j’ai eu à saisir une nouvelle opportunité : la Fédération patronale de l’industrie pharmaceutique souhaitait construire un observatoire des métiers et ils m’ont proposé ce challenge, et je n’ai pas hésité, ce qui a nécessité de prendre une disponibilité, de 1993 à 1998.

Un jour, j’ai reçu un courrier de l’Education Nationale me proposant deux choix : stopper ma nouvelle activité ou être radiée d’office de la Fonction Publique, et là non plus je n’ai pas hésité, je suis parti définitivement.

Je suis restée 6 ans dans cette Fédération patronale, puis le vent du large à nouveau a commencé à souffler, et j’ai démissionné de mon poste, pour monter mon propre cabinet en 1999, que j’ai appelé Compétences Plus (http://www.competencesplus.vpweb.fr/ ). J’en suis devenue la Présidente-Directrice-Générale. Quand j’ai commencé cette aventure, j’avais 50 ans, et j’en suis actuellement la seule salariée.

Pour conclure, j’ai adoré mon parcours de carrière, je ne me suis jamais ennuyée, je suis toujours partie vers ce qui m’attirait, et j’ai toujours saisi quand il le fallait l’opportunité qui me plaisait. »


Votre premier départ de l’enseignement avait-il été réalisé sur un « coup de tête » ?


« Oui. J’avais eu à m’occuper d’adolescents pendant 12 ans,  je suis devenue mère moi- même, et je commençais à en avoir ras-le-bol de la crise d’adolescence, même si ma porte était toujours ouverte aux élèves qui le souhaitaient, car je n’ai pas réalisé mon métier d’enseignante à moitié. J’étais très à l’écoute de leurs difficultés, tant pour entendre leurs problèmes familiaux,  que leurs soucis personnels. J’étais très investie dans mon collège auprès des enfants défavorisés, j’avais une relation d’aide très ouverte.

Quand on enseigne le Français (j’ai une double formation en Français et en Philosophie), on a beaucoup plus de facilités que les autres enseignants à être proches des élèves. J’ai eu l’occasion de monter un festival du roman policier à Elbeuf, de faire du théâtre, de monter une émission de radio…

Ce qui m’a décidée très vite à partir du collège, c’est que mon mari, proviseur, avait un salaire stable, donc je me sentais plus libre, alors qu’une femme seule peut moins facilement se le permettre. Mon caractère rebelle et aventurier m’a aidé dans mes choix. J’ai saisi cette opportunité qui s’offrait, alors que je n’y connaissais rien en formation continue. »


En quoi consistait cette mission d’aide aux 16-25 ans que vous avez exercée comme CFC sur votre premier poste ?


« Je montais des stages en alternance en relation avec les entreprises, en travaillant avec les missions locales. Je contribuais à des chantiers-écoles, pour l’apprentissage d’un métier manuel, où on apprend tout par le professionnel. Cet aspect me plaisait beaucoup, avec toujours une part de pédagogie, la recherche de la transmission du savoir, permettant de remettre en confiance des publics en échec dans l’enseignement traditionnel. J’ai toujours aimé m’occuper des «Bas Niveaux de Qualification » comme on les appelait alors dans les années 1975. Au fur et à mesure, de stage en stage,  certains jeunes obtenaient leur CAP. »


Quand vous êtes devenue responsable, que faisiez-vous ?


« J’étais responsable d’une centaine de formateurs, dans un gros Greta, et tous les ans je devais défendre devant la DAFCO un Plan de Formation de formateurs. Comme j’ai une autorité naturelle, autant à l’aise dans un rôle hiérarchique que dans une relation d’aide, j’ai toujours été opérationnelle dans ce type de fonctions. »


Quelles compétences personnelles ont favorisé ces changements ?


« Le goût pour la résolution des problèmes des autres, j’ai toujours travaillé comme ça, en mode de gestion de projets, avec l’envie de gérer, d’entrer dans une relation d’aide. Ma spécialité, ce sont les problèmes de Gestion des Ressources Humaines. Dans mes missions, j’estime que  J’aide les  Responsables des Ressources Humaines comme les salariés, pour valoriser leurs compétences, gérer les conflits internes aux équipes, trouver des solutions. J’ai toujours été très proche, dans mes fonctions, de la notion de compétences et de leur valorisation.

Quand je suis devenue CFC, il y avait alors une formation très lourde de 2 ans pour devenir Consultant sans certification au final. C’était une « formation-action ». il fallait trouver des clients, des chantiers, et si on faisait ses preuves, on était titularisé comme CFC. Aujourd’hui, la formation dispensée est moins approfondie. J’aime négocier, monter des formations sur mesure, prendre en compte les problématiques des entreprises, ce métier m’a donc beaucoup plu. »


Avez-vous eu des collègues enseignants qui aient entrepris des secondes carrières ?


« Oui, quand j’ai travaillé au Ministère, nous étions une petite équipe d’anciens enseignants. Tous sont partis une fois   travailler en entreprise, vers la SNCF, ou le CNAM, en Cabinets de conseil aussi, tous ont quitté définitivement l’Education Nationale. Une question se pose : l’Education Nationale sait-elle employer ses experts, les valoriser, pour les conserver ? Je travaillais dans un service marchand, mais j’avais toujours un salaire de prof avec une indemnité de CFC qui n’était pas comptabilisée pour mes annuités de retraite. Au bout de 20 ans de fonction publique, quand j’ai démissionné, ça comptera pour 91 trimestres, et j’obtiendrais 44% de mon dernier salaire selon les règles actuelles. Quand je suis allée travailler dans le privé avec le même  niveau de responsabilité, mon salaire a doublé, et je bénéficiais d’un 13e mois et de primes de performance. »


Que pensez-vous des secondes carrières instituées après 15 ans d’ancienneté ?


« Il ne faut pas attendre ce seuil. Il faut partir quand on n’est plus dans la passion de son métier, dans l’innovation, et qu’on se répète. J’ai beaucoup travaillé sur l’usure professionnelle, que je distingue de la fatigue et de la pénibilité au travail. On a intérêt, quand on décide de partir,  à ne pas rester au chômage, d’avoir très vite un salaire, qui soit égal ou supérieur à celui que l’on détenait dans l’Education Nationale, si on veut espérer y gagner. J’ai vu certains de mes anciens collègues monter leur cabinet Conseil et ne pas pouvoir se  verser de salaire tout de suite, cela  est très dur, je n’ai pas connu ce problème heureusement ».


Pensez-vous qu’au niveau des CFC on puisse parler de fuite des cerveaux au niveau de l’Education Nationale ?


« Le CFC est toujours rattaché à son académie d’origine, il n’est jamais inspecté, donc tout son avancement s’effectue à l’ancienneté, cela ralentit sa carrière. Au Ministère, j’ai perdu de l’argent, car, ayant des responsabilités nationales,  je me déplaçais continuellement, et je n’étais remboursée que sur le tarif SNCF de 2nd classe avec un forfait hôtel qui ne correspondait même pas au minimum du tarif des chambres existantes.  Mais le travail est malgré tout   passionnant.

Quand on se donne à fond dans sa fonction, on attend une rétribution à la hauteur de son investissement. Si on est déçu, il faut partir, sinon c’est la frustration et le dépit qui vous gagnent.  Je suis partie, car l’Education Nationale n’a pas su me rémunérer à la hauteur de mes compétences et de mon investissement et que le privé m’apportait une opportunité aussi intéressante (monter et animer un Observatoire des métiers, de l’Emploi et de la Formation. »


Que propose actuellement Compétences Plus, votre entreprise ?


« J’apporte des conseils aux entreprises, aux fédérations de branches, aux observatoires des métiers en matière de Gestion des Ressources Humaines. J’ai aussi conservé un volant de formations : Je prépare des salariés à leur entretien professionnel, je forme à la gestion du stress, à la prévention de l’usure professionnelle, au Management et au Coaching. J’accompagne les jeunes cadres dans leur prise de fonction, j’aide les gens à travailler ensemble. »


Avez-vous eu des regrets sur ce parcours ?


« Aucun, je me suis vraiment éclatée, et actuellement même si l’heure de la retraite est proche je suis prête à  me réinvestir dans de nouveaux projets. »


Quels conseils donneriez-vous aux décideurs du Ministère de l’Education Nationale en matière de GRH ?


« Pour l’instant, on est dans l’EN au degré zéro de la GRH. J’ai été inspectée seulement 2 fois en 12 ans. Les seuls qui renvoient quelque chose à l’enseignant sur sa pratique quotidienne, ce sont les élèves.  Trop d’inspecteurs et certains chefs d’établissement ne savent pas valoriser les enseignants, les motiver, reconnaître leur investissement.

Pour faire vraiment de la GRH dans l’EN, il faut redonner de la motivation, aller vers une évaluation et une rémunération au mérite. »


Que conseilleriez-vous à un enseignant qui souhaite quitter l’enseignement ?


« Il faut le faire dès que l’idée émerge en lui, s’il le veut vraiment. Il faut se poser des questions : qu’ai-je à y gagner ? qu’ai-je à y perdre ? Il faut refuser de s’installer dans une usure professionnelle chronique et aller jusqu’à sa retraite sans plus aimer son métier. Il est important, quand la passion n’est plus là, d’oser se l’avouer et de prendre les moyens nécessaires pour changer, car quand on n’est plus passionné, ni motivé, on ne passionne et on ne motive plus les élèves, et la qualité de la transmission du savoir s’en ressent. »


Que pensez-vous de la démarche entreprise par Aide aux Profs ?


« C’est très intéressant. Je ne pensais pas qu’on pouvait accompagner des professeurs dans leur changement professionnel. Votre démarche est hyper constructive, et j’ai repensé à des collègues qui en auraient eu besoin. Moi, j’ai eu la chance extraordinaire de réaliser ce trajet professionnel, de faire ce qui me plaisait. Se remettre sur le marché du travail, pour un enseignant, c’est excitant, cela lui permet de se confronter à la réalité économique et de savoir ce qu’il vaut ».


Francine conclut ce riche entretien :


« Un enseignant n’a pas de mal à se reconvertir, s’il est motivé, car il possède des compétences transférables qui intéressent les entreprises : il sait écrire, s’exprime correctement à l’oral, sait gérer les ressources humaines qu’on lui confie, est toujours actif dans la transmission des savoirs, en recherche d’innovation, créatif, disponible. Il a plein d’atouts. J’ai beaucoup de respect pour les enseignants, et j’ai beaucoup travaillé sur la transférabilité des compétences. »



Sur le site du Café
Par fjarraud , le vendredi 19 mars 2010.

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